Voici donc Jean, le baptiseur. Quel personnage
étonnant, vous ne trouvez pas ? Quelle image mystérieuse nous en
donnent les différents évangiles. On nous le présente habituellement
comme une espèce de sauvage hirsute, vêtu de peaux de bêtes, qui se
nourris de sauterelles et de miel sauvage ; une sorte d’ermite à moitié
fou, qui crie des imprécations dans le désert, qui exhorte les foules à
se convertir pour échapper au châtiment de Dieu… Ici, dans l’évangile
selon St Jean, on ne le décrit pas physiquement, on ne dit rien de son
aspect, ni même de son discours. Mais cette présentation n’en est pas
moins étonnante, mystérieuse : aux questions que lui posent les envoyés
des notables juifs, questions qui sont aussi les nôtres : « qui es-tu ?
» il répond successivement « je ne suis pas le Christ ; je ne suis pas
Elie ; je en suis pas le prophète attendu. » On comprend qui il n’est
pas, c’est déjà ça ! Devant l’insistance des questions, il lâchera
simplement un énigmatique « je suis la voix de celui qui crie dans le
désert : redressez le chemin du Seigneur ». Nous voilà bien avancés… Et
puis, comme pour ajouter au mystère, il nous parle d’un autre homme, «
celui que vous ne connaissez pas ». Pour une révélation, c’est un
peu court ! Alors il termine en nous assurant que cet homme vient
derrière lui, et qu’il n’est pas digne de délier la courroie de sa
sandale… Allez comprendre, avec ça !
Oui, quel drôle de personnage que ce Jean, le
Baptiseur ! En fait, Jean-Baptiste joue un rôle ingrat. Il ne fait
qu’incarner le personnage déjà annoncé quelques siècles auparavant par
le prophète Elie, « la voix de celui qui crie dans le désert » Il
n’ajoute rien, il ne fait que répéter la prophétie d’Elie. Ah si, il
ajoute tout de même quelque chose : il joint le geste à la parole, en
plongeant ses auditeurs les plus convaincus dans l’eau du Jourdain,
réalisant ainsi un baptême de purification pour le pardon des péchés.
Rôle ingrat encore, quand, plus tard, de sa prison,
il sera en proie à un doute angoissant : il enverra ses amis demander à
Jésus : « es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un
autre ? » et il finira décapité sur un ordre du roi Hérode pour des
raisons ignobles.
Jean-Baptiste, un destin qui semble bien injuste.
Pas de nouvelle prophétie, pas de nouvelle révélation, pas de gloire ni
d’honneur, mais une vie fruste et solitaire, la prison, le doute, la
mort. Pourtant, Jésus nous dira un peu plus loin dans l’évangile, celui
de St Matthieu, que, parmi les hommes, aucun n’est plus grand que
Jean-Baptiste. Car il a donné sa vie pour préparer nos coeurs, pour
purifier notre intelligence, afin que la Parole de Jésus soit entendue,
reçue et accueillie pour ce qu’elle est : la Bonne Nouvelle que Dieu
nous aime. C’est ce que nous dira la suite de l’Evangile, que nous
méditerons demain.