Année C
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retour vers l'accueilSaint Sacrement
Aujourd’hui, mathématiques :
5
pains + deux poissons multipliés par jésus = 5 000 parts + 12 paniers
de restes. Quelle curieuse égalité ! Cet épisode, que nous
appelons communément « la multiplication des pains » - en
oubliant les poissons - nous la connaissons par cœur. Mais
au-delà de l’anecdote, du fait en lui-même, ce passage bien que bref,
est d’une immense richesse. A travers cet événement extraordinaire, qui
pourtant, avouons-le, ne nous étonne plus guère, Luc nous raconte tout
simplement l’Eucharistie et le Royaume de Dieu.
Ceci, dès la
première phrase : « Jésus parlait du règne de Dieu et il
guérissait ceux qui en avaient besoin. » Jésus annonce le règne de
Dieu par ses paroles et aussi par ses actes. Sa parole n’est pas qu’un
discours de promesse, elle est immédiatement suivie d’effets. La
multiplication des pains – et des poissons ! – qui suit est aussi
le règne de Dieu en actes : nourrir ceux qui ont faim, n’est-ce
pas faire naître le règne de Dieu ?
Puis Luc continue en
nous décrivant l’attitude des disciples. Ils ont soucis de ces gens qui
vont se laisser surprendre par la nuit. Ils proposent alors une
solution : « Renvoie cette foule, qu’ils aillent se chercher
à manger… » Cette solution peut paraître sage, raisonnable,
réalisable. Mais elle ne plaît pas à Jésus. Pourquoi ? Parce que
c’est la solution de la dispersion, du chacun pour soi. Chacun devra se
débrouiller tout seul. En revanche, la solution proposée par Jésus,
elle, paraît totalement déraisonnable : « donnez-leur
vous-mêmes à manger » ! Étonnement, incompréhension des
disciples ! Ils n’ont que 5 pains et 2 poissons ! pour cinq
mille hommes, c’est un peu juste ! Pleins de bonne volonté, ils
proposent aussitôt une nouvelle solution, mais probablement sans grande
conviction : « allons faire les courses nous-même ».
C’est déjà mieux, mais c’est peu réaliste ! C’est déjà mieux,
parce que ce n’est plus une solution de dispersion : Les disciples
se tiennent prêts à se mettre au service de cette foule. Mais ce n’est
pas encore tout à fait ce que souhaite Jésus : Il leur dit :
« faites-les asseoir par groupe de 50 » Sa solution à lui est
une solution de rassemblement. Et pas d’un rassemblement quelconque,
mais un rassemblement organisé. L’Eglise est un rassemblement de
communautés distinctes. C’est alors seulement, quand la communauté est
organisée et rassemblée, que peut commencer l’Eucharistie, l’action de
grâce : Jésus bénit les pains – et les deux poissons –
c’est-à-dire qu’il les fait reconnaître par l’assemblée non-pas comme
des offrandes faites à Dieu, mais à des dons de Dieu, à qui il demande
que nous sachions en faire le meilleur usage au service des affamés.
C’est ce que refait le prêtre à chaque messe : « Tu es béni,
Dieu de l’univers, toi qui nous donnes ce pain… » Ce n’est pas
nous qui l’offrons à Dieu, mais c’est nous qui, par la médiation du
prêtre, reconnaissons que tout nous vient de Dieu. Et à partir de cet
acte de foi, alors tout devient possible. Les disciples ont fait
confiance à Jésus malgré l’équation impossible du départ : 5 pains
et 2 poissons pour cinq mille hommes, et pourtant c’est bien
eux-mêmes qui vont distribuer la nourriture, à présent si abondante, à
cette foule qui a faim. C’est bien eux-mêmes qui vont ramasser les
restes, qui rempliront 12 paniers. En disant à ses disciples
« donnez-leur vous-mêmes à manger », Jésus voulait leur faire
découvrir qu’ils ont des ressources insoupçonnées, mais à condition de
tout reconnaître comme don de Dieu, de faire acte d’humilité.
L’humilité ne rend pas faible et impuissant, mais permet au contraire
de développer ses capacités, peut-être ignorées, pour le service des
autres.
Les disciples, aujourd’hui, c’est l’Eglise, c’est chacun de
nous. Des problèmes comparables à celui de l’Evangile : une foule
qui a faim, un monde en souffrance, des besoins individuels à
satisfaire, nous connaissons cela. Mais quels types de solutions
avons-nous le plus tendance à proposer ? Des solutions de
dispersions, ou des solutions de rassemblement ? Des solutions de
division, ou des solutions de multiplication ? Quand on partage un
gâteau, plus il y a de personnes à nourrir, plus les parts sont
petites, je ne vous apprends rien. On fait une division. Mais lorsqu’on
partage le feu, la flamme à laquelle on s’est alimenté garde la même
taille et la même efficacité, et les flammes distribuées sont toujours
aussi lumineuses, apportent la même quantité de chaleur quel que soit
leur nombre. On fait alors une multiplication. Ce n’est plus un partage
d’indigence, mais un partage d’abondance. Le partage du gâteau, c’est
le partage au niveau de l’humain, c’est le partage matériel. La partage
du feu, c’est le partage au niveau du divin, c’est le partage
spirituel, qui enrichit celui qui donne autant que celui qui
reçoit ; qui n’est pas limité par la quantité de personnes ni par
la grosseur des parts : donner de son temps, donner un peu d’amour
autour de soi… Nous ne savons pas, nous ne pouvons pas multiplier comme
jésus les pains et les poissons. La multiplication des biens de ce
monde est humainement impossible. Mais si nous avons l’humilité de tout
reconnaître comme don de Dieu, alors l’évangile nous dit que
l’impossible est envisageable. Vous connaissez sans doute ce
proverbe : « si tu donnes un poisson à celui qui a faim, il
mangera un jour. Si tu lui apprends à pêcher, il mangera
toujours. » Donner un poisson : solution de division,
solution du sursis. Apprendre à pêcher, solution de multiplication,
solution d’espérance. En ces jours où des choix de société nous sont
proposés, prenons le temps de méditer sur la conception que nous avons
de la vie fraternelle et du partage : La solidarité
consiste-t-elle à diviser les biens existants, pour l’immédiat, ou bien
à s’efforcer de mettre en place des solutions de multiplications, pour
le long terme ? A donner du poisson, ou à apprendre à
pêcher ? Nous contenterons-nous de l’humainement possible, ou bien
avons-nous le désir d’aller au-delà ? Osons-nous demander à Dieu
de multiplier les ressources par nos mains ?
Nous voyons ici
comme il est important, pour un Chrétien, d’aller chercher auprès de
Dieu les réponses à nos questions humaines. Aller régulièrement à la
rencontre de Dieu, présent dans la prière, dans l’Eucharistie, et aussi
dans sa Parole. Si la prière nous met en disponibilité en vue de
l’action, si l’eucharistie nous apporte la force d’agir, l’écoute de la
Parole, par la lecture et la méditation de l’évangile, oriente nos
actes vers l’avènement du Règne de Dieu. Ces textes, comme celui
d’aujourd’hui, que nous connaissons si bien, trop bien sans doute, ont
pourtant encore bien des choses à nous dire, si nous prenons le temps,
seul ou avec d’autres, de chercher à en comprendre le sens, au-delà des
faits racontés. Si nous croyons que Dieu est réellement présent dans sa
Parole, si nous reconnaissons qu’il se donne à travers elle, alors,
comme pour les disciples, tout deviendra possible, et nous serons
capables, nous aussi, de multiplier les pains pour en faire un partage
d’abondance auprès de nos frères qui ont faim.
Amen !
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