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Sainte Famille



        Sainte Famille.
    1 S 1, 20-22.24-28 ; 83, 3, 4, 5-6, 9-10 ; 1 Jn 3, 1-2.21-24 ; Lc 2, 41-52

        Nous fêtons aujourd’hui la Sainte Famille. Il s’agit de la famille de Nazareth, celle de Jésus enfant avec ses parents Marie et Joseph ; Sainte Famille dont nous venons d’entendre une des péripéties les plus connues, en tout cas le seul événement que les Évangiles nous rapportent de l’enfance de Jésus.
Regardons cet épisode qui nous est proposé aujourd’hui. Il peut ressembler, au moins dans sa forme, à des événements que nous avons peut-être vécus nous-mêmes. Nous pouvons peut-être même nous reconnaître dans l’un ou l’autre des personnages.
   
        Jésus échappe à la vigilance de ses parents. Peut-on appeler cela une fugue ? Il vient d’avoir 12 ans ; pour les juifs de cette époque, c’est l’âge de l’entrée dans la vie adulte. Aujourd’hui, c’est plutôt l’adolescence. Lorsque ses parents le retrouvent enfin, sa réponse les laisse stupéfaits. On le serait aussi à leur place : « Comment se fait-il que vous m’avez cherché ? » ! Comment Jésus peut-il s’étonner de ce que ses parents le cherchent ? Puis il ajoute : « c’est chez mon Père que je dois être. » Encore plus déconcertant ! Remarquez, ce ne serait pas la première fois, ni la dernière, que des parents ne comprendraient pas leur enfant devenu adolescent ! Pas de quoi en faire tout une histoire !
      
        Peut-on conclure de cette escapade de Jésus qu’il serait dans une phase rebelle ? L’évangéliste Luc nous donne des éléments clairs pour ôter de nous cette idée : « Il descendit avec eux pour rentrer à Nazareth, et il leur était soumis » puis, plus loin : « il grandissait en sagesse, en taille et en grâce, sous le regard de Dieu et des hommes ». Alors, que nous dit ce récit, en vérité ? Pourquoi St Luc a-t-il jugé bon d’inclure cet épisode dans son évangile ?
Premier enseignement : Oui, Jésus est un homme ordinaire. Il a un père, une mère qui l’élèvent et s’occupent de son éducation, en suivant les rites de leur temps. Il a été enfant, comme tout le monde, il a parfois déconcerté ses parents, comme tout le monde, avant de devenir celui qui proclamera la Bonne Nouvelle sur les routes de Palestine.

        Deuxième enseignement : Non, Jésus n’est pas un homme ordinaire. Dès qu’il quitte son statut d’enfant pour celui d’adulte, il se comporte en adulte et commence immédiatement sa mission : interpeler les personnes influentes de son temps, les religieux et les maîtres sur leurs connaissances, leur enseigner ses propres réponses, dans ce qu’on pourrait appeler aujourd’hui une « première évangélisation ».
Troisième enseignement : Non, Jésus n’est pas seulement un homme extraordinaire : il est fils de Dieu ! Il l’affirme lui-même lorsqu’il répond « c’est chez mon Père que je dois être ». Quand il dit « mon Père », il parle bien évidemment de Dieu, le Dieu qui a commencé à se révéler par ses ancêtres Abraham, Moïse, David ; le Dieu qui s’est manifesté à Marie et à Joseph avant la naissance de leur enfant Jésus.
Ce récit nous révèle un peu du Mystère de l’Incarnation, pour parler avec des mots savants. C’est l’histoire de ce Dieu qui se fait homme parmi les hommes, qui se fait petit enfant, qui grandit dans sa famille, soumis à ses parents, dans une vie très ordinaire. Une vie « normale ».
Si Dieu a choisi de naître dans une famille, ce n’est pas sans signification. Ça nous dit l’importance de la famille, aux yeux de Dieu, dans la vie des hommes. Importance de la famille, avec une place spécifique et non-interchangeable pour chacun de ses membres. Une famille éducatrice, un père, une mère, et un enfant accueilli, reçu pour lui-même, un enfant sujet, et non-pas objet obtenu de droit, non-pas objet de revendication. L’accueil de l’enfant comme un don, c’est ce qui fonde la famille. 

        C’est pourquoi la première lecture que nous avons entendue aujourd’hui, si elle peut nous étonner, est assez éclairante sur le statut de l’enfant. C’est l’histoire d’Anne, une histoire qui se déroule plus de mille ans avant la naissance de Jésus. Anne, cette femme stérile qui a passé sa vie à supplier Dieu de devenir mère. Désir d’enfant que toute femme peut ressentir, avec cette immense souffrance lorsque ce désir ne peut être satisfait. Pourtant, lorsqu’enfin, de manière inespérée, cet enfant naît, puis grandit, cet enfant tant désiré, Anne ne le garde pas pour elle-même. Elle le confie au prêtre Eli, pour qu’il soit entièrement donné à Dieu. Par cette attitude, Anne nous montre que l’enfant qu’elle met au monde, elle sait qu’il ne lui appartient pas. Elle l’a reçu de Dieu. Elle n’a pas revendiqué un « droit à l’enfant », elle a simplement exprimé sa douleur à son créateur, dans l’acceptation. Quelle leçon ! La vie qu’il nous est donné de transmettre est un don de Dieu. Toujours. Même s’il peut nous être parfois difficile de l’admettre, encore plus de le comprendre, quand l’arrivée de l’enfant fait suite à des circonstances inattendues, douloureuses ou même dramatiques. La vie est un don de Dieu, un enfant n’est jamais un dû, mais un don. Anne l’a bien compris. Elle a accueilli cet enfant comme un don ; elle l’a élevé en lui donnant ce dont il avait besoin : l’amour et la présence d’une mère, présence irremplaçable. Ce n’est qu’une fois sevré qu’elle le confiera au Seigneur. Quelle générosité ! Quelle magnifique manière d’honorer ce don de Dieu ! En lui rendant cet enfant, elle nous enseigne la reconnaissance, la générosité, le désintéressement. Personne ne l’obligeait à le faire, elle le fait en toute liberté. Et au lieu de se lamenter ensuite sur le départ de son enfant, au contraire, elle exulte de joie, et elle remercie Dieu, en proclamant un cantique devenu célèbre que Marie reprendra en partie dans son Magnificat. Ce « cantique d’Anne » se trouve juste après le passage que nous avons entendu ce (soir) matin, au chapitre 2 du premier livre de Samuel.

        Au-delà de faire mémoire de la famille de Nazareth, la fête de la Sainte Famille est aussi l’occasion de fêter nos propres familles, quelques jours après Noël où beaucoup de familles ont eu le bonheur de se retrouver, de se rassembler autour d’un repas, et partager des cadeaux qui entretiennent les bonnes relations et qui manifestent notre attachement les uns aux autres. Ça peut paraître bien banal, mais ne manquons pas de fêter nos familles, ces petites cellules dans lesquelles tant de choses importantes se jouent. Lieu où naît, grandit et s’expérimente la relation aux autres, cet irremplaçable amour avec toutes ses déclinaisons : amour conjugal, filial, paternel, maternel, fraternel. Premier lieu de vie pour chacun ; dernier lieu de sécurité pour beaucoup, la famille nous aide à garder un équilibre entre nos diverses activités et au milieu des événements heureux ou difficiles que nous traversons. La famille, c’est la valeur sûre et stable de nos existences. Mais vous le savez, il est question en ce moment dans notre pays de bouleverser la stabilité de cet équilibre de manière insensée, en instituant un « mariage pour tous » qui est en réalité « le mariage de quelques-uns imposé à tous » comme le dit le cardinal André Vingt-Trois. Nos évêques nous incitent fortement à nous mobiliser pour empêcher cette dégradation de la famille, et je vous redis ici l’urgence de cette nécessité.

        Seigneur, toi qui nous a donné de transmettre la vie au cœur d’une famille, et comme tu l’as toi-même souhaité pour ton propre fils ; en cette fête de la Sainte famille, permets que tout enfant puisse connaître un père et une mère aimants pour grandir dans l’équilibre et dans la paix.
Amen !

Daniel BICHET, diacre permanent
Maisdon sur Sèvre, Gorges, St Lumine de Clisson
30 décembre 2012


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