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5° dimanche de carême.

   Is 43, 16-21 ; Ps 125 (126), 1-2ab, 2cd-3, 4-5, 6 ; Ph 3, 8-14 ; Jn 8, 1-11

        Nous avons entendu de nombreuses fois ce récit de la femme adultère propre à St Jean. On sait que ce texte nous parle de la Miséricorde divine. Je voudrais vous proposer de le regarder comme spectateurs devant un film.
Essayons d’imaginer que nous sommes présents au Temple et regardons la scène, les attitudes des personnes, les mouvements de foule….
Nous voyons Jésus arrivé depuis le Mont des Oliviers et s’asseoir pour faire une pause après avoir traversé la vallée du Cédron, un peu escarpée. C’est le petit matin. Les pèlerins, les scribes et les prêtres circulent dans le temple et certains reconnaissent Jésus. Ils s’arrêtent, lui posent des questions et Jésus commence à les enseigner. La foule s’assemble pour écouter ce rabbi qui présente la relation à Dieu de manière tellement nouvelle.
Remarquons les attitudes : Jésus est assis et les auditeurs debout pour la plupart. L’enseignant est plus bas que ceux qui écoutent. Jésus enseigne mais avec humilité, plus bas que nous, lui qui est Dieu (Phi (2, 6-11) Il s’est abaissé.
        Les choses s’accélèrent lorsque « Les scribes et les pharisiens lui amènent une femme qu’on avait surprise en situation d’adultère. »
Par la question des scribes et des Pharisiens, Jésus « enseignant » est placé en position de juge.
Mais dans ce simulacre de procès, les choses sont apparemment simples : la femme adultère a été prise en flagrant délit, il y a des témoins ; la Loi de Moïse condamnait l'adultère, cela faisait partie des commandements de Dieu révélés au Sinaï (« Tu ne commettras pas d'adultère » Ex 20, 14 ; Dt 5, 18) ; et le Livre du Lévitique prévoyait la peine capitale : « Quand un homme commet l’adultère avec la femme de son prochain, cet homme adultère et cette femme seront mis à mort. » (Lv 20, 10). Les scribes et les Pharisiens qui viennent trouver Jésus sont très attachés au respect de la Loi de Moïse : on ne peut quand même pas le leur reprocher ! Mais ils oublient de dire que la Loi prévoyait la peine capitale pour les deux complices, l'homme aussi bien que la femme adultère ; tout le monde le sait, mais personne n'en parlera, ce qui prouve bien que la vraie question posée par les Pharisiens ne porte pas sur l'observance exacte de la Loi ; leur question est ailleurs et le texte le dit très bien : « dans la Loi, Moïse nous a ordonné de lapider ces femmes-là. Et toi, que dis-tu ? Ils parlaient ainsi pour le mettre à l’épreuve, afin de pouvoir l’accuser. »
Jésus a souvent demandé d’observer la Loi : que va-t-il répondre ? Pour ou contre la Loi ? Mais on n’imagine pas non plus Jésus approuver la lapidation, lui qui en a réchappé il n’y a pas si longtemps à Nazareth.

         « Maître, qu'en dis-tu ? » Désobéir à la Loi ou tuer cette femme ? La foule attend. Les prêtres et les Pharisiens marmonnent des paroles de satisfaction : ils ont réussi à prendre Jésus au piège.
        Autour d’eux la Foule attend, les gens chuchotent. Certains approuvent les prêtres : il faut faire un exemple ! Certains ont déjà ramassé des pierres. D’autres pensent que ce n’est pas juste de condamner la femme seule.
        Adultère ! « Tu ne commettras pas d'adultère » C’est dans la Loi donnée à Moïse. Cette loi qui commence par des préceptes positifs : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu…Tu respecteras le jour du Sabbat… Tu honoreras ton Père et ta Mère…
        Et ensuite des commandements sous une forme négative : tu ne tueras pas, tu ne voleras pas, tu ne commettras pas d’adultère.
Si on les retourne en forme positive : Tu respecteras la vie de ton frère, tu respecteras ce qui lui appartient, le fruit de son travail, tu respecteras son couple, le conjoint qui est sa propre vie… C’est ce que Dieu aurait aimé dire à une humanité au cœur endurci qui n’en fait qu’à sa tête.
        Adultère, c’est aussi une rupture d’Alliance. Alliance entre un homme et une femme. Image de l’Alliance que Dieu veut vivre avec l’humanité. Alliance d’un Dieu fidèle avec un peuple qui ne l’est pas toujours.
        Jésus est là, silencieux, écrivant dans le sable. Il réfléchit ? Il prie son Père pour que les hommes ne soient pas si durs ? Tellement hypocrites en ne présentant que la Femme ? Et d’ailleurs où est il son compagnon qui sait qu’il risque la même chose ? Où est le mari qui voit sa vie s’écrouler ? Dans la foule de ceux qui vocifèrent ? Prostré chez lui, à pleurer le bonheur perdu ? Discrètement présent pour entendre la réponse de Jésus, espérant retrouver celle qu’il aime ? Que de sentiments partagés.
On presse Jésus, satisfait de l’avoir pris au piège. Dans l’Evangile de St Jean nous sommes juste avant les récits de la Passion qui vont aboutir au procès de Jésus et à sa condamnation.

        « Mes pensées ne sont pas vos pensées, et vos chemins ne sont pas mes chemins, – oracle du Seigneur.  Autant le ciel est élevé au-dessus de la terre, autant mes chemins sont élevés au-dessus de vos chemins, et mes pensées, au-dessus de vos pensées. » Is 55, 8-9)
Jésus est-il triste de l’endurcissement des cœurs ? Fatigué par ces raisonnements fallacieux ?
        « Celui d'entre vous qui est sans péché, qu'il soit le premier à lui jeter la pierre. » Être « le premier à jeter la pierre » était une expression connue de tous, dans le contexte de la lutte contre l'idolâtrie. La Loi ne disait pas que c'était le témoin de l'adultère qui devait lancer la première pierre ; mais elle le disait expressément pour le cas d'idolâtrie (Dt 13, 9-10 ; Dt 17, 7). Si bien que la réponse de Jésus peut se traduire : « Cette femme est coupable d'adultère, au premier sens du terme, c'est entendu ; mais vous, n'êtes-vous pas en train de commettre un adultère autrement plus grave, c'est-à-dire une infidélité au Dieu de l'Alliance ? »
        Les Pharisiens et les scribes voulaient sincèrement être les fils du Très-Haut, alors Jésus leur dit « Ne vous trompez pas de Dieu, soyez miséricordieux ». Jésus, le Verbe, vient d'accomplir parmi eux sa mission de Révélation.

        Alors, Jésus et la femme restent seuls : c'est le face à face, comme le dit Saint Augustin, de la misère et de la miséricorde. Pour elle, le Verbe va là encore accomplir sa mission, dire la parole de Réconciliation. Isaïe parlant du véritable serviteur de Dieu l'avait annoncé : « Il ne brisera pas le roseau qui fléchit, il n’éteindra pas la mèche qui faiblit, ... » (Is 42, 3). Ce n'est pas du laxisme : Jésus dit bien « ne pèche plus », tout n'est pas permis, le péché reste condamné... mais seul le pardon peut permettre au pécheur d'aller plus loin.

        Toute la tension de cette matinée est retombée sans que personne n’ait basculé dans la haine définitivement. Jésus a réussi à ce que chacun regarde sa propre fidélité à l’Alliance, sans condamner ni méconnaitre la faute.
        Jésus aide moi à regarder ma vie en vérité, éclaire mon regard de ta Miséricorde, regard sur les autres et regard sur ma propre vie.
        Car « Dieu n'a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui. » (Jn 3, 17).

Philippe ARRIVÉ, diacre permanent
Paroisse St François des Coteaux
le 3 Avril 2022





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