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5° dimanche de carême.

   Is 43, 16-21 ; Ps 125 (126), 1-2ab, 2cd-3, 4-5, 6 ; Ph 3, 8-14 ; Jn 8, 1-11

         « C’est nouveau, ça vient de sortir ! » Depuis Coluche, cette phrase connaît un grand succès. Il faut dire que ce qui est nouveau est souvent associé, dans notre inconscient collectif, à des notions positives, stimulantes, enthousiasmantes. Comme si la nouveauté était toujours forcément bonne ; comme si le changement était toujours pour un mieux ; comme si tout progrès était synonyme d’amélioration. Mais ça, ce n’est pas nouveau !
        Quoi qu’il en soit, les textes de ce jour sont tous orientés vers la nouveauté, et une nouveauté désirable. Une nouveauté qui désaltère le peuple dans le désert, d’après la prophétie d’Isaïe ; une nouveauté qui fait moissonner dans la joie après les larmes des semailles, comme le suggère le psaume 125 ; une nouveauté qui apporte la victoire, selon St Paul dans sa lettre aux Philippiens ; une nouveauté, enfin, qui pardonne à la femme adultère.

        Ce qui est frappant dans tous ces textes, c’est qu’ils nous parlent tous d’un avant et d’un après. Et entre les deux, l’événement décisif qui fait basculer vers une nouveauté, c’est l’action de Dieu, son intervention en faveur de ceux qui crient vers lui. Une action toujours bienveillante.
        Pourtant, la plupart du temps, l’action de Dieu est bien modeste, parfois imperceptible. Pas de cataclysme, pas de bouleversement, pas de tremblement de terre, pas de signe extraordinaire dans le ciel… Seul « le murmure d’une brise légère », comme il nous est dit dans le premier livre des Rois.

        Dans l’évangile, où l’on vient de réentendre ce célèbre épisode de la femme adultère, l’action de Dieu consiste en une simple parole de Jésus : « Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter une pierre ». Une phrase bien anodine, une parole qui n’est ni une leçon de morale, ni un réquisitoire, ni un plaidoyer, ni une condamnation ; mais dont les conséquences sont un bouleversement. Il y a un avant et un après ; plus rien ne sera comme avant. Bouleversement dans la vie de cette femme en premier lieu, bien sûr, mais plus largement, bouleversement dans la façon que nous avons, chacun de nous, de juger et de condamner. Jésus nous invite à une profonde remise en question, qui implique non seulement notre perception du bien et du mal, notre conscience du péché, mais aussi notre propre comportement vis-à-vis du péché. Qui sommes-nous pour jeter la pierre, pour exécuter la sentence, nous qui pourrions tout aussi bien être à la place du condamné plutôt que de l’accusateur ?
        « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, et désormais, ne pèche plus » dit Jésus à cette femme, sans doute sidérée par cette réponse, elle qui s’attendait à terminer sa vie sous les pierres lancées par ses accusateurs. Pour elle, la nouveauté est donc radicale. Cette nouveauté va lui permettre d’envisager le reste de son existence sous un jour complètement nouveau. Contre toute attente, elle n’est pas condamnée. Ni par Jésus, ni par ses accusateurs, qui ne lui ont pas jeté de pierre. Et Jésus lui donne l’opportunité d’une conversion radicale : « va, et ne pèche plus ». L’histoire ne nous dit pas ce qu’elle est devenue, ce qu’elle a fait de cette invitation à changer son cœur, changer ses habitudes, changer sa vie. A-t-elle poursuivi son existence, comme St Paul, « oubliant ce qui est en arrière, et lancé vers l’avant, courant vers le but en vue du prix auquel Dieu nous appelle dans le Christ Jésus » ? Peu importe. Qu’elle ait réussi à changer ou pas, qu’elle soit retombée, comme nous le faisons aussi, toujours dans les mêmes péchés, elle sait maintenant la nouveauté que Jésus lui apporte. Elle sait qu’elle est pardonnée, que sa misère n’est pas une source de condamnation, mais une occasion pour Dieu d’exercer sa miséricorde. Elle sait que dieu la veut debout, non aux pieds de ses accusateurs, implorant leur pitié. C’est aussi ce que nous savons nous-mêmes, nous qui sommes croyants.
      
        Nous le savons parce que nous connaissons l’Écriture, et nous avons bien écouté aujourd’hui ces passages où Dieu nous révèle sa permanente nouveauté. « Ne faites plus mémoire des événements passés, ne songez plus aux choses d’autrefois. » Quelle que soit notre vie, on ne peut pas changer le passé. Le passé est ce qu’il est. Mais il s’agit de ne plus regarder notre passé comme une excuse pour ne pas avancer, ni de rester fasciné, tétanisé par le mal que nous avons fait ou même le mal que nous avons subi. S’il y a un avant et un après, c’est pour nous rappeler que l’avant n’est plus. Le temps est à l’après.
        Alors bien sûr, il ne faudrait pas s’imaginer que nous serions dans « le monde d’après », dont on a beaucoup parlé aux premiers mois de la pandémie de Covid. Ce « monde d’après », nous pouvons le constater, n’est pas si différent du « monde d’avant », finalement. Il y a sans doute quelques modifications de nos modes de pensée, mais rien de radical. La nouveauté n’est pas si nouvelle que ça. Elle ressemble bien à ce que nous connaissions déjà. C’est parce que cette soi-disant nouveauté n’est que le fruit de la volonté humaine, ou de son imagination. Rien à voir avec la nouveauté proposée par Dieu qui, elle, est un bouleversement, comme nous l’avons dit.
        Bouleversement radical, au point qu’il fait dire à St Paul : « tous les avantages que j’avais autrefois, je les considère comme une perte à cause de ce bien qui dépasse tout : la connaissance du Christ Jésus, mon Seigneur. »
        Connaître le Christ, ce n’est pas seulement une satisfaction intellectuelle. C’est accueillir cette nouveauté dans nos cœurs, et nous laisser renouveler, transformer de l’intérieur. Et cette transformation a pour effet irrépressible de nous mettre en action, d’une manière ou d’une autre. Cet amour qui vient nous envahir nous pousse à le partager, à le faire connaître, à le vivre dans notre quotidien. Ce ne sont pas les occasions qui manquent de donner de l’amour ! Qui que nous soyons. Notre entourage n’attend que ça ! Plus largement, des structures humaines, des organisations, nous invitent à nous investir plus concrètement dans ce partage d’amour. Le CCFD - Terre Solidaire, initié il y a plus de cinquante ans par les évêques de France et encouragé par le Pape François, est l’une de ces organisations. Elle met en œuvre ce qu’on appelle la Doctrine Sociale de l’Église, de manière concrète à travers les multiples projets qu’elle accompagne, vers la nouveauté d’un monde plus juste et plus humain.

        Oui, frères et sœurs, paradoxalement, la nouveauté n’a pas d’âge. Éternelle nouveauté, qui était là dès les commencements, et qui est encore présente aujourd’hui. Restons attentifs à découvrir chaque jour la nouveauté de l’amour de Dieu dans nos vies, comme il nous y invite lui-même par la bouche du prophète Isaïe :
« Voici que je fais une chose nouvelle : elle germe déjà, ne la voyez-vous pas ? »


Daniel BICHET, diacre permanent
le 3 Avril 2022
St Hilaire et Gorges, Paroisse Ste Marie du Val de Sèvre





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