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4° dimanche de Carême





Livre de Josué 5, 10-12 ; Psaume 33 ; Seconde lettre de Paul aux Corinthiens 5, 17-21Evangile selon Saint Luc 15, 1-3. 11-32


        Lorsque Saint Paul nous déclare : « Frères, si quelqu’un est dans le Christ, il est une créature nouvelle. Le monde ancien s’en est allé, un monde nouveau est déjà né », n’est-on pas saisi de doute devant la masse de souffrance dans l’humanité, avant comme après la venue du Christ-Jésus parmi nous ? Qu’est-ce que ce monde nouveau déjà né dont parle Paul ? Les paroles qui enfoncent, les situations de mort professionnelle et sociale qui réduisent une vie à néant, les bombes et les chars qui pulvérisent, les agonies dans la solitude de l’âge, les attaques de toute nature, les 623 morts dans la rue en 2021, auxquels le quotidien LA CROIX rend hommage, en les nommant un par un, dans son édition nationale du 15 mars dernier… Seigneur, jusqu’à quand faut-il supporter cela, tout en croyant qu’un monde nouveau est déjà né ?

        Mais il est possible que nous fassions une mauvaise projection, une erreur de sens quant à la signification donnée à ce monde nouveau. Un élément d’actualité m’a éclairé récemment, et m’offre une perspective renouvelée pour comprendre les textes de la liturgie de ce 4ème dimanche de Carême, dit « dimanche de la joie ». Lors du procès de l’attentat de Saint-Étienne-du-Rouvray, le président de la cour d’Assise demande à Guy Coponet, rescapé du drame, ce qu’il attend du procès. Celui-ci répond : « Je rêve que ceux qui ont formé les agresseurs viennent demander pardon. Quand on ne pardonne pas, ça devient de la haine. Le pardon serait merveilleux ». Puis il ajoute à destination de la Cour : « Mesdames, Messieurs les juges, je souhaite que vous jugiez dans un but de paix. Ce qui nous guide c’est l’amour », ajoute le paroissien dans un silence total de la Cour. En fin d'audience ce jour, l'un des accusés Farid Khelil, s’adresse à Guy Coponet et lui dit : « je vous demande pardon de ne pas avoir pu éviter ce drame, en empêchant mon cousin Abdel-Malik Petitjean d’aller dans cet église de Saint-Etienne-du-Rouvray  (…) Depuis plus de 5 ans, je pense à vous et au Père Hamel tous les jours ». À ces mots, Guy Coponet s'est incliné, a serré ses deux mains l'une dans l'autre et a dit merci. A la sortie de l'audience, il déclare sereinement : « Un accusé qui demande pardon, c’est formidable ». Oui, même si le pardon est difficile à accorder, son expression est déjà une reconnaissance du mal commis.

        Ainsi, ce n’est pas parce que le Christ est passé qu’est survenu par magie un « changement de décor », du monde ancien vers un monde nouveau : c’est parce que nous sommes nés à une vie nouvelle par le Christ, que nous avons la capacité de faire naître un monde nouveau. Ici se situe la vraie nouveauté de ce monde, et l’attitude de Guy Coponet et de l’accusé en témoigne. Et les trois textes de notre liturgie ont en commun de nous éclairer sur cette nouveauté : la nouveauté de la terre promise, la nouveauté du pardon en Christ, la nouveauté du retour du frère. A chaque fois, nous sommes invités à ajuster notre attitude et notre vie, en permanence, car ce n’est pas facile. Ce dimanche de la joie nous prépare à accueillir la joie de Pâques en accueillant ces trois nouveautés.
La nouveauté du Royaume, dans le livre de Josué. Le Seigneur signifie à son peuple que le temps du désert est fini et qu’il convient de s’adapter à une réalité nouvelle : la terre promise est donnée, il n’y a plus de désert à parcourir en nomade mais des champs à cultiver en sédentaire. La manne ne tombe plus du ciel, il faut se mettre au travail de la terre. Tout est différent, et pourtant c’est la même foi qui animera le peuple. Dans notre monde d’aujourd’hui, avec la résurrection, nous comportons-nous comme si nous étions encore dans le désert ou bien nous sommes-nous mis au travail pour bâtir de nos mains un monde plus juste et plus apaisé, déjà à petite échelle autour de nous ?

        La nouveauté du pardon, dans la lettre de St Paul aux Corinthiens. C’est dans le Christ que nous sommes des créatures nouvelles. C’est là que se situe la nouveauté du monde, même si à chaque instant, je peux me déporter de cette trajectoire et retomber dans le cercle du mal. Dans son dialogue avec Nicodème, Jésus parle de nouvelle naissance, ce qui donne un sens colossal à cette nouveauté qui se caractérise par la réconciliation. Christ est mort pour le pardon des péchés. Sa mort est vaine si, nous, baptisés dans sa mort et sa résurrection, nous ne sommes pas capables de faire de même. Il s’agit d’accueillir dans nos vies le pardon et vivre comme des hommes et des femmes réconciliés avec le Christ et avec nos frères. Et nous savons bien que le pardon exige un chemin de rencontre réciproque, comme l’accusé et Guy Coponet semblent l’avoir quelque peu vécu.

        Cela nous amène à la nouveauté du retour du frère et du pardon à celui-ci, dans l’évangile. Autant de temps est consacré au fils aîné et au plus jeune. Il y a bien cette dichotomie entre le monde ancien et le monde nouveau. Le plus jeune des fils est entré dans le monde nouveau, en reconnaissant son péché et en revenant au père. Le fils aîné est resté dans le monde ancien en refusant de pardonner et en se laissant dominer par la jalousie. Selon la Loi ancienne, le fils aîné a raison de se plaindre. Selon la loi nouvelle, instaurée en Christ, il fait fausse route. Il n’a pas revêtu les habits de l’homme nouveau. Il n’a pas accepté que son monde ait changé et qu’il faille qu’il change de comportement envers son père et son frère. Son père a pardonné, lui, ne le peut pas encore. Bien souvent nous sommes comme le fils ainé, et il nous faut du temps. Ce temps que le père, Notre Père, ne nous compte pas et ne nous comptera jamais, tellement heureux de nous retrouver. Si le temps ne compte pas pour le Seigneur, en revanche il compte sur nous pour toujours revenir à Lui.

Christophe DONNET, Diacre
Diocèse de Saint-Étienne
dimanche 31 mars 2019



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