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3° dimanche de Carème



Ex 3, 1-8a. 10. 13-15 ; Ps 102 ; 1Co 10, 1-6. 10-12 ; Lc 13, 1-9

Punition ?

« Qu’est-ce qu’ils ont fait au Bon Dieu ? » Voilà l’interrogation première que l’on entend chez
beaucoup de gens chaque fois qu’il arrive un malheur à l’un de leurs proches. Et peut-être cette
réflexion, l’avez-vous faite vous aussi une fois ou l’autre ou bien même tout récemment en pensant aux
victimes des derniers cataclysmes naturels qui ont touché la France, l’Ouganda, le Chili ou Haïti ? D’où
vient cette attitude quasi-générale, qui veut que tout malheur soit considéré comme une punition de
Dieu ?
Déjà tout petits, nos parents nous ont dit et répété, à vous comme à moi, chaque fois que nous
faisions une bêtise quelconque ou que survenait un léger accident, ne serait-ce qu’une égratignure :
« C’est le bon Dieu qui t’a puni ! ».
Si nous ouvrons la Bible, nous allons trouver de multiples échos de cette mentalité : les malheurs qui
surviennent au peuple d’Israël, tout au long de sa longue histoire, sont interprétés comme autant de
punitions de Dieu à cause des fautes de son peuple. Une invasion, une guerre perdue, une catastrophe, la
déportation, et immédiatement surgissent les remarques qui lient péché et punition : « Nous avons péché
contre toi », et c’est pour cela que nous sommes punis. Le lien entre péché et punition est quasiautomatique
; pire encore : la punition retombera même sur les enfants de ceux qui ont péché ! Donc,
voilà une idée ancrée dans l’esprit des hommes de la Bible, depuis les origines, idée dont on retrouve bien
des échos jusque dans l’attitude des contemporains de Jésus : la pire étant l’attitude des disciples qui
rencontrent un aveugle de naissance (Jean 9) et qui demandent à Jésus : « Rabbi, qui a péché pour qu’il
soit né aveugle, lui ou ses parents ? » Vous rendez-vous compte ? Saint Paul met en garde ses frères de
Corinthe «cessez de récriminer contre Dieu comme l’ont fait certains, ils ont été exterminés ». Eh bien,
aujourd’hui encore, cette relation entre malheur et punition divine est générale dans l’humanité, et même
dans le monde chrétien. Et pourtant, il y a deux millénaires, Jésus a radicalement cassé le lien entre
péché et punition. Il faut croire que l’idée était bien enracinée dans l’esprit humain, puisque, aujourd’hui
encore, l’appel de Jésus n’a pas changé grand-chose.
Convertissez-vous
Quel appel ? Celui de l’évangile « Convertissez-vous ou bien vous périrez tous comme eux ».
« Convertissez-vous » Un mot qui est traduit de manière différente selon les Bibles, et ces traductions
sont parfois des trahisons : on dit aussi bien « repentez-vous » que « faites pénitence » pour traduire le
mot grec metanoète qui veut dire littéralement « changez d’idée », « changez d’avis ».
Changer d’avis sur quoi ? Sur Dieu, tout simplement. Voilà le message premier de Jésus : vous vous
faites des idées fausses sur Dieu ; et moi, son Fils, je viens vous dire qui est Dieu, mon Père. Il n’est pas,
comme vous l’imaginez, un Dieu qui vous surveille pour vous punir au moindre faux-pas. Il est un Père qui
est bon et qui pardonne comme nous le présente le Psaume : « Le Seigneur est tendresse et pitié, lent à
la colère et plein d’amour ». Donc, il vous faut sortir de cette idée de relation plus ou moins commerciale
entre vous et lui.
Relation commerciale ? Oui, car il s’agit de marchandage. Du « donnant-donnant ». On imaginerait un
Dieu qui ferait payer les fautes commises, qui au contraire récompenserait les bonnes actions, dont on
pourrait se concilier les bonnes grâces par des petits cadeaux (des sacrifices). Voilà l’idée que beaucoup
de gens, aujourd’hui encore, se font de Dieu et de la religion. Du marchandage, au bout de vingt siècles
de christianisme !
Qui donc est Dieu ?
Alors, qui donc est Dieu ? La question de Moïse, qui fut celle de tous ceux qui ont approché Dieu, ce
doit être aussi la nôtre. A l’Horeb, devant ce buisson qui brûle sans se consumer, Moïse demande qui est
ce mystérieux personnage qui lui parle, qu’il ne voit pas et qui lui donne mission d’aller délivrer son peuple.
Qui es-tu ? La voix répond « Je suis qui je suis. » Réponse énigmatique, un peu comme si Dieu lui disait
« peu importe qui je suis ; l’essentiel est que tu comprennes le sens de la mission que je te confie. » Et
effectivement, pour parler de Dieu, on en sera toujours réduit à employer des images, des comparaisons,
des approximations. Aussi bien lorsqu’on l’appelle le « Libérateur de son peuple » que lorsque Jésus le
décrit comme « son Père et notre Père ».
Et même s’il est nommé « Juste juge », cela ne veut pas dire qu’il ressemble aux juges de la terre,
que sa justice est celle des hommes, qui ne font qu’appliquer un code de sanctions plus ou moins lourdes.
En tout cas, il n’est pas, et il ne sera jamais un Dieu qui régit l’univers selon une logique de punitions ou de
récompenses.
Mais alors, nous pourrions être tenté de penser que si Dieu est ainsi, on peut faire n’importe quoi !
Que ce soit bien ou que ce soit mal, peu importe, Il ne nous punira pas. Raisonner ainsi démontrerait qu’on
n’a toujours rien compris de Dieu, si on Le considère encore comme celui qui commande, fixe les règles et
punit les contrevenants, à la manière de l’enfant qui craint – ou ne craint pas - de désobéir, selon qu’il
redoute ou qu’il ne redoute pas la punition.
Mais Dieu ne nous prend pas pour des gamins, et la relation qu’il veut avoir avec nous n’est pas celle
d’un donneur d’ordre, d’un dictateur ou d’un petit chef. La parabole que Jésus raconte à la suite de sa
remarque nous dit quelque chose d’essentiel sur ce Dieu qui est son Père et qu’il vient révéler : il est celui
qui nous espère. Comme le viticulteur qui espère malgré tout, et contre toute apparence, que le figuier
planté dans sa vigne va enfin donner des figues. Il est décidé, pour cela, à apporter encore et encore de
nombreux soins à son figuier.
C’est ainsi que Dieu nous espère. Chacun de nous personnellement, et toute l’humanité. Malgré
toutes les catastrophes, malgré les guerres et les génocides, malgré tout, jamais Dieu ne désespèrera
des hommes. Ce doit être pour chacun de nous un encouragement, un chemin de conversion.
Jésus notre compagnon
En attendant, il nous faut vivre avec ces choses que sont le mal, la souffrance et la mort. Et pour
vivre avec ces choses là, nous avons un compagnon de route : Jésus-Christ. Je préfère le prendre Lui
comme repère plutôt que "la Providence", même si je crois en elle pour avoir bénéficié de ses bienfaits à
maintes reprises… Pour nous chrétiens, c’est Jésus-Christ qui nous dit le mieux qui est Dieu. Or, Jésus-
Christ n’a pas eu le pouvoir d’évacuer le mal de son existence, ni du monde, il l’a subi. Par contre, il nous a
laissé une intuition : celle que le mal ultime, à savoir la mort, n’a pas le dernier mot. Cette intuition
s’appelle “ résurrection ”. C’est elle qui aide le chrétien à affronter tout ce qui se présente dans
l’existence, y compris le pire, sans (trop de) peur.
Vivre avec cette pensée n’évite pas de ressentir la souffrance mais elle donne beaucoup de force et
de liberté. C’est déjà ça… et c’est dès maintenant.
« Dieu, lui, n'a pas fait la mort et il ne prend pas plaisir à la perte des vivants » dit le livre de la
Sagesse (1,13). Il n’est pas à l’origine des séismes d’Haïti et du Chili, du glissement de terrain en Ouganda
ni de la tempête Xynthia. Le Dieu qui veut la mort ou le mal n’est pas le Dieu de Jésus-Christ.
Je crois que Dieu pleure et souffre en voyant les maux que subissent les Haïtiens, les Chiliens, les
Ougandais, les Vendéens... Et Il compte sur nous les hommes pour lutter contre les conséquences
dramatiques de ces catastrophes naturelles, en mettant en oeuvre adroitement nos moyens, financiers,
humains et techniques, non pour empêcher la terre de trembler, mais pour éviter, au moins en partie,
certains dégâts et pour reconstruire intelligemment et soigner durablement. Le Dr Bradol, Président de
Médecins Sans Frontières disait : « nous exerçons depuis plus de 35 ans la médecine auprès de ceux qui
tentent de survivre à des crises provoquées par la violence ou la négligence cynique d’autres hommes. »
Pour ma part, je pense que l’homme a acquis suffisamment d’expérience et de savoir-faire et que
c’est à nous d’agir, et de co-créer, au côté de Dieu, un monde plus sûr et plus vivable…ne serait-ce pas un
autre chemin de conversion qui s’ouvre à nous ? Amen

Patrick Javanaud (avec la complicité du Père Léon Paillot et de l’Esprit -Saint)
6 et 7 mars 2010

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