Année C
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retour vers l'accueil3° dimanche de Carème
Ex 3, 1-8a. 10. 13-15 ; Ps 102 ; 1Co 10, 1-6. 10-12 ; Lc 13, 1-9
Etrange enseignement que celui de
Jésus. Enseignement en deux parties, en deux temps. Quel lien peut-il y
avoir entre la première partie, celle qui fait allusion à deux
catastrophes produisant plusieurs victimes, et cette parabole du
figuier stérile ? La première sonne comme une condamnation : « si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même. » La seconde nous dit au contraire comment le condamné est finalement gracié par Dieu : « Laisse-le encore cette année, peut-être donnera-t-il du fruit à l’avenir. ».
Les contemporains de Jésus, comme
nous aussi parfois, sont tentés de croire que si un malheur arrive, il
doit bien y avoir une raison. Il n’y a pas d’effet sans cause, comme
dira Candide sous la plume de Voltaire. Et si on ne peut pas trouver de
cause objective à chaque effet, on en vient à croire que c’est notre
comportement qui est mauvais, et qu’il mérite une punition divine : «
Qu’est-ce que j’ai fait au Bon Dieu ? ». Et c’est d’autant plus facile
quand le malheur arrive à d’autres. C’est certainement de leur faute ;
ces gens-là sont certainement de grands pécheurs, pour qu’ils soient
punis aussi durement.
Un tel raisonnement est
évidemment absurde. Qui songerait à l’appliquer, par exemple, aux
victimes des récents attentas ? Et pourtant, par la une du journal
anniversaire des attentats de janvier, les caricaturistes de Charly
Hebdo eux-mêmes nous ont montré que c’est ainsi qu’ils interprètent ces
événements : ce serait Dieu le coupable de toutes ces violences. Ils
accusent ainsi les chrétiens de croire en un Dieu qui punirait les
pécheurs.
Pourtant, au contraire, dans ce
passage de l’Evangile, Jésus remet à leur place ses auditeurs : Vous
n’êtes pas meilleurs que les autres ! Si ces gens sont morts, ce n’est
pas à cause de leur péché ; ils n’étaient pas pires que vous. Jésus
signifie ainsi que ce n’est pas Dieu qui envoie les catastrophes pour
punir les uns ou les autres.
Nous n’avons pas à juger les événements ni les personnes. Jésus nous
demande juste de nous reconnaître nous-mêmes pécheurs ; de nous
convertir. De changer notre cœur et notre regard, de changer nos
comportements. Sinon, nous sommes dans une logique de mort. C’est ce
que signifie cette mise en garde : « sinon, vous périrez tous de même
». Ce n’est pas l’annonce d’une punition, mais un nouveau rappel que le
péché conduit inéluctablement à la mort. C’est un principe intangible
qui traverse toute la Bible, dès les commencements : le péché conduit à
la mort, et la conversion conduit à la vie.
C’est pourquoi Jésus ajoute cette
parabole du figuier stérile. Pour ne pas laisser croire que Dieu
pourrait souhaiter notre mort à cause de nos péchés. Au contraire, il
désire que nous soyons sauvés, même si nous sommes pécheurs. Il ne
désire que notre salut ; il n’attend que notre conversion ; que nous
revenions à lui.
Et surtout, cette parabole montre combien Dieu est patient. Ce figuier
qui ne donne pas de fruit, à quoi bon le laisser épuiser le sol ? Le
maître pourrait le couper et libérer ainsi de l’espace pour d’autres
plantes plus généreuses. Mais non, il va lui laisser le temps de se
racheter. Il va même l’aider à devenir meilleur : bêcher autour, mettre
du fumier ; favoriser les conditions pour que l’arbre donne du fruit.
Dieu est patient.
C’est ainsi qu’il se comporte
avec nous. Il ne nous condamne pas, même si nous ne nous considérons
pas toujours dignes de lui. Il nous laisse du temps pour que puissions
nous convertir ; il va même nous envoyer des signes pour nous y aider.
A nous de les accueillir… Si nous le voulons. Car il nous laisse
toujours une totale liberté. Libre à nous de ne pas voir, de ne pas
entendre, de pas accepter les appels qu’il nous fait, à chaque instant
de nos vies. Et de prétendre ensuite que Dieu ne fait rien, qu’il nous
laisse tomber.
Notre paroisse vient de vivre ce
temps « Happy week ». De très belles choses ont été vécues par les uns
ou les autres, ceux qui ont accepté d’entrer dans la démarche proposée.
C’était une occasion donnée à chacun pour vivre des moments de joie, de
rencontres parfois improbables, de questionnements, d’échanges
inattendus, d’approfondissement… C’était un temps laissé au jardinier
pour bêcher à nos racines, pour y mettre du fumier, un peu d’engrais
dans notre vie. Une semaine pour dynamiser notre foi, nous faire sortir
joyeusement à la rencontre des autres. Et déjà, nous avons pu avoir
connaissance de quelques-uns des fruits obtenus. Merci, Seigneur !
Et si certains n’ont pas souhaité
participer à ces moments, c’est leur liberté. Ne les considérons pas
comme de plus grands pécheurs que nous ! Dieu est patient, il saura
leur donner d’autres occasions de s’ouvrir pour donner du fruit.
Oui, vraiment, Dieu est patient.
Déjà Moïse en avait fait l’expérience : le buisson qui brûle sans se
consumer, sans se dégrader et se réduire en cendres, matérialise cette
patience de Dieu sur qui le temps n’a pas de prise. Il est celui qui
est, de toujours à toujours, incorruptible comme ce buisson ardent. Il
est aujourd’hui comme il était autrefois et comme il sera dans
l’avenir. Cette éternité de Dieu explique sa patience. Et sa patience
permet sa miséricorde. Il laisse du temps au pécheur pour se convertir.
Il connaît bien nos faiblesses : « J’ai
vu, oui, j’ai vu la misère de mon peuple qui est en Égypte, et j’ai
entendu ses cris sous les coups des surveillants. Oui, je connais ses
souffrances. » Il connaît nos difficultés, il sait que nous ne
sommes pas parfaits. Mais il ne nous en punit pas pour autant : il nous
permet au contraire d’expérimenter sa miséricorde, à travers nos
manques d’amour, nos insuffisances. Il ne nous laisse pas tomber : « Je
suis descendu pour […] délivrer [mon peuple] de la main des Égyptienset
le faire monter de ce pays vers un beau et vaste pays, vers un pays
ruisselant de lait et de miel. » Sa miséricorde n’est pas
simplement de la pitié. Dieu ne se contente pas de s’apitoyer sur notre
sort, il s’engage avec nous pour nous libérer. Et comme il respecte
infiniment notre liberté, il ne fait pas les choses sans nous : il ne
nous libère pas malgré nous, il n’agit pas à notre place, mais il nous
permet de participer à notre libération. Il dit à Moïse : « Va ! Je t’envoie chez Pharaon : tu feras sortir d’Égypte mon peuple ».
De même qu’il ne fait pas pousser miraculeusement des figues sur ce
figuier stérile, mais il lui donne une chance de devenir fertile
lui-même, de même il ne libère pas l’homme sans qu’il n’ait à impliquer
sa propre liberté, sa propre volonté.
Dans la prière d’ouverture de
cette messe, nous avons dit à Dieu, par la bouche du prêtre : « écoute l’aveu de notre faiblesse. Nous avons conscience de nos fautes. Patiemment, relève-nous avec amour. »
Oui, avouons notre faiblesse,
ayons conscience de nos fautes. C’est cette conversion que Dieu attend.
Et lui, nous le savons, par sa miséricorde, il nous relève avec amour.
Amen !
Daniel BICHET, diacre permanent
St Lumine de Clisson, Clisson
28 février 2016
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