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2° dimanche de Carême



        Quelle chance nous avons ! Quelle chance pour nous, les chrétiens ! Notre foi est tout entière tournée vers l’Espérance. Ce qui nous anime est Espérance. Dans ce monde qui désespère, avouez que c’est vraiment une chance ! Et les textes de la liturgie d’aujourd’hui viennent nous conforter dans cette espérance.
        Nous venons en effet d’entendre plein de raisons d’espérer. Les lectures de ce jour nous parlent des promesses de Dieu. Et nous savons que Dieu tient toujours ses promesses. Depuis cette étrange alliance conclue avec Abram, jusqu’à la Transfiguration qui nous donne un aperçu de ce que sera notre vie dans la gloire.

        Étrange alliance, disions-nous. Quel rite étrange, en effet, que celui qui se déroule dans le songe d’Abram ! Des animaux coupés en deux : génisse, chèvre, bélier, tourterelle, colombe, exposés tout le jour au soleil du Moyen-Orient, jusqu’à la nuit tombante. Et puis ce brasier fumant, cette torche enflammée qui passe entre les morceaux d’animaux… ! Imaginez la scène ! imaginez les odeurs ! Imaginez Abraham en train de couper une génisse en deux, une chèvre, un bélier… et de les disposer sur le sol… !
        Intrigué par cette histoire, je suis allé me documenter sur cette étrange pratique. Et j’ai découvert que ce rituel était courant à l’époque d’Abraham. Quand deux chefs de tribu faisaient alliance, ils accomplissaient tout un cérémonial semblable à celui-ci. Les deux personnes qui concluaient l’alliance passaient, pieds nus, entre ces morceaux d’animaux, dans leur sang, signe de la vie. Les animaux partagés en deux préfiguraient, comme un avertissement, ce qui arriverait à celui qui ne respecterait pas ses engagements. On ne peut plus dissuasif !
        Mais ici, il ne s’agit pas d’une alliance entre deux hommes, deux humains, deux semblables, deux êtres égaux. C’est Dieu lui-même qui passe un contrat avec Abram ! Quelle disproportion entre la transcendance de Dieu et la petitesse de l’homme ! Comment Dieu peut-il souhaiter s’abaisser ainsi, s’humilier, en proposant une alliance aussi déséquilibrée, du moins en apparence, à vue humaine ? « Qui donc est Dieu pour nous aimer ainsi ? » s’émerveillait le cantique.

        Que nous dit cet épisode ? On voit ici, une fois de plus, que Dieu passe par nos rites, nos habitudes, nos façons de faire pour se manifester à nous. Pour nous rejoindre, il parle notre langage, il utilise nos signes, nos symboles, les choses qui nous parlent. C’est vraiment un Dieu proche.
        Et il accompagne cette alliance d’une promesse incroyable : le vieillard errant et sans enfant recevra une descendance innombrable et une terre. « Même pas en rêve ! » Comment cet homme qui se pensait au soir de sa vie aurait-il pu imaginer avoir une telle descendance ?
        Autant dire que les promesses de Dieu nous projettent très largement au-delà de ce que l’on pourrait oser espérer ! Et la suite de l’histoire, dans toute la Bible, nous confirme que cette promesse s’est bel et bien réalisée. Abram, le vieillard sans enfant et sans terre deviendra Abraham, le père de tous les croyants, et s’installera sur la terre d’Israël.

        Oui, quelle espérance nous donne ces récits ! Ce don de la Terre Promise, qui se concrétisera à nouveau, bien plus tard avec Moïse qui y fera entrer le peuple de Dieu, préfigure notre entrée, à nous tous, dans la Terre Promise qu’est le Royaume de Dieu. C’est ce que nous dit St Paul dans sa lettre aux Philippiens : « Mais nous, nous avons notre citoyenneté dans les cieux » Nous sommes citoyens du ciel ! Dès à présent ! Quelle chance ! Mesurons-nous cette chance ? Sommes-nous capables de nous en réjouir ? Parvenons-nous seulement à le croire, au moins ? Cette certitude d’être citoyens des cieux devrait nous donner la force et le courage d’affronter les difficultés de chaque jour, et de vaincre le mal auquel nous sommes confrontés. « Tenez-bons dans le Seigneur, mes bien-aimés ! » nous dit St Paul. Tenez bon ! l’Espérance est la plus forte.

        C’est sans doute aussi pour qu’ils puissent tenir bon et ne pas désespérer que les disciples Pierre, Jean et Jacques ont eu la chance de voir, sur la montagne, Jésus dans sa gloire. En effet, très peu de temps après, Jésus allait être arrêté, jugé et crucifié. Mais cette vision anticipée de la Gloire leur a sans doute permis, après le choc terrible et la désillusion qui suivirent la chute puis la mort de leur maître, de retrouver l’espérance. Oui, ils ont vu la gloire de Dieu : Jésus resplendissant, transfiguré, en compagnie de Moïse et d’Elie. Moïse, celui par qui la Loi de Dieu a été donnée, et Elie, le plus grand de tous les prophètes aux yeux des juifs de l’époque. Il s’agit donc, pour les témoins de cette transfiguration, de la totalité de la Révélation : Le Messie lui-même, Jésus dans sa gloire ; la Loi, c’est-à-dire la Parole de Dieu révélée aux hommes ; et les prophètes, ceux qui portent la voix de Dieu s’adressant aux hommes.
        Ce signe d’espérance leur a été donné sur cette montagne. « Maître, il est bon que nous soyons ici ! » il est bon, en effet, de vivre cet instant de la Gloire de Dieu ! On voudrait évidemment prolonger ce moment : « dressons trois tentes, une pour toi, une pour Moïse, une pour Elie » mais il faut revenir à la réalité du quotidien, et redescendre de la montagne. Avec toutefois cette espérance, au milieu des épreuves, espérance renouvelée par la gloire entrevue lors de ce moment de grâce.

        Et nous, aujourd’hui, nous sommes les héritiers de cette vision. Héritiers de cette espérance, non-pas comme des propriétaires, mais comme des responsables de sa transmission. Impossible de garder pour nous cette chance ! La transfiguration, ce n’est pas qu’un événement d’un lointain passé. Il nous faut annoncer au monde cette transfiguration à laquelle tout homme est promis, aujourd’hui et demain. Et comment mieux l’annoncer qu’en montrant nous-mêmes des visages de transfigurés ? Que cette transfiguration se lise sur nos visages et dans tout notre être. Comme dans cette prière du matin que beaucoup de chrétiens disent avant de commencer leur journée. Elle se termine ainsi : « Que je sois si bienveillant et si joyeux que tous ceux qui m’approchent sentent ta présence. Revêts-moi de ta beauté, Seigneur, et qu’au long de ce jour, je te révèle. »
Sûrs d’être aimés de Dieu, reconnaissant des bienfaits dont il nous comble, confiants dans les promesses qu’il nous fait tout au long des Écritures et jusqu’au cœur de nos quotidiens, pourquoi nos visages et toute notre personne ne seraient-ils pas transfigurés, resplendissants dès maintenant ?

        Continuons, frères et sœurs, ce chemin de carême comme des personnes transfigurées.

        Amen !


Daniel BICHET, diacre permanent.
Boussay et Clisson
17 mars 2019


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