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1° dimanche de Carême


L’homme ne vit pas seulement de pain

        Pourquoi l’Eglise nous invite-t-elle chaque année à vivre le temps du Carême ? Ne serait-ce pas pour nous permettre de sortir de nos esclavages, de tous les pièges qui se referment sur nous dans nos façons de vivre, de penser, englués dans la routine de nos existences. Nous avons besoin chaque année d’un temps de retraite, d’un passage au désert pour discerner dans nos vies ce qui est essentiel de ce qui est accessoire. La scène que l’évangéliste Luc nous présente aujourd’hui est à la foi étrange et réconfortante : après son baptême, poussé par l’Esprit, Jésus est parti de l’autre côté du Jourdain, pour un temps de retraite, de cœur à cœur prolongé avec son Père avant de commencer sa mission. Ce qui est étrange, c’est que c’est justement dans ce contexte qu’il est sujet aux attaques du démon. Ce qui est réconfortant, c’est qu’il en est sorti victorieux. Et chaque année, nous sommes invités à le suivre pendant 40 jours au désert… ou plutôt, c’est Jésus lui-même qui vient renouveler son combat contre le mal en chacun de nous, dans son Corps qu’est l’Eglise.

        Par les tentations qu’il connaît au désert, Jésus nous montre qu’il est pleinement homme. La tentation n’est-elle pas notre lot quotidien lorsque le mal sait se présenter à nous sous des habits attrayants, et même parfois sous ceux de la vertu ? lorsque le démon cherche à endormir notre conscience par des arguments comme : « tout le monde le fait ! » Mais la tentation n’est pas le péché, et en laissant le Christ mener son combat en nous, avec lui nous serons vainqueurs. La triple tentation qui nous est racontée peut se résumer en une seule : le démon fait miroiter devant Jésus les avantages qu’il aurait à détourner à son profit les dons reçus du Père. Il serait rassasié de pain et de gloire, il attirerait les foules par ses prodiges, il serait un messie puissant, le plus grand roi dont le pouvoir s’étendrai sur tous les royaumes de la terre. Mais Jésus, rempli de l’Esprit Saint, sait qu’il tient tout de son Père, qu’il est le Fils, et que tout ce qu’il a, tout ce qu’il est, il le reçoit de son Père, comme le fleuve reçoit son être de la source.

        C’est la découverte que le Peuple d’Israël a faite au temps de Moïse et qui nous est relatée par la profession de foi qui accompagne les offrandes dans le livre du Deutéronome. Alors que les autres religions font des offrandes pour obtenir les bienfaits de leurs divinités, Israël inverse complètement le rite : apporter des offrandes, ce n’est pas offrir à Dieu quelque chose qui nous appartiendrait, c’est reconnaître que tout nous vient de lui ; ce n’est pas arriver les mains pleines de nos richesses, c’est reconnaître que sans lui, nos mains seraient vides. Notre époque rechigne à reconnaître cette dépendance de l’homme à l’égard de Dieu. Pourtant, Dieu manifeste son amour de Père à l’égard de ses enfants que nous sommes en nous comblant de tout ce qui nous est nécessaire. Le Carême peut être ce temps de confiance retrouvée, ce temps où le jeune et la prière nous permettront de renouveler notre foi en recherchant l’unique nécessaire.

        Le jeûne, ce n’est pas seulement un rite pour être en règle avec ce que nous demande l’Eglise ; c’est une prise de distance par rapport au  monde matériel qui nous environne et nous conditionne jusqu’à nous faire perdre notre liberté. Il ne parait pas concevable aujourd’hui que chacun, même les enfants, n’ait pas son téléphone portable. Je suis tellement habitué à prendre ma voiture que j’en oublie que mon vélo pourrait être bénéfique à ma santé et à mon portefeuille. Un repas sans viande, c’est surprenant aujourd’hui. Et pourtant, si tous les habitants de la terre avaient notre niveau de vie, il nous faudrait 2 planètes ½. Notre mode de vie européen n’est possible que parce que tous les échanges commerciaux se font à notre avantage. Notre jeûne doit donc nous inciter à vivre plus sobrement pour que tous nos frères humains aient les mêmes droits que nous, et en particulier celui de se nourrir.

        Nous vivons au siècle de la communication grâce à Internet et à tous les réseaux sociaux. Mais est-ce que nous communiquons vraiment ? Lundi matin, sur Fidélité, Jean Vannier citait le cas d’une femme qui avait 1800 amis sur Facebook. Apprenant qu’elle était atteinte d’un cancer, elle l’a annoncé sur son mur. Elle n’a reçu aucun message de compassion. Malgré tous nos moyens techniques, c’est la solitude qui envahit notre espace. A l’inverse, qui n’a pas fait l’expérience d’une vraie rencontre avec un moine ou une religieuse qui consacre pourtant son temps à la prière dans le silence et la solitude. Peut-être nous faut-il d’abord être solitaire comme Jésus au désert pour devenir vraiment solidaire de tous nos frères humains. Peut-être nous faut-il nous nourrir de la Parole de Dieu et la laisser nous transformer en profondeur pour devenir juste, c'est-à-dire ajustés à la volonté de Dieu. Il est frappant de constater que dans son combat contre le démon, Jésus n’entre pas dans un débat avec lui, mais qu’il lui oppose à chaque fois une Parole de l’Ecriture.

        Que ce temps de carême soit pour chacun d’entre nous un temps de conversion. « Convertissez-vous, et croyez à la Bonne Nouvelle ! » En reprenant une phrase du Deutéronome, « La Parole est toute proche de toi, elle est dans ta bouche et dans ton cœur… » Paul découvre que cette Parole est une Personne, Jésus Christ, la Parole de Dieu faite chair. Plus qu’un savoir, notre Foi est une rencontre, même au cœur de l’épreuve. Préparons-nous à vivre ce temps d’épreuve avec Jésus pour ressusciter avec lui au matin de Pâques.



Jean-Jacques BOURGOIS, diacre permanent
La Plaine & Préfailles
Le 17 février 2013




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