Ce dernier dimanche de l'Avent nous invite à une des recontres les plus emblématiques des évangiles : celle de deux cousines. Marie est reçue par Elisabeth, sa cousine âgée, et comme elle annonciatrice de merveilles. Cette scène me rappelle ma maman qui, lorsqu'elle a annoncé sa prochaine maternité, a vu ses cousines venir la visiter et passer quelques jours, voire quelques semaines, pour l'aider... Pratique qui perdure encore.
Mais, ce qui est marquant dans cet évangile c'est le moment précis où Jean se manifeste en Élisabeth. Au moment de la salutation de Marie. Comment salue-t-on en Palestine ? « Shalom Alekem » La paix sur toi ! Elisabeth y répond "Alekem Shalom " Sur toi la paix.... Affirmation, confirmation de l’annonce de la venue du Prince de la Paix que Marie vient de recevoir du messager de Dieu. Ce « Dieu avec nous », annoncé par les prophètes. Élisabeth, femme de foi, nourrie par la Parole de Dieu, comme son mari Zacharie, est en attente de la venue du Messie. Cette femme âgée ne s'y trompe pas. Elle laisse l'Esprit Saint qui vit en elle, comment chacun de nous, l'inspirer et la guider dans cette jubilation qui est une prière confirmant les merveilles que Dieu a accomplies pour l'une et pour l'autre.
Deux femmes entraînées dans l'aventure inespérée mais risquée de la maternité.
Deux femmes embarquées dans l'incarnation de la Parole en leur propre corps
Deux femmes qui avec leur mari et leur enfant ouvrent les temps nouveaux de Justice et de Paix, ceux de la Révélation.
De simples paroles humaines d’accueil fraternel, pourriez- vous dire, oui en effet mais cette visite et ces mots nous font glisser du passé au futur car la promesse du Dieu vivant s'accomplit. Marie porte la paix, Élisabeth et Jean le montrent et le crient avant même sa naissance, au cœur du monde. L'Esprit présent dès le tout début rétablit charnellement le lien de l'humanité avec son père. Ce Dieu et Père n'est plus quelque part là-haut dans les cieux, on ne sait où d'ailleurs.... NON, Il est là avec nous, comme nous, enfant né d'une femme, fragile et vulnérable et pourtant tout-puissant dans son amour. Aurons-nous assez de temps pour méditer sur ce Mystère : « Dieu est là » ? ….
En voyant cette sollicitude de Dieu pour chacun de nous, demandons-nous, comme le psalmiste « Qu'est-ce que l'homme pour que tu penses à lui ? (Ps8) » Pourquoi cet amour indéfectible ? Pourquoi cette attention sensible, tendre et sans relâche pour chaque enfant, chaque femme, chaque homme ?
Peut-être parce que, dès le commencement de son projet « Dieu vit que cela était bon » et qu’Il ne peut pas renier son œuvre de bonté. Mais aussi parce que, par l’Esprit créateur, se dévoile l’amour qui nous fait à son image et nous rend libre. À son image, certes, mais pas « tout-puissant ». Comme nous, notre Père connait nos suffisances, nos colères, nos rejets, notre orgueil, tous ces péchés qui, avec tant d’autres, entachent notre dignité d’enfant et comme nous ne pouvons-nous sauver nous-même, nous avons bien besoin de Lui. Aujourd’hui, l’inouï de Dieu, se révèle au monde : Il vient parmi nous, au milieu de nous, pour nous sauver de la mort spirituelle, dire que ce corps charnel n’est pas une entrave au Salut mais que c’est avec lui et par lui que nous serons sauvés car il nous permet d’incarner, à notre façon, à notre tour, la Parole donnée. Chemin d’humanité et de foi dans l’acceptation de cette paternité qui nous fait sœurs et frères, nous convoque à l’amour fraternel dans nos différences, au partage, au respect et à la dignité et à l’action de grâce pour tant d’amour de ce Père qui n’a de cesse de signifier à toute personne : « Tu as du prix à mes yeux et je t’aime » ! (Isaïe4,43)
Pour en revenir à l’évangile, on peut dire « pas d'Annonciation sans la Visitation » qui confirme l’annonce mais « pas de Visitation sans l’Annonciation » qui lui donne sa dimension spirituelle. Pas de Noël chrétien sans une « annonciation » personnelle de notre Père dont nous portons l’Esprit qui nous fait enfant et nous envoie en mission. Pas de Noël chrétien sans « visitation », c'est-à-dire vécu seul mais partagé avec des sœurs et des frères. Habitons Noël en vivant l'Annonciation et la Visitation pour dire avec Élisabeth « d’où m’est-il donné que mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? et découvrir la joie « d'avoir cru à l’accomplissement des paroles qui lui sont dites de la part du Seigneur. » dans cet évangile.
Patrick DOUEZ, diacre permanent
22 décembre 2024