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7° dimanche du Temps Ordinaire

S’il fallait trouver un mot qui serait commun à toutes les lectures de ce dimanche, lequel choisiriez-vous ?
Moi je dirais « miséricorde ». La miséricorde, cette bonté de Dieu qui ne peut que le conduire à pardonner.
Mais si la miséricorde est l’être même de Dieu – Dieu est miséricorde – la miséricorde n’est pas réservée à Dieu ! C’est une des premières attitudes que tout chrétien peut essayer d’adopter pour suivre le Christ, pour tenter d’imiter Dieu tout au long de sa vie. C’est le fondement de l’attitude du chrétien.
Miséricorde. En effet, qu’avons-nous entendu ? dans la première lecture, ce récit étonnant du premier livre de Samuel, qui met en scène David, pourchassé par le roi Saül qui cherche à l’éliminer. La situation va se retourner, puisque c’est David qui va être en position de tuer très facilement Saül, endormi près de sa lance. Mais David fera preuve de miséricorde.
Et puis le psaume 102 nous a redit à chaque strophe la miséricorde de Dieu pour nous : « il n’agit pas envers nous selon nos fautes, ne nous rend pas selon nos offenses »
Saint Paul ensuite, dans sa lettre aux Corinthiens, nous apprend comment Dieu fera de nous, êtres pétris de terre, des êtres spirituels à son image. Non par nos mérites, mais par simple grâce, à cause de la miséricorde de Dieu pour chacun.
Et enfin Jésus, dans l’évangile d’aujourd’hui, nous donne diverses recommandations qui sont toutes des mises en pratique d’œuvres de miséricorde. Et ça ne commence pas par la plus facile : « Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent. »
Jésus ne nous demande pas d’être mous et inertes, d’accepter ni d’approuver passivement toutes les brimades et les agressions. Il nous demande d’être libres. Et la liberté est souvent désarmante. Au lieu de nous enfermer dans le cercle vicieux de la violence, de la vengeance ou de la simple riposte, qui à vue humaine, peut sembler légitime, pourquoi ne pas, au contraire, nous sentir libre de préférer la miséricorde pour notre agresseur ? Comment réagira celui qui nous frappe sur une joue si on lui tend l’autre ? Quelle sera l’attitude de celui qui nous veut du mal si nous lui faisons du bien ? Oui, la liberté peut être désarmante.
 Il n’est pas ici question de masochisme, ni de dolorisme, mais bien de liberté. Libre, affranchi de tout esprit de vengeance, de revanche, celui qui fait miséricorde devient libre, car alors il n’est pas atteint par les coups, par les offenses. La miséricorde est le fruit de l’amour et « L’amour supporte tout, il endure tout » dit aussi St Paul.
Facile à dire ! Autrement difficile à pratiquer. C’est pourtant ainsi que Jésus lui-même a fait face à ses bourreaux lors de sa passion. « Montre-moi ce que j’ai dit de mal ; et si j’ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu ? » dira-t-il au soldat qui l’a giflé.

Sans pour autant demander un impossible héroïsme, c’est à cette attitude de liberté que Jésus nous invite dans ses quelques recommandations que nous venons d’entendre aujourd’hui.
Sur ce terrain, les chrétiens d’orient sont nos modèles. Ils nous montrent la voie, eux qui sont persécutés dans leur propre pays. S’ils sont entravés dans leur liberté au quotidien, c’est leur grande liberté intérieure qui les aide à refuser de renier leur foi, malgré les menaces.

Le dimanche 30 octobre dernier, lors de la première messe célébrée à Qaraqosh quelques jours seulement après le départ des forces de Daesh, dans une cathédrale dévastée, les chrétiens d’Irak ont prié pour les djihadistes, ceux-là même qui avaient saccagé cette église et qui en ont détruit bien d’autres ; ceux-là même qui les ont opprimés, qui ont tué une grande partie de leurs proches… Ces chrétiens ont mis en pratique cette parole de Jésus : « Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent, souhaitez du bien à ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous calomnient. » Ils ont ainsi fait œuvre de miséricorde envers leurs ennemis.
En vérité, cette attitude est la seule qui soit un chemin de paix. Répondre à la violence par la violence, on le sait bien, ne fait que contribuer à poursuivre la guerre, car elle n’a alors plus aucune raison de s’arrêter.
De la même façon, quand David épargne Saül qui était pourtant à sa merci, il fait œuvre de miséricorde. Mais attention, on pourrait se méprendre sur ce qui a motivé cette miséricorde. Ce n’est pas la générosité, la pitié ou la compassion, ni même un soudain sursaut d’humanisme. David épargne Saül parce qu’il reconnaît en lui celui qui a été choisi par Dieu, celui qui a reçu l’onction. C’est bien ce qu’il exprime quand il dit à Abishaï : « qui pourrait demeurer impuni après avoir porté la main sur celui qui a reçu l’onction de Seigneur ?» Il n’a pas eu les mêmes scrupules, rappelons-nous, quand il a dû tuer le géant Goliath ! Mais il épargne Saül, parce que Dieu l’a choisi pour être le premier roi d’Israël.

Ainsi, quand Jésus nous demande d’aimer nos ennemis, il veut nous rappeler que tout homme, d’une manière ou d’une autre, a été choisi par Dieu. Dès l’origine, tout homme est aimé de Dieu. Et donc, pour cette seule raison, même nos ennemis sont des personnes dignes d’être aimées.

Cette attitude déjà difficile de miséricorde qui nous est demandée n’est pas encore le pardon. De même que la miséricorde est le fruit de l’amour, le pardon est le fruit de la miséricorde. Le pardon, ce serait l’étape suivante, qui nécessiterait une démarche plus longue, et beaucoup plus difficile. Les chrétiens d’Irak qui ont prié pour leurs ennemis n’en sont pas encore à l’étape du pardon. Mais dans leur prière, ils ont demandé à Dieu de pardonner à leurs bourreaux ; de pardonner à leur place, pourrait-on dire. Car eux-mêmes en sont encore certainement incapables. Jésus lui-même sur la croix a demandé à Dieu pour ceux qui l’ont mis à mort : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ». Il ne leur a pas dit « je vous pardonne » ! Faire miséricorde, ce n’est donc pas directement pardonner, ça nous est parfois impossible, mais déjà demander à Dieu de pardonner, ce qui peut être plus à notre portée. Et nous savons que Dieu pardonne toujours, comme nous l’a redit encore tout à l’heure le Psaume 102.

Seigneur, toi qui es toute miséricorde, répands ta miséricorde sur nous, et apprends-nous la miséricorde !

Amen !


Daniel BICHET, diacre permanent
Clisson et Gétigné,
24 février 2019



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