C’est ma première homélie, il faut toujours une première fois !
L’avantage avec le Temps Liturgique composé en trois années, c’est qu’il y aura beaucoup de première homélie pour moi (pour commenter la première fois un passage de l’évangile), donc si je ne suis pas clair ce jour, je ferai mieux la prochaine première fois !
Jésus est sur le rivage
Nous sommes au troisième Dimanche de Pâques. Après être apparu aux disciples et l’échange avec Thomas, Jésus va se laisser voir à nouveau à certains d’entre eux, dont Pierre.
La première partie de l’évangile peut paraitre banal, Pierre est au travail, il part pécher, plusieurs disciples décident de l’accompagner sur le lac de Tibériade. La nuit se passe, et ils ne prennent aucun poisson. Au matin, Jésus est sur le rivage, une nouvelle séquence s’ouvre, il interpelle les disciples qui ne le reconnaissent pas, nous précise l’évangéliste, Jésus les appelle « mes enfants », gage d’une marque d’affection, ils ne reconnaissent toujours pas Jésus, il leur demande s’ils ont du poisson, malheureusement non, alors, une nouvelle fois, Jésus réalise une nouvelle pêche miraculeuse, et c’est seulement à ce moment-là qu’ils reconnurent Jésus. Comme quoi, même après l’épisode de Thomas de dimanche dernier, « heureux ceux qui croient sans avoir vu », ce n’est pas gagné : 153 poissons ! La précision du nombre de poisson est importante, Saint Jérôme, au IVème siècle, expliquait qu’à l’époque de Jésus cela correspondait au nombre d’espèces de poissons connues ; marquant la très grande quantité pêchée, le filet ne rompt pas, puis, Jésus les invite à partager le repas, du pain et du poisson.
Après une semaine Sainte Intense, nous marchons vers la pentecôte, et après, nous allons reprendre notre travail comme les disciples. Jésus sera présent sur notre rivage, allons-nous le voir ? A quel moment et de quel côté allons-nous jeter le filet et de quelle manière ? Allons-nous obéir à Jésus comme les disciples ? De quelle manière allons-nous le suivre ? J’ai mis 25 ans à voir que Jésus était là, sur le rivage, à m’attendre, c’est moi qui regardais ailleurs. Comme il est écrit dans le psaume, « Seigneur, tu m’as fait remonter de l’abime », et cela ne peut se faire qu’avec l’aide de l’esprit Saint, comme il est écrit dans la première lecture « avec l’esprit Saint que Dieu a donné à ceux qu’ils lui obéissent ». Bon, si on peut le faire sans se faire fouetter comme les apôtres dans la première lecture, cela serait encore mieux !
Jésus veut une seule chose, c’est que nous le suivions ; cela parait simple et pourtant c’est très compliqué, car cela nous renvoie à nos propres faiblesses, à nos difficultés à ne pas savoir dire « oui », dire le oui de Marie.
« Pierre m’aimes-tu ? Bien sûr, tu le sais que je t’aime ! »
Après le repas, commence un dialogue qui peut paraitre étonnant entre Jésus et Pierre : « Pierre m’aimes-tu ? », par trois fois Jésus le questionne, et par trois fois Pierre répond. Pierre semble étonné par la question ; surtout par l’insistance de Jésus. Les trois questions vont introduire la mission de Pierre : Jésus va lui confier ses brebis, comment ne pas mettre en corrélation les trois questions de Jésus, et surtout les trois réponses de Pierre, avec les trois reniements de Pierre ? Ici, le « m’aimes-tu ? » n'a pas le même sens dans la bouche de Jésus que dans celle de Pierre : dans d’autres traductions, comme celle de Sœur Jeanne d’Arc, Jésus parle d’amour (agapéo) et Pierre répond par de l’affection (philéo). Par la suite, Jésus va adapter sa troisième question (philéo) à ce que peut donner Pierre en sentiment.
Dans les formations In Vino Veritas, notre curé est revenu sur ces notions de « phileo = amour d’amitié, tendresse, affection et « agapeo » = amour sans réserve, total, inconditionnel. Il insistait sur l’importance de différencier les deux auprès des Fiancés. Benoit XVI lors d’une catéchèse en 2006, commente que l’infidélité de Pierre lors de ses trois reniements, est sans doute la source de la difficulté de Pierre à dire à Jésus : « je t’aime d’un amour total » dans le passage de l’évangile de ce jour. Et pourtant, il va falloir beaucoup d’amour à Pierre pour porter sa mission (jusqu’à sa fin annoncée par Jésus).
« Pierre m’aimes-tu ?
Et nous, quand Jésus pose cette question que répondons nous ? Dans la troisième question, Jésus se met « au niveau de Pierre », et avec nous il fait de même. Il va nous chercher là où nous sommes, avec patience et délicatesse, tout en douceur. En préparant ma première homélie, il m’est revenu un passage du livre du pape François « Dieu est miséricorde », dans la partie introductive, il commentait le passage de la femme adultère, et il disait « Jésus pardonne avec une caresse », « Jésus pardonne avec une caresse », rien qu’avec ces cinq mots, on sent toute la puissance d’amour de Jésus. Et nous, comme Pierre, nous ne sommes pas toujours certains de notre fidélité, du temps que nous pourrions consacrer à Jésus au milieu de notre quotidien bien chargé, et pourtant, sans forcément le savoir, nous pouvons déjà l’observer autour de nous, ce don de soi : une maman qui veille tard le soir car son enfant est malade, des hommes et des femmes qui travaillent pour apporter le pain à la maison, pour élever leurs enfants, des grands parents qui prient pour leurs petits enfants, des hospitalières à Lourdes qui, quelle que soit la fatigue, gardent le sourire auprès des malades, et plein d’autres exemples. Le pape François appelait cela la sainteté de la porte d’à côté.
La bonne nouvelle c’est que Jésus nous prend comme nous sommes, et c’est la grâce de la confiance dans cet amour réciproque qui nous donne la force de le suivre.
Alors mes frères et sœurs, essayons de nous mettre à la place de Pierre cette semaine, et essayons de répondre à la question de Jésus simplement :
m’aimes-tu ?
m’aimes-tu ?
m’aimes-tu ?
et de quelle manière ?
Amen
François PROUX, diacre permanent