Ml 3, 19-20 ; Ps 97 ; 2 Th 3, 7-12 ; Lc 21, 5-19
La fin du monde selon le prophète Malachie ; la fin du monde selon le psalmiste ; la fin du monde selon Saint Paul ; la fin du monde selon Jésus. Voilà ce que nous venons d’entendre dans les textes de ce dernier dimanche ordinaire de l’année liturgique, avant que nous fêtions le Christ-Roi dimanche prochain.
Pas très réjouissant, tout ça. Les nouvelles de notre monde actuel ne sont déjà pas très joyeuses, celle de notre pays sont plutôt déprimantes, et voilà que la liturgie d’aujourd’hui nous en remet une couche avec l’annonce de l’imminence de la fin du monde !
« Voici que vient le jour du Seigneur, brûlant comme la fournaise » nous dit Malachie dans la première lecture : le psaume 97 nous décrit lui aussi au présent la venue du Seigneur. C’est donc imminent ! Et Jésus dans l’Évangile nous apprend que cette venue du jour du Seigneur est toute proche, et qu’elle sera précédée de catastrophes de toutes sortes : guerres, tremblements de terre, famines, épidémies, persécutions…Il est vrai que la venue du Seigneur à la fin des temps, qu’on appelle dans notre culture contemporaine « la fin du monde », est perçue comme la catastrophe ultime, le pire indépassable de tous les malheurs qui nous frappent.
Mais il n’en a pas toujours été ainsi. En relisant les textes d’aujourd’hui, on peut s’étonner de constater qu’aux temps bibliques, cette venue du Seigneur à la fin des temps, le Jour du Seigneur, était au contraire attendu, espéré comme une délivrance. Allons voir…
La première lecture est extraite du livre de Malachie, prophète qui a vécu au cinquième siècle avant Jésus-Christ. Son nom signifie « mon messager », il est donc le messager de Dieu.
Malachie nous parle de la venue du Seigneur comme un total bouleversement, oui, mais pas comme un malheur. Seul les « mauvais » seront châtiés, et les « bons » seront sauvés. « les arrogants, ceux qui commettent l’impiété » seront brûlés au soleil de Dieu, tandis que pour ses fidèles, « le soleil de justice se lèvera et apportera la guérison ». C’est une mise en garde sévère, certes, mais c’est plutôt une bonne nouvelle pour ceux qui n’ont rien à se reprocher, car ils seront sauvés. Ainsi, les auditeurs du prophète voient la fin du monde plutôt d’un bon œil, et peuvent même l’attendre avec une certaine impatience.
Le psaume 97 est, quant à lui, encore plus enthousiaste à la venue du Jour du Seigneur. Il ne le décrit que par des actions positives : tout le monde l’acclame, par la musique et les chants, et même la nature participe à cette exaltation : les fleuves battent des mains et les montagnes chantent leur joie !
Les premiers chrétiens issus du judaïsme connaissaient très bien ces écrits. Et ils étaient confortés par les paroles de Jésus qui terminent le passage que nous avons entendu aujourd’hui : « pas un cheveu de votre tête ne sera perdu. C’est par votre persévérance que vous garderez votre vie. » Donc, du moment qu’on garde la foi, il n’y a aucune raison de craindre la fin du monde, le « jour du Seigneur ». Au contraire, on peut même l’attendre avec impatience.
C’est pourquoi, à cette époque, à l’époque ou Paul écrit aux Thessaloniciens, beaucoup de chrétiens était certains que le Jour du Seigneur était imminent. Cette perspective les détournait de leurs tâches quotidiennes, qui leur paraissaient bien dérisoires. À quoi bon travailler si dans quelques jours, tout doit être bouleversé, tout doit être détruit, et qu’il ne restera pas pierre sur pierre, comme le Temple de Jérusalem ? À quoi bon se fatiguer au travail aujourd’hui ? Attendons simplement que ces événements arrivent, et profitons du jour présent, dans l’oisiveté et la sérénité. C’est dans ce contexte de démotivation que Saint Paul doit reprendre sévèrement ses frères, en leur écrivant : « si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non-plus ».
Après avoir dit tout ça, frères et sœurs, quelles leçons pouvons-nous en tirer pour nous-mêmes ? Comment appréhender cette fin du monde qui nous est annoncée ? Sans tomber dans l’excès d’indifférence comme les Thessaloniciens, il nous faut certainement prendre un peu de recul. Le texte de l’évangile d’aujourd’hui peut nous y aider.
Ce qui fait que nous pouvons craindre la fin du monde, finalement, c’est la peur de l’écroulement de nos propres « temples », c’est-à-dire ce à quoi nous tenons — nos certitudes, nos réussites, nos sécurités, nos institutions même — à l’image des disciples qui admirent le Temple, aujourd’hui si grand, si impressionnant par la stabilité qu’il inspire, et qui semble indestructible. Mais ce n’est qu’illusion. En réalité, rien de tout cela n’est éternel. La seule vraie solidité, c’est la présence de Dieu, qui demeure quand tout s’effondre. Jésus ne veut pas nous faire peur en parlant de destruction ; son intention n’est pas de détruire. Il veut purifier notre regard, pour que nous placions notre confiance en Lui seul. Et les crises qu’il annonce — guerres, maladies, divisions — ne sont pas des punitions, mais des signes du monde en travail, dans les douleurs de l’enfantement d’un monde nouveau où Dieu continue de réaliser son œuvre. Le chrétien ne doit donc pas lire les événements avec angoisse, mais avec espérance. « Il faut que cela arrive d’abord […] mais ne soyez pas terrifiés » nous dit Jésus. Il nous apprend à voir autrement, en discernant la présence de Dieu là où le monde ne voit que ruine et désespérance.
C’est justement pourquoi Jésus nous appelle à témoigner : « cela vous amènera à rendre témoignage » nous dit-il. La foi chrétienne n’est pas une assurance contre la souffrance, mais une vocation à témoigner de la lumière au milieu de la nuit. Dans notre monde en souffrance, en désespérance, le chrétien a pour mission d’annoncer que c’est dans la faiblesse, dans la difficulté que Dieu peut manifester sa puissance.
Alors, frères et sœurs, la fin du monde ? Bonne ou mauvaise nouvelle ? Notre réponse sera à la mesure de notre foi. Avançons avec persévérance, sûrs de l’amour de Dieu pour chacun de nous, malgré les douleurs et les difficultés que nous rencontrons.
« Seigneur, Toi qui vois notre monde secoué par tant de tempêtes, apprends-nous à ne pas nous laisser égarer par la peur.
Quand
tout s’effondre autour de nous,
fais grandir en nous la confiance et la persévérance.
Donne-nous de témoigner, pas seulement par nos paroles humaines, mais par la paix et la fidélité à Ta Parole.
Que ton Esprit nous donne la force de l’espérance. Pas un cheveu de notre tête ne sera perdu car, nous le croyons, tu es le seul Temple qui ne s’écroule pas.
Amen ! »
Daniel BICHET, diacre permanent
Maisdon-sur-Sèvre et Clisson
Le 16 novembre 2025