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Si 35, 12-14.16-18 ; Ps 33 ; 2Tm 4, 6-8.16-18 ; Lc 18, 9-14
Comme souvent, pour ne pas dire
comme toujours, les textes d’aujourd’hui nous parlent de Dieu tout en
nous parlant de l’homme. Ils nous révèlent un aspect de la réalité de
Dieu, ils nous disent qui est Dieu, et en même temps ils nous disent
qui est l’homme ; ils nous rappellent comment l’homme est situé par
rapport à Dieu.
Qui est Dieu ? « Le Seigneur est un juge qui ne fait pas de différence entre les hommes. Il écoute la prière de l’opprimé
» nous dit et nous répète Ben Sirac le Sage, dans la première lecture.
« Le Seigneur regarde les justes, il écoute, attentif à leurs cris. Le
Seigneur entend ceux qui l'appellent » continue le psaume 33.
Saint Paul insiste dans sa seconde lettre à Timothée : « personne ne m'a soutenu. Le Seigneur, lui, m'a assisté. Il me sauvera et me fera entrer au ciel, dans son Royaume. »
Toutes ces affirmations, tous ces
petits bouts de révélation sur Dieu, Jésus les reprend, les récapitule
dans sa parabole du pharisien et du publicain, « pour certains hommes qui étaient convaincus d'être justes et qui méprisaient tous les autres » précise le verset 9.
Dans quel but Jésus invente-t-il
cette parabole ? Rappeler à chacun que le regard de Dieu sur les hommes
est bien différent du regard que les hommes portent sur eux-mêmes, du
regard que les hommes portent les uns sur les autres.
Cet ensemble de révélations sur
le regard de Dieu, c’est une bonne nouvelle ! Si les hommes entre eux
ont ce regard de jugement, ce regard impitoyable parfois, qui juge, qui
établit des catégories : les bons ou les méchants, les croyants ou les
païens, ceux qui font comme nous ou ceux qui font autrement ; Dieu,
lui, ne fait pas de différence entre les hommes. Il ne met pas
d’étiquettes sur chacun, comme nous avons tendance à le faire
nous-mêmes. Bonne nouvelle, qui nous redit que Dieu aime toute personne
sans distinction. Il nous aime malgré et avec nos défauts, nos travers,
nos péchés, et ce qu’il veut, c’est nous sauver. Bonne nouvelle qui
nous invite à ajuster notre attitude, dans deux directions : notre
attitude entre nous, frères et sœurs en humanité, fils et filles d’un
même Père, et notre attitude vis-à-vis de Dieu.
Entre nous, d’abord : Si Dieu
lui-même ne fait pas de distinction entre les hommes, qui sommes-nous
pour juger nos frères ? Jésus invente pour nous une parabole. En qui
nous reconnaissons-nous ? Dans le rôle du pharisien, ou dans celui du
publicain ? Quelle perception de nous-mêmes avons-nous, vis-à-vis des
autres ? Est-ce la suffisance du pharisien qui prédomine en nous, qui
nous place au-dessus des autres ? Suffisance qui ne nous laisse voir
que le bien que nous faisons, et le mal que font les autres. Suffisance
qui induit presqu’inévitablement le mépris des autres.
Ou bien, ce qui prédomine en
nous, est-ce plutôt l’humilité du publicain, qui est capable de
reconnaître son péché et qui peut alors voir chez les autres tout le
bien qu’il ne voit pas en lui ?
Sans doute sommes-nous partagés
entre ces deux attitudes extrêmes. Quoiqu’il en soit, le regard que
nous portons sur nous-mêmes vis-à-vis des autres, détermine forcément
notre attitude vis-à-vis de Dieu.
L’attitude du pharisien, c’est
celle qui flatte mon orgueil, et qui me rend aveugle aux besoins des
autres. Mon rapport à Dieu est alors faussé, perverti par
l’individualisme, persuadé que je suis d’être le chouchou, le préféré,
en raison de mes qualités, de mes efforts, de mes propres mérites. Dans
cette attitude, je n’ai pas besoin de Dieu ; si je me crois parfait, je
n’ai pas besoin d’être sauvé. Mes prières alors ne sont pas des
prières, mais des conversations de salon, où je me mets en valeur en
racontant mes exploits, où je parle d’égal à égal avec Dieu, où je
place même Dieu à mon service, en le prenant à témoin de mes qualités.
L’attitude du publicain, cette
humilité réaliste qui me permet de prendre du recul sur moi-même et de
voir en quoi je suis imparfait, m’aide au contraire à percevoir ma
finitude, à saisir combien mes frères sont semblables à moi, combien
ils ont besoin, comme moi, d’être aimés pour ce qu’ils sont. Je peux
alors me tourner vers mon Père, vers notre Père, et implorer sa
miséricorde, pour moi-même mais aussi pour mes frères. Je rejoins alors
l’attitude de tous ces croyants de la Bible, tous ces pauvres qui
crient vers Dieu. Je deviens ce pauvre dont nous parle Ben Sirac dans
la première lecture : « Sa
prière parvient jusqu'au ciel. La prière du pauvre traverse les nuées ;
tant qu'elle n'a pas atteint son but, il demeure inconsolable. Il ne
s'arrête pas avant que le Très-Haut ait jeté les yeux sur lui, prononcé
en faveur des justes et rendu justice. » Je deviens ce pauvre du
psaume 33 que nous avons chanté, qui implore Dieu dans une infinie
confiance, sûr que le Seigneur l’entend, qu’il « le délivre de toutes ses angoisses ».
Je rejoins Saint Paul dans le fond de sa prison, qui voit venir sa fin,
et qui sait que le moment venu, Dieu l’accueillera dans son Royaume.
Vraiment, l’attitude que je
choisis n’est pas sans conséquences. Au contraire, mon attitude
non-seulement révèle qui je suis vraiment, mais elle m’entraîne sur un
chemin qui me rapproche de Dieu ou m’en éloigne.
Jésus ne nous dit pas qu’il faut
devenir des publicains, c’est-à-dire avoir une vie de désordre, de
choisir le péché, le profit malhonnête. Il ne fait pas l’éloge de ce
publicain en tant que tel, de ses choix de vie, mais de son attitude
vis-à-vis de lui-même et de Dieu.
De même, il ne nous dit pas de ne
pas lui rendre grâce comme le fait ce pharisien, de ne pas suivre les
règles élémentaires de la vie en société, de ne pas jeûner ni faire
l’aumône. Il ne condamne pas le pharisien, car ce qu’il fait est bon.
Il nous rappelle simplement que ce que nous faisons ne suffit pas.
Personne ne peut se sauver soi-même par ses seuls actes. Ce n’est pas
ce que nous faisons de visible aux yeux des hommes qui nous rend justes
ou non, mais c’est notre regard sur nous-même, sur les autres et sur
Dieu. Même le plus grand des pécheurs – le publicain – peut être sauvé
par Dieu, malgré ses actes qui sont mauvais et qui restent mauvais. Car
rien n’est impossible à Dieu.
L’humilité, qui n’est finalement
que le regard lucide et juste sur notre condition humaine, si elle
semble nous abaisser aux yeux des hommes, nous rend justes aux yeux de
Dieu, qui peut alors exercer sur nous toute sa miséricorde, pour nous
élever avec lui jusque dans son Royaume. Qui s’élève sera abaissé ; qui
s’abaisse sera élevé.
Amen !
Daniel BICHET, diacre permanent
Boussay et Clisson, 27 octobre 2013
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