Remercier
une personne qui nous a rendu service ou qui nous a sorti d’une mauvaise
passe ?
quoi de plus naturel dira-t-on ? Et pourtant, rien n’est
automatique. La
confiance et la reconnaissance s’éduquent. Les parents savent bien qu’il
faut
apprendre à leurs jeunes enfants à dire merci, mais ils ne retiennent
pas
toujours la leçon… et que dire des adultes ? Les jeunes qui
viennent
célébrer leur mariage à l’église demandent à Dieu de les protéger, de
les aider
dans la difficulté, mais oublient souvent de dire merci à Dieu pour
l’amour
déjà partagé et vécu ensemble.
Les textes de ce jour nous relatent la
rencontre de dix lépreux avec Jésus et la guérison d’un général Syrien,
Naaman,
qui va se plonger sept fois dans le Jourdain pour guérir de sa lèpre…
Ils font confiance
à la parole et sont guéris.
Rien de
spectaculaire dans l’attitude de Jésus qui ne fait pas de gestes
particuliers,
contrairement à d’autres guérisons, comme celle de de l’aveugle né où
Jésus met
de la boue sur ses yeux ou celle du sourd-muet où il met de la salive
sur la
langue. Ici, il n’y a qu’une parole. Tout paraît simple.
La simplicité ce n’est pas ce qu’avait
prévu Naaman : Il était parti avec une lettre de recommandation du
roi de
Syrie au Roi d’Israël pour obtenir sa guérison… Celui-ci l’oriente vers
Elisée.
Il se présente donc chez le prophète en grande pompe, sur son char, avec
son
escorte et ses cadeaux. Il attend à la porte, et c’est un simple
serviteur qui
lui dit : « mon maître te fait dire que tu dois aller te
plonger sept
fois de suite dans l’eau du Jourdain, et tu seras purifié. » Drôle
d’accueil pour ce général, qui s’était dit : « Sûrement, il
sortira,
se présentera, puis il invoquera le nom de Yahvé son Dieu, il agitera la
main
sur l’endroit malade et délivrera la partie lépreuse. » Très en
colère, Naaman
reprend le chemin de Damas… mais ses serviteurs lui disent :
« Mon
père, si le prophète t’avait prescrit quelque chose de difficile, ne
l’aurais
pas tu fait ? Combien plus, quand il te dit : « baigne-toi et
tu
seras purifié. » Naaman se ravise et descend jusqu’au Jourdain pour s’y
plonger
sept fois… C’est le début du texte du jour… Guéri il retourne chez
Elisée pour
le remercier et lui offrir des cadeaux, ce qu’Elisée refuse.
Beau récit
qui met en évidence les points suivants parfaitement d’actualité
pour
nous :
-
Rien
ne se passe comme l’avait prévu Naaman. Elisée ne se déplace pas pour
rencontrer Naaman, mais envoie son serviteur lui trans mettre sa parole.
Les
chemins de Dieu ne sont pas nos chemins.
-
Rien
d’ostentatoire : le geste simple de se baigner dans le Jourdain.
Dieu
surprend, laissons-nous conduire par Lui.
-
Ce
geste est fait sur la parole du prophète. Dieu ne demande pas des choses
extraordinaires, mais seulement la confiance en sa parole.
-
Sans
ses serviteurs, le général n’aurait pas été guéri. Ceux qui nous
entourent ou
que l’on rencontre, souvent les plus petits, sont des relais ou des
médiateurs
pour rencontrer Dieu.
-
Naaman
vient remercier Elisée, mais il comprend bien que le prophète n’est
qu’un
intermédiaire et que c’est Dieu qui l’a guéri.
-
I
l
repart avec ses cadeaux, car le don de Dieu est gratuit et ne se
marchande pas.
Dans l’évangile, ce sont dix lépreux qui
viennent à la
rencontre de Jésus. Mais ils restent à distance, car ils sont exclus des
bien-portants et ne peuvent se mêler à la foule. Tous les dix crient
pour être
entendus : « Jésus, maître, prends pitié de nous ».
Qu’espèrent-t-ils
de Jésus, alors que leur maladie est considérée à l’époque comme un
châtiment
de Dieu ? Une parole de réconfort, la guérison ? On ne le sait
pas,
mais ils font confiance. Et
lorsque
Jésus leur dit : « allez vous montrer au prêtre », ils se
mettent en route, avec l’espoir d’être guéris. En effet, les lépreux
devaient
se montrer aux prêtres pour que leur guérison soit reconnue, et être
ainsi
réintégrés dans la société. Tout commence ici par la rencontre et la
confiance
en la parole de Jésus qui les guérit et leur ouvre un chemin de vie.
C’est un
premier stade de la Foi.
Guéris, ils ne sont plus maintenant dix lépreux, mais neuf
juifs qui reprennent leur vie ordinaire et recommencent à fréquenter le
temple,
et un samaritain en marge, considéré comme hérétique, qui reconnaît
l’action de
Dieu dans sa vie. En chemin, celui-ci fait demi-tour et revient sur ses
pas. Il
se retourne, il se convertit. Jésus peut alors lui
dire : « relève
toi et va : ta Foi t’a sauvé. » Les autres lépreux ont aussi
rencontré Jésus, mais ne l’ont pas reconnu. Le propre du chrétien c’est
de reconnaître
de quelles misères et de quelles maladies le Christ nous sauve.
Les dix lépreux de l’évangile ont été purifiés, mais un seul
est revenu dire merci à
Jésus :
« Voyant qu’il était guéri, il revint sur ses pas en glorifiant
Dieu à
pleine voix. » Au lieu d’aller se montrer immédiatement aux
prêtres, il
commence par venir dire « merci », « il se jette face
contre
terre aux pieds de Jésus en lui rendant grâce. » « Or, c’était
un
samaritain », Et Jésus s’étonne, « Tous les dix n’ont-t-ils
pas été
purifiés ? Où sont passés les 9 autres ? Il ne s’est
trouvé que
cet étranger pour revenir sur ses pas et rendre gloire à Dieu ». Ce
samaritain, comme Naaman le Syrien, fait successivement l’expérience de
trois
moments essentiels d’un parcours de Foi : d’abord, faire confiance
en la
Parole, être touché, transformé, guéri par la mise en œuvre de la
parole. Ensuite
reconnaître la guérison comme un don de Dieu. Enfin, dire merci et
rendre
grâce.
La parole de Dieu
libère l’homme de ce qui l’enchaîne. Et Saint Paul nous dit depuis sa prison :
« On n’enchaîne pas la parole de Dieu », Elle est
efficiente, elle
permet de supporter l’épreuve et conduit au salut. Les dix lépreux sont
libérés, ils ne sont plus des exclus, et renouent les liens brisés par
la
maladie et l’isolement. La parole de Dieu est une parole d’amour qui
brise les
murs, les frontières, les exclusions, et qui construit des liens de
fraternité,
de bienveillance et de paix. Dans ce monde qui est dur, où les hommes
dressent
des murs pour se protéger des migrants ou de la misère, relayons les
paroles du
Pape François qui nous rappelle les exigences de l’évangile. Les textes
de ce
jour soulignent que ce sont des
étrangers qui font ce chemin de Foi et qui rendent gloire à Dieu.
Accueillir les étrangers, les
respecter
dans leur dignité, leur donner des conditions de vie digne, voilà
trois
exigences que l’on retrouve tout au long de la Bible.
Yves
MICHONNEAU,
Diacre permanent
Paroisse bienheureux Célestin et
Michel en val de Cens
Le 9
octobre 2022