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2R 5, 14-17 ; Ps 97 ; 2 Tm 2, 8-13 ; Lc 17, 11-19

Vous avez certainement remarqué l’évidente similitude entre le récit de la première lecture et celui de l’évangile. Dans les deux cas il est question de guérison ; dans les deux cas, il s’agit de lépreux, des personnes atteintes de cette maladie qui, en plus de la souffrance, provoque l’exclusion sociale. Dans les deux cas, ces lépreux sont des païens, des étrangers. Et dans les deux cas, le lépreux étranger revient pour remercier celui qui l’a guéri. 

Il y a beaucoup d’autres similitudes un peu plus subtiles si on regarde bien. Le lépreux de l’évangile, comme le général syrien Naaman, sont guéris « à distance », sans que personne ne fasse de geste sur eux. Ils sont guéris par un « homme de Dieu » simplement en obéissant à un ordre : « va te plonger 7 fois dans le Jourdain » pour Naaman, « allez vous montrer aux prêtres » pour les dix lépreux. Leur guérison tient seulement à leur obéissance. Dans le second livre des Rois, on voit ce général syrien hésiter longuement avant d’obéir. Il a fait tout ce chemin, s’imaginant que le prophète allait lui proposer un traitement spécifique, prononcer une prière puissante, appliquer sur sa peau des pommades et des onguent, lui administrer des remèdes dont lui seul aurait le secret… Mais le prophète lui ordonne simplement d’aller se plonger 7 fois dans un fleuve ! Tout ça pour ça ! On comprend sa réticence, et on peut d’autant plus admirer son obéissance, dictée par sa grande confiance. La gratitude dont il fera preuve ensuite —c’est le récit de notre première lecture — est à la mesure de cette obéissance. 

Quant aux lépreux de l’évangile, eux aussi sont guéris simplement en obéissant à un ordre : « allez vous montrer aux prêtres ». Pas un mot, pas un geste. En fait, Jésus ne fait que leur rappeler la loi, qui demande aux personnes guéries de faire attester leur guérison en se montrant aux autorités religieuses.

Enfin et surtout, les deux récits se terminent par une insistance sur la gratitude. Celle de Naaman et celle du lépreux étranger, un seul parmi les dix. 


Mais que veut donc nous dire l’Église en rapprochant dans la liturgie d’aujourd’hui ces deux récits, éloignés de plusieurs siècles ? Dans un premier temps, on pourrait n’y voir qu’une leçon de morale : La Bible ne serait alors qu’un livre où on apprendrait les bonnes manières. « dis merci à Dieu ! » comme la maman à son enfant « dis merci à la dame ! ». Mais la Bible n’a pas été écrite, siècle après siècle, juste pour nous faire la morale, pour nous apprendre la politesse. En réalité, évidemment, ça va beaucoup plus loin : la Bible a pour fonction première de nous montrer qui est Dieu — on appelle ça la révélation — et ensuite, comme une conséquence, nous montrer comment se comporter, si on le souhaite, pour vivre en harmonie avec lui — on appelle ça le Salut.

La Révélation, on la découvre. 

Et le Salut, on l’accueille. 

Dans les deux cas c’est Dieu lui-même qui en est l’auteur ; c’est Dieu lui-même qui en est l’acteur. C’est lui qui se révèle ; c’est lui qui nous sauve. Nous ne sommes que les bénéficiaires de sa révélation et de son salut.

Si on comprend ça, si on l’admet, alors notre vie ne peut qu’être imprégnée d’une immense gratitude. 

Le psalmiste qui a écrit le psaume 97 en est un exemple. Il nous invite à la gratitude, par la louange, l’acclamation, la musique et les chants :

« Chantez au Seigneur un chant nouveau, car il a fait des merveilles […] Acclamez le Seigneur, terre entière, sonnez, chantez, jouez ! »

La gratitude, c’est aussi ce à quoi nous invite St Paul dans sa deuxième lettre à Timothée : « souviens-toi de Jésus-Christ, ressuscité d’entre les morts. ».« Souviens-toi », c’est le début de la gratitude. Se souvenir permet de prendre conscience de la grâce reçue, pour ensuite être capable de rendre grâce. Inversement, l’oubli dispense de la gratitude, en effaçant la grâce de notre mémoire. Ce message doit nous interroger, chacun de nous, aujourd’hui : tant de fois, nous demandons au Seigneur son aide dans l’épreuve, dans la maladie, dans les moments difficiles… mais une fois exaucés, très vite, nous oublions ! Nous reprenons notre vie comme si de rien n’était. Où est alors notre gratitude ?


C’est encore la gratitude qui donne à Saint Paul la force de supporter les épreuves : « C’est pour lui [Jésus Christ] que j’endure les souffrances » nous dit-il. Et cette endurance nous conduit au Salut. Saint Paul l’exprime par cette phrase : « Si nous supportons l’épreuve, avec lui nous règnerons ». 

La gratitude, frères et sœurs, c’est un acte de foi. C’est un coeur qui reconnaît l’œuvre de Dieu, un cœur qui sait que tout est grâce. La gratitude nous invite à l’humilité, en nous aidant à reconnaître que nous ne sommes pas auto-suffisants, mais que nous dépendons entièrement de Dieu pour tout. Comme ces dix lépreux, qui se savent entièrement dans la main de Dieu. C’est pour cela qu’ils l’interpellent, et qu’ils l’appellent maître : « Jésus, maître, prends pitié de nous ! » Et pour les guérir, Jésus leur demande un acte de foi : ils doivent aller se montrer aux prêtres. Autrement dit, ils doivent partir avant même d’être purifiés. Ils doivent marcher dans la foi. C’est en chemin seulement qu’ils seront guéris. 


Mais en plus de tout ce que nous venons de découvrir à la lecture de cet évangile, frères et sœurs, la leçon principale que l’on peut en tirer, c’est la suivante :

Parce qu’il a fait preuve de gratitude, le seul des dix à revenir n’est pas seulement guéri, comme les autres : il est sauvé. Jésus lui dit : « Relève-toi et va : ta foi t’a sauvé. » Cette phrase qui apparaît comme une simple attestation de la guérison du lépreux, un peu comme une conclusion du récit, est en réalité porteuse d’un sens très puissant : en effet, Jésus emploie l’expression « relève-toi ».  Se relever, c’est le terme utilisé pour désigner la résurrection. « Va », c’est un envoi en mission : « Ne reste pas planté là, à savourer pour toi tout seul la joie de ta guérison, mais va proclamer cette bonne nouvelle autour de toi ». Et enfin, « ta foi t’a sauvé », ce n’est pas seulement « ta foi t’a guéri ». Dans le texte, le mot grec qui est utilisé signifie non seulement être guéri, mais être sauvé spirituellement, être restauré entièrement, dans la relation avec Dieu. 

Les neuf autres lépreux ont été guéris dans leur corps, oui. Mais seul cet étranger a reçu le salut, car il a reconnu en Jésus plus qu’un thaumaturge, un guérisseur : il a vu Dieu à l’œuvre, et il a répondu avec foi et reconnaissance. Sa gratitude lui vaut son salut. 

Alors, frères et sœurs, cultivons nous aussi la gratitude. Comme Saint Paul, elle nous donnera la force de supporter les épreuves ; comme le psalmiste, elle nous fera chanter les louanges de Dieu. Et comme le lépreux, elle nous vaudra le salut. Nous entendrons alors Jésus lui-même nous dire : « Relève-toi et va : ta foi t’a sauvé. »


Amen !



Daniel BICHET, diacre permanent

Monnières et Clisson

Le 12 octobre 2025




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