Dans la liturgie de la
Parole, il existe toujours un lien
ténu entre la 1ère lecture et l’évangile. En dehors du Temps
Pascal,
la 1ère lecture est tirée de l’Ancien Testament, de
l’histoire du
Peuple juif et de son chemin de foi. L’évangile met en lumière que, avec
Jésus-Christ, cette histoire et son contenu ne sont pas abolis, mais
accomplis.
C’est bien ce que mettent en lumière la guérison de la lèpre du général
syrien
Naaman dans la 1ère lecture, et des 10 lépreux dans
l’évangile selon
St Luc.
Pour bien recevoir ce
que Dieu nous enseigne par sa Parole
consignée dans l’Écriture Sainte, il est nécessaire de préciser quelques
repères, surtout pour la 1ère lecture, qui commence lorsque
le
général Naaman se plonge dans l’eau du Jourdain, sur l’ordre du prophète
Élisée.
Il nous manque le début de l’histoire, la colère du général, furieux
d’obéir à
un ordre a priori stupide. Pour Israël, cet homme est un étranger et un
païen,
qui plus est lépreux. Lui et son roi entendent parler d’Élisée grâce à
l’indication
d’une petite esclave juive au service de la femme de Naaman. Le roi de
Syrie écrit
à Élisée, lui demandant son possible pour guérir son général. Naaman se
présente chez Élisée, qui ne le reçoit pas mais qui lui fait dire par un
simple
serviteur d’aller se plonger sept fois dans le Jourdain pour guérir.
Naaman est
furieux devant cet accueil et cet ordre qui lui apparaît grotesque. Il
repart
vers la Syrie. Mais c’était sans compter sur ses serviteurs, encore eux,
qui
lui conseillent d’aller dans le Jourdain, en lui suggérant qu’il peut
faire
confiance en ce geste ordinaire. Naaman les écoute, se plonge dans le
Jourdain,
guérit de la lèpre et retourne remercier Élisée qui refuse les présents.
Que retenir de cette
histoire ? Ce sont de simples
serviteurs qui sont intervenus à deux reprises pour cette guérison.
Naaman n’a
pas rencontré le prophète Élisée, car ce n’est pas le prophète qui
guérit, mais
Dieu. Naaman est guéri en prenant le risque de faire un geste qui aurait
pu le
ridiculiser s’il n’y avait eu aucun effet. Il a donc, à un moment donné,
fait
confiance. Et il a rencontré Dieu par ce geste banal de se plonger dans
l’eau,
et non par une procédure spectaculaire. Et enfin il n’y a pas eu de
cadeau de
remerciement : la seule manière de manifester à Dieu notre
reconnaissance
est de reconnaître que tout vient de lui.
Cet épisode met en
lumière le geste de Jésus avec les dix
lépreux, et ce qui distingue Jésus, Dieu fait homme, d’un prophète,
aussi grand
soit-il qu’Élisée, homme de Dieu. Ces lépreux viennent à la rencontre de
Jésus,
neufs juifs et un samaritain. Ces deux peuples ne se rencontrent jamais,
les
juifs accusant les samaritains de s’être détournés de la vraie foi et de
Jérusalem. La maladie avait rapproché ces dix hommes. Dans la guérison,
ils ne
sont plus dix lépreux, dix exclus, mais neuf bons juifs et un
Samaritain,
c’est-à-dire un hérétique.
Si Élisée envoie Naaman
dans le Jourdain, Jésus envoie les
lépreux chez les prêtres du temple de Jérusalem. Suivre l’ordre reçu
conduit à
la guérison. Mais pour les juifs, toute guérison doit être constatée par
un
prêtre, pour l’authentifier comme venant de Dieu, faute de quoi la
guérison
n’est pas reconnue comme d’essence divine, mais peut relever de la magie
et du
sortilège. Certes, on peut dire qu’il aurait été difficile à ce
samaritain
d’aller se présenter à un prêtre juif, voire même de reconnaître
l’autorité
d’un prêtre juif, mais il est bien parti avec les neuf autres vers les
prêtres,
suivant l’ordre de Jésus. Sans doute pouvait-il se dire qu’en
rencontrant les
prêtres, il serait guéri, tout samaritain qu’il était, comme Naaman a dû
aller
dans le Jourdain pour guérir. Seulement voilà, c’est au moment de sa
guérison
qu’il décide de revenir vers Jésus, de faire demi-tour. Faire demi-tour,
c’est
aussi le sens du mot « conversion ». Il reconnaît la source de
la
guérison. Car n’oublions pas qu’au moment où, avec les 9 autres, il
rencontre
Jésus, il ne se passe strictement rien en termes de guérison :
Jésus se
contente de leur dire d’aller voir les prêtres. Seul ce samaritain fait
ce
demi-tour et il s’approche alors de Jésus. Il ne reste plus à distance.
Et il
rend gloire à Dieu, lui un étranger hérétique. Il a compris, ou plutôt
la grâce
l’a touché d’une manière particulière, il a compris que Dieu agit en la
personne de Jésus. Tous furent guéris, sans condition sauf à suivre
l’ordre de
Jésus. Mais le samaritain a manifesté sa foi, et sa foi l’a sauvé,
c’est-à-dire
lui donne accès à une forme de plénitude de vie divine.
Bien sûr, dans le
contexte de l’évangile de Luc tout
particulièrement destiné aux non-juifs de son temps, la Parole de Dieu
dévoile
que le Christ est bien pour tous, sans exception, et donc en particulier
ceux qui
ne sont pas des nôtres, et encore aujourd’hui.
Ces deux épisodes nous
invitent aussi à être attentifs aux
signes que Dieu nous envoie, en particulier lorsque nous lui demandons
son
aide.
Ces signes que Dieu
nous transmet ne sont pas toujours
immédiats, ce n’est pas toujours spectaculaire comme certains miracles.
Et le
temps de Dieu n’est pas du tout le nôtre.
Des petites voix, comme
celles de l’esclave de la femme de
Naaman ou de ses serviteurs, ne doivent pas être négligées dans notre
discernement quant à la réponse du Seigneur à notre prière. Est-ce qu’on
se
laisse suffisamment interpeller par d’autres, en particulier ceux que
nous
considérons comme quelque peu éloignés de nos habitudes, y compris en
Église où
parfois nos manières de penser, de vivre notre foi, de prier et de
célébrer
nous divisent plus qu’elles nous rassemblent dans la diversité ?
Et remercier Dieu,
rendre grâce, est la seule attitude que
Dieu attend de nous. Pas de cadeau, mais une joie directe et simple que
nous
pouvons entretenir avec une étonnante facilité dans nos prières
quotidiennes.
Christophe DONNET,
Diacre permanent
Diocèse de
Saint-Étienne
9 octobre 2022