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27° dimanche du Temps Ordinaire


Ha 1, 2-3; 2, 2-4  -  Ps 94 - 2Tm 1, 6-8.13-14 - Lc 17, 5-10

En ces temps incertains, il y aurait bien de quoi être inquiets. Il y aurait bien de quoi perdre la foi.
Les prix de ce dont nous avons besoin au quotidien ne cessent d’augmenter. Pourrons-nous faire face d’ici les mois à venir ? « Combien de temps, Seigneur ? »
Le dérèglement du climat n’est plus une hypothèse pour l’avenir, nous en avons subi cet été une des conséquences avec cette canicule exceptionnellement longue. Faut-il s’attendre à ce que cette situation perdure ? « Combien de temps, Seigneur ? »
La terre a soif, le niveau des rivières est alarmant, les plantes dépérissent et les réserves d’eau potable se tarissent. Le retour de la pluie devient une urgence. « Combien de temps, Seigneur ? »
On nous prédit un hiver difficile, à cause de possibles coupures de chauffage. Après les fortes chaleurs de cet été, allons-nous supporter le froid de l’hiver ? « Combien de temps, Seigneur ? »
Et aux portes de l’Europe, cette guerre qui se voulait éclair semble s’éterniser, et apparaît désormais comme une menace pour nos pays. « Combien de temps, Seigneur ? »
« Combien de temps, Seigneur, vais-je appeler, sans que tu entendes ? crier vers toi « violence ! » sans que tu sauves ? Combien de temps, Seigneur ? »
Oui, ce cri poussé par le prophète Abacuq il y a vingt-cinq siècles sur la terre du moyen orient, a traversé le temps et les distances. Il est resté d’actualité à toutes les époques et sur toute la surface de la terre, et il est encore le nôtre, ici, aujourd’hui.
L’homme est fondamentalement un être qui crie vers Dieu. Depuis que l’homme est homme, il a cette intuition d’être une créature bien petite face aux forces de la nature, et plus petite encore devant son Créateur. Alors il tente de comprendre les événements qui lui arrivent, en sachant qu’il n’en est pas le maître. Et il crie vers le Tout-Puissant, celui qui peut tout, cet être transcendant mais inconnu.
Et puis, au cours de l’Histoire humaine, il y a eu la Révélation. Abraham d’abord, puis des milliers d’autres, ont entendu Dieu les interpeller, ont vu Dieu se révéler à eux, petit à petit au cours de l’histoire de l’humanité, à la mesure de ce qu’ils étaient capables d’entendre, de comprendre. Cet être transcendant mais inconnu se faisait connaître. Et toutes ces personnes, Abraham en tête, ont cru. Ils ont fait confiance à cette parole entendue, à la Promesse. Ils ont eu la foi, et c’est par la foi que tout est devenu possible. Le livre de la Genèse nous dit qu’« Abraham eut foi dans le Seigneur, et le Seigneur estima qu’il était juste » (Gn 15, 6). Et Saint Paul écrira dans sa lettre aux Romains qu’« Abraham a été déclaré juste en raison de sa foi » (Rm 4, 3) et non de son obéissance à la Loi ou sa pratique de bonnes œuvres.
C’est donc la foi qui est centrale ; c’est la foi qui justifie, qui élève l’homme. La foi est un véritable trésor, le don de Dieu par excellence. La foi, que l’on peut nommer aussi la confiance en Dieu.
Les textes de ce jour nous montrent que, tout au long de l’Histoire, cette foi de l’Homme en Dieu ne va pas toujours de soi. Elle n’est pas toujours une évidence. Elle sera questionnée, elle sera éprouvée, elle sera parfois combattue, parfois au contraire défendue avec plus ou moins de force, par les uns ou les autres.
Dans la première lecture, l’homme exprime son impatience dans ce cri vers Dieu : « Combien de temps, Seigneur ? » Et la réponse peut paraître déroutante : Dieu répond simplement qu’il faut rester patient, et s’attacher à garder la foi en sa promesse qui « ne décevra pas. Si elle paraît tarder, attends-la. »
La deuxième lecture nous transporte dans la magnifique lettre de St Paul à Timothée. Pour encourager Timothée, pour le conforter, Paul, lui aussi, l’invite à garder la foi, comme le bien le plus précieux. Il lui rappelle aussi la gratuité du don qu’il a reçu : « Ravive en toi le don gratuit de Dieu » ! Et ce don, bien évidemment, c’est l’Esprit Saint, qu’il a reçu lorsque Paul lui a imposé les mains ; Esprit Saint que nous avons nous-mêmes reçu lors de notre propre baptême, et dont la présence en nous a été confirmée, lorsque l’évêque nous a imposé les mains au jour de notre confirmation. « Garde le dépôt de la foi dans toute sa beauté, avec l’aide de l’Esprit Saint qui habite en nous. »
La foi, avec l’Esprit Saint pour gardien, comme un guetteur qui veille en nous et sur nous, pour que notre foi ne défaille pas.
Les disciples de Jésus, eux aussi, ont bien cette intuition que leur foi est un trésor, et, parce qu’elle est tellement précieuse, elle est trop fragile, trop vulnérable, trop faible. Alors ils demandent à Jésus : « augmente en nous la foi ».
Là encore, la réponse de Jésus peut paraître déroutante, déconcertante. Dans un premier temps, il insiste pour leur montrer que oui, en effet, leur foi est faible, insuffisante, plus petite même qu’une graine de moutarde ! Bien insuffisante pour commander à un arbre de se déraciner et d’aller se planter dans la mer !
Cette exagération de Jésus n’est pas destinée à se moquer des disciples en leur montrant leur insuffisance, ni à les culpabiliser. C’est au contraire une façon humoristique – parce que tellement excessive – de dédramatiser. C’est aussi une manière affectueuse de valider l’honnêteté de leur démarche, eux qui sont capable de reconnaître combien petite est leur foi, et combien ils souhaitent qu’elle soit plus forte.
C’est alors qu’il les invite, pour augmenter leur foi, non pas à accomplir des exploits ou des miracles, ni à vivre une ascèse, ni à accumuler les sacrifices, ni à pratiquer des rites particuliers, mais tout simplement à se faire serviteurs. Jésus a perçu chez eux leur humilité dans l’aveu de la faiblesse de leur foi : ils sont prêts ! il ne leur manque plus qu’à faire un pas supplémentaire, un pas décisif : mettre en pratique leur humilité en se faisant serviteur, en se plaçant au service des autres.
Par cette attitude de service, l’homme préserve son humilité. Il est à sa juste place. Il est déchargé de toute responsabilité dans la mission, qui est l’œuvre de Dieu. L’apôtre se fait simple serviteur, qui ne fait que son devoir, et qui permet à Dieu d’agir à travers lui. En conséquence, il n’a plus besoin d’être dans la revendication, dans l’impatience (Combien de temps, Seigneur ?) mais dans la confiance, qui est l’autre mot de la foi. Il peut ainsi vivre paisiblement l’attente de la Promesse, « qui ne décevra pas ». La foi donne la patience pour attendre dans la fidélité, comme le rappelait notre première lecture.
Alors, au lieu de nous inquiéter en vain pour l’avenir – combien de temps, Seigneur ? – efforçons-nous plutôt de nous faire simples serviteurs, pour laisser Dieu agir à travers nos gestes de service envers nos frères et sœurs en humanité.
Amen !


Daniel BICHET, diacre permanent,
Le 2 octobre 2022

 




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