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Renoncer à tout pour suivre Jésus…
Sg 9, 13-18 ; PS 89 ; Phi (1, 9b-10.12-17) ; Lc (14, 25-33)
Après
avoir longuement marché sur les routes de Palestine, Jésus revient vers
Jérusalem. Il sait que c’est là que tout va se dénouer, et il doit y
revenir, pour que la Bonne Nouvelle du Salut pour le monde qu’il
annonce depuis trois ans, prenne véritablement corps. Plus il
approche de Jérusalem et plus la foule qui l’accompagne grossit. Juste
avant ce passage, Jésus vient de lui faire saisir, par plusieurs
paraboles courtes et incisives, que la loi ancienne transposée par des
hommes, fussent-ils prêtres, est bien fade et injuste face à celle de
Dieu qui n’est qu’amour et miséricorde.
Mais aujourd’hui, Il ne
parle plus en paraboles et leur dit : « Si quelqu’un vient à
moi sans me préférer son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses
frères et sœurs et même sa propre vie, il ne peut pas être mon
disciple » Être disciple ! Être disciple c’est écouter, et
surtout suivre son « maître », celui qui instruit, qui guide
par son enseignement et sa vie. Être disciple de Jésus n’est pas
seulement le suivre mais aussi s’attacher à Lui et marcher avec Lui un
chemin de fraternité. C’est d’abord écouter sa Parole, la faire vivre
au creux de soi pour orienter son être, ses agir et ses choix de vie et
lui être fidèle. C’est faire en sorte que sa vie entière, dans toutes
ses composantes : familiale, sociale, économique, spirituelle, vie
de foi, s’inspire de celle de Jésus et qu’elle soit empreinte, marquée,
de son enseignement de prière, de partage, de charité et d’amour pour
son Père et pour tous les hommes.
Préférer le Christ à son père,
sa mère, sa femme…, ce n’est pas nier son humanité, ni sa paternité ou
sa maternité, ni même notre fraternité, bien au contraire, c’est les
magnifier, les glorifier pour atteindre l’unité et la vérité de vie que
Jésus a montré. Évidemment nous avons des rapports privilégiés avec
notre famille, nos proches et renoncer à tous ses biens, tout ce qui
nous fait du bien, n’est pas renoncer à toutes ces joies et ces
relations mais les prendre avec soi pour les regarder, les vivre avec
l’Esprit de Jésus empli de cette miséricorde, de cette compassion et
cet amour qu’il porte sur chaque personne rencontrée, même sur celles
qui l’ont dénigré, fait souffrir et mis à mort. En préférant le Christ,
c’est aussi et d’abord cela que nous avons à convertir, nos jalousies,
nos colères, nos souffrances, les moqueries, les calomnies dont nous
sommes l’objet, nos douleurs, les injustices pour les transformer par
la Sagesse en chemin de Charité et de pardon. Préférer le Christ c’est
mettre en avant sa Parole de Vie pour qu’elle fertilise la nôtre.
Choisir
de suivre Jésus, tous les jours de sa vie, être chrétien à chaque
instant, n’est pas forcément chose évidente. Choisir d’être disciple du
Christ amène à des choix radicaux qui forcent à engager sa vie dans
celle du monde. Des choix parfois difficile à concrétiser pour nous qui
sommes obnubilés par notre vie terrestre avec ses droits, ses
obligations et ses contraintes, celles que nous nous créons ou que nous
subissons. Des choix difficiles à vivre qui peuvent nous porter jusqu’à
renoncer à des relations flatteuses, certes, mais nocives, jusqu’à se
séparer de celui ou de celle qui nous mène au mal, de ce qui nous fait
basculer vers la mort. Décider, maîtriser, posséder, agir avec les
règles et les coutumes de notre société d’aujourd’hui qui fait souvent
si peu de cas de l’homme, du frère, du petit et du plus faible, est
bien souvent contraire et même inconciliable avec les positions et les
choix que nous demande de vivre Jésus quand il nous invite à le suivre.
Véritable remise en question, conversion de vie et de façon d’être, le
disciple n’en a pas moins une vie actuelle, réelle, ancrée dans le
monde d’aujourd’hui en relation continuelle avec les hommes qui
peuplent ce monde, mais en en gardant le Christ et sa Parole premiers
dans sa vie pour y insuffler son amour dans chacun de ses gestes,
chacune de ses pensées, de ses joies et de ses peines. « Renoncer
à tous ses biens », comme le dit une autre traduction de la Bible,
pour préférer le Christ, c’est refuser que des contingences matérielles
ou sociales, des compromis souvent futiles, une part d’orgueil viennent
gâcher nos relations d’amour avec les hommes, ternir notre charité,
dévier nos prières, fausser notre relation à Dieu.
Choisir de suivre
Jésus c’est aussi de se détacher de réactions trop émotionnelles,
sentimentales ou épidermiques pour s’approcher en vérité de la personne
qui vit à ses côtés, de celle que l’on rencontre, en reconnaissant
l’être divin, l’enfant de Dieu, qu’elle est. Et comme le dit St Paul,
c’est toujours un choix d’homme libre invité à se défaire des
esclavages humains pour s’enraciner dans la vérité et la transcendance
de l’évangile.
Ça demande un véritable effort de notre part et
seul nous ne pouvons y parvenir, notre orgueil doit-il en souffrir,
choisir de vivre en chrétien, ce n’est pas une chose que l’on décide et
que l’on réalise avec sa seule force et sa seule volonté mais, avec
l’aide de la Sagesse, la Sagesse de Dieu comme le propose la 1ère
lecture. En lui demandant, et en acceptant, de se laisser modeler par
elle, nous serons capables de vivre véritablement en chrétiens. C’est
au milieu du monde que nous avons à vivre notre vocation de baptisé,
notre vie de disciple ; c’est avec l’aide de l’Esprit présent au
cœur de ce monde que nous pourrons nous approcher de cette vie que le
Christ nous promet. Le Psalmiste le chantait déjà :
« apprends-nous la vraie mesure de nos jours, que nos cœurs
pénètrent la Sagesse ». Alors faisons-nous aider par cette
Sagesse, l’Esprit que le Christ nous a laissé quand il a rejoint le
Père, pour prendre conscience de nos limites, de nos fragilités, de nos
faiblesses, de nos talents et humblement demandons l’aide de cet Esprit
pour qu’il « consolide, pour nous, l’ouvrage de nos mains ».
Dans
la Genèse, ce récit poétique, Dieu a soufflé dans les narines d’Adam
pour lui donner son Esprit de vie. Ainsi, chaque homme est une création
à l’image de Dieu avec sa part divine, vivante de l’Esprit qui réside
en son cœur. L’homme à l’image de Dieu, Jésus venu en notre humanité,
Dieu au visage d’homme, enfant du même Père et frères par notre part
divine magnifiée par notre humanité…Choisir de suivre le Christ, c’est
choisir librement de vivre cette vie d’enfant, cette vie divine et
cette fraternité pour former avec tous ses frères cette Église
Universelle, corps mystique du Christ, en partageant dès maintenant la
Vie Nouvelle et la Gloire de Celui qui est venu partager notre humanité
pour nous donner de vivre l’amour infini de ce Père qui nous attend
pour nous combler de sa Vie et de sa Paix.
Patrick DOUEZ, diacre permanent
pour le 5 septembre 2010
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