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Ce
dimanche encore, les textes que nous propose la liturgie peuvent nous
sembler bien durs, difficiles à entendre. Dans la lettre aux
Hébreux : « ce que vous endurez est une leçon » et dans
l’évangile : « je ne sais pas d’où vous êtes. Eloignez-vous
de moi, vous tous qui faites le mal ». Comme toujours, il ne faut
pas s’arrêter sur une seule phrase sortie de son contexte, mais au
contraire la situer parmi les autres phrases qui en éclairent le sens.
L’auteur
de la lettre aux Hébreux s’adresse à ces premiers chrétiens qui ont
beaucoup souffert à cause de leur foi. C’est le temps des premières
persécutions. Parce que la souffrance est toujours un scandale,
l’auteur essaye de lui donner sinon une explication, du moins un sens.
Cette souffrance, ce mal, n’est pas due à la colère de Dieu, elle est
inhérente à notre condition humaine. Nous croyants, nous savons que
Dieu, même s’il reste silencieux, est présent et nous accompagne à
travers nos souffrances. Et de nos chemins d’épreuve, il peut faire
avec nous un chemin de conversion, un chemin de témoignage de notre
espérance. C’est en ce sens qu’il faut lire ce passage de la lettre aux
Hébreux : Dieu est comparé à un père qui éduque ses enfants, à
travers les événements quotidiens, heureux ou malheureux.
Cette
démarche d’éducation est aussi celle de Jésus dans la petite histoire
qu’il raconte à ses disciples. C’est parce qu’il veut que nous entrions
tous dans la salle du festin dans le Royaume de Dieu, qu’il nous
présente cette image comme une mise en garde. « Efforcez-vous
d’entrer par la porte étroite, car, je vous le déclare, beaucoup
chercheront à entrer et ne le pourront pas ». Le texte grec
d’origine dit plutôt : « beaucoup chercheront à entrer
et en seront incapables », ce qui précise que c’est bien par notre
attitude que nous serons empêchés d’entrer, non par une sorte de
sélection arbitraire. Car tous, nous sommes invités. Les évangiles
contiennent beaucoup de paraboles où il est question d’un repas. Et
souvent, ceux qui y participent ne sont pas ceux pour qui le repas
avait été préparé : Soit ceux qui ont été invités les premiers
n’en sont pas dignes, soit ils déclarent avoir mieux à faire. Et
ceux qui prennent place au festin sont alors les boiteux, les aveugles,
les marginaux, les étrangers. Dans le passage d’aujourd’hui, Jésus
termine ainsi : « « alors on viendra de l’Orient et de
l’Occident, du Nord et du Midi prendre place au festin dans le royaume
de Dieu. Oui, il y a des derniers qui seront premiers, et des
premiers qui seront derniers. » Les premiers, dans le projet de
Dieu, c’est le peuple juif. C’est à eux que Dieu s’est révélé tout au
long de l’Histoire. Ce peuple élu qui n’a pas su aller jusqu’au bout de
la révélation, malgré les appels incessants des prophètes, comme, par
exemple, Isaïe dans la première lecture : « Parole du
Seigneur : je viens rassembler les hommes de toute nation et de
toute langue. Ils viendront et ils verront ma gloire ». Le peuple
d’Israël n’a pas compris que, s’il était et qu’il demeure le peuple de
l’Alliance, le peuple élu par Dieu, cette élection n’avait pas pour but
d’en faire une nation favorisée pour elle-même. Car, dans toute la
Bible, à chaque fois que Dieu choisit quelqu’un, ce n’est pas pour en
faire son « chou-chou », un privilégié, un puissant
intouchable. C’est pour l’envoyer en mission. Et la mission est
toujours la même tout au long des quatre mille ans que dure cette
histoire : il s’agit de faire connaître à tous que Dieu vient pour
nous sauver, pour nous accompagner, pour nous aimer. Il s’agit
d’annoncer l’Evangile, la Bonne Nouvelle de Dieu pour chacun. Être
l’élu de Dieu, ce n’est jamais pour sa propre gloire, mais toujours
pour la gloire de Dieu. Ce n’est pas pour devenir le plus fort, pour
devenir le chef, pour régner sur les autres, mais pour faire advenir le
règne de Dieu. Par son élection, le peuple d’Israël s’est cru le fils
unique, mis à part des autres nations, alors que Dieu l’avait désigné
pour être le frère aîné, celui qui ouvre le chemin, qui aide, qui
réconforte et qui soutient toute la fratrie, celui qui a plus
d’expérience, celui sur qui on peut compter. Mais pour autant, ne
soyons pas trop durs avec le peuple juif. Son attitude est bien
compréhensible. Nous qui avons des enfants, rappelons-nous l’attitude
de notre aîné, lors de l’arrivée du petit frère ou de la petite sœur.
Celui qui se croyait le centre du monde, le pôle d’attraction et
d’attention de ses parents, voit arriver un rival au cœur même de son
petit univers. Sa réaction n’est pas toujours aussi paisible qu’il n’y
paraît. Malgré les gestes de tendresse qu’il peut avoir vis-à-vis du
bébé, secrètement, l’aîné porte toujours en lui une souffrance, comme
un déchirement, une désillusion. Et il en veut à ses parents. Les
psychologues, pédiatres et pédopsychiatres s’accordent sur ce point.
Parmi nous aujourd’hui, ceux qui sont les aînés d’une famille savent
bien de quoi je parle pour l’avoir eux-mêmes vécu, et parfois pour le
vivre encore. Et même si nous ne sommes pas les aînés, il peut nous
arriver de vire des situations similaires, dans notre travail, nos
relations, nos engagements. Alors, ce peuple d’Israël, ces hommes et
ces femmes qui le constituent, s’ils ont eu du mal à entendre que le
Salut de Dieu est pour l’humanité entière, et pas seulement pour une
poignée de juifs, nous sommes capables de le comprendre. Et c’est de là
que vient la question posée à Jésus au début de ce passage, question
angoissée mais aussi étonnée : « Seigneur, n’y aura-t-il que
peu de gens à être sauvés ? » Cette question se comprend à
deux niveaux : Celui qui la pose pensait sans doute, comme la
plupart de ses contemporains, que seul le peuple d’Israël serait sauvé,
c’est-à-dire en fait, « peu de gens » au regard de tout les
habitants de la terre. Seul le peuple d’Israël serait sauvé, oui, mais
tout le peuple. Son angoisse porte en fait sur le discours de Jésus qui
laisse entendre, comme bien des prophètes avant lui, que le salut de
Dieu n’est pas automatique pour tout juif. Il ne suffit pas d’être né
dans le peuple élu pour être sauvé. C’est ce que veut dire Jésus :
beaucoup de premiers seront derniers à la table du Royaume, et beaucoup
de dernier seront premiers.
Cette parole n’est pas une
condamnation pour des gens qui vivaient il y a deux mille ans. C’est
une parole de mise en garde qui vaut aussi pour nous aujourd’hui. Une
parole pour nous interroger sur nous-mêmes. Sommes-nous bien certains
de ne pas nous croire déjà élus, déjà sauvés, simplement parce que
sommes croyants et pratiquants ? « Seigneur, nous avons
mangé et bu en ta présence et tu as enseigné sur nos places
» c’est-à-dire : « nous sommes allés à la messe, nous avons
entendu ta parole et nous avons communié. » est-ce suffisant pour
que le maître de la maison ne puisse pas nous répondre : « Je
ne sais pas d’où vous êtes. Eloignez-vous de moi, vous tous qui faites
le mal. » ? N’avons-nous pas à réfléchir à notre façon
d’être, à nos comportements, à nos choix de chaque jour ?
N’oublions-nous pas, parfois, notre responsabilité, la mission
d’évangélisation qui nous est confiée par notre baptême ?
« Seigneur,
nous avons mangé et bu en ta présence et tu as enseigné sur nos
places ». Parce que tu veux que, tous, nous prenions part au
festin de ton Royaume : que ta parole éclaire notre intelligence à ta
volonté, et que ton corps donné en nourriture ouvre nos cœurs à ton
amour.
Amen !
daniel BICHET, diacre permanent.
le 22 août 2010
Eglises de la Trinité et Notre Dame (Clisson), Boussay.
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