Frères
et
sœurs,
A
première vue,
la remarque que Jésus fait à Marthe peut nous paraître assez
choquante ; il
y a un malentendu, c’est certain. Mettons-nous à la place de cette femme
et imaginons
un instant qu’elle ait fait comme sa sœur : Jésus entre, vient
s’asseoir,
et Marthe, comme Marie, s’assied aux pieds du Maître et l’écoute. Les
heures
passent, la nuit vient... Sans doute, à un moment donné, Jésus aurait
dit : «
Bon, tout va bien, mais maintenant il faut manger… » et il n’y aurait
rien de
prêt.
Elle
est bien
dans sa condition féminine, surtout à ce temps-là, cette Marthe sur qui
repose
toute la responsabilité du service. Comme la plupart des femmes de son
époque (et
encore de nos jours, selon les générations), elle prend sa grosse part
des
soucis ménagers, des soucis de l’accueil, quand il y a un visiteur. Vous
le
savez bien, vous, mesdames, qui êtes si souvent attentionnées à penser à
tout,
et surtout quand vous recevez quelqu’un. Aussi, on s’imaginerait plus
facilement le mari qui discute avec l’hôte, et la femme qui est à la
cuisine.
Mais ici, il y a deux femmes, et l’une ne fait rien ; elle est
assise,
elle écoute, et c’est elle qui est félicitée par Jésus !? Qu’est-ce
que
cela veut dire ?
Pour
essayer de
comprendre la réflexion de Jésus, retournons aux chênes de Mambré,
auprès de
notre ami Abraham. Vous avez entendu cette belle histoire : c’est
l’heure
de la sieste ; Abraham fait sa sieste quand arrive un mystérieux
visiteur.
Avez-vous remarqué comment, tout au long de ce récit, par moments on
parle
d’une, puis, à d’autres moments, de plusieurs personnes ? D’abord «
le Seigneur apparut », puis,
ils sont
trois !? Ensuite, Abraham, selon les beaux rites de l’hospitalité
chez les
nomades, se met à courir (il y a deux fois le mot « courir »), il
va
trouver sa femme et lui dit : « Vite
»... Il faut faire vite !? Enfin, dès que ces trois hommes sont
assis au
pied du chêne, Abraham se tient debout !? Que d’attention pour de
simples
passants, pour de quelconques visiteurs, pour des inconnus !?
Indéniablement,
l’attitude d’Abraham et cette histoire de trois et un, cela veut nous
dire qu’il a su reconnaître en
la personne de
ces visiteurs, la présence de
Dieu.
Et cette proximité de Dieu va être pour lui la réponse à son attente, au
désir
le plus profond de sa vie. Ce pauvre homme, vieux, n’a pas d’enfant. Or,
voilà
que cet accueil, qui ne consiste pas seulement à offrir, à donner, mais
à
recevoir la personne de l’hôte, en
l’accueillant
en soi, cet accueil va susciter la réponse de Dieu : « Ta
femme Sara va avoir un enfant »,
incarnant la réalisation de la Promesse qui l’avait jadis mis en route :
« Ta descendance sera aussi
nombreuse que les
étoiles dans le ciel ».
Maintenant
nous
pouvons revenir à Marthe et à Marie. Marie est comme Abraham : elle
est
celle qui a su reconnaître dans cet homme Jésus qui entre chez elle, la
Parole
de Dieu, Dieu lui-même présent. Pour Marthe qui s’agite, ce Jésus est un
homme,
un prophète, quelqu’un qui fait des miracles. Sûrement c’est un grand
homme.
Marthe est très honorée et elle ne voudrait pas qu’il y ait la moindre
petite
faille dans le service de l’hospitalité ; elle va donc « mettre les
petits
plats dans les grands ». C’est alors que Jésus lui dit : « Marthe,
tu t’inquiètes et tu t’agites, mais
ce n’est pas cela qui est premier ». Pour Marie, au contraire, ce
qui est
premier, c’est que celui-là, on n’est pas là d’abord pour le servir,
pour faire
des choses pour lui, on est là d’abord pour l’écouter ; c’est cela
qui est
premier, c’est cela qui compte. Elle a dû reconnaître dans ce Jésus
Dieu-fait-homme, la Parole de Dieu incarnée.
Messieurs,
vous
l’aurez compris, si Jésus prend deux femmes pour témoins dans cette
histoire
qui nous est rapportée par Luc, son message s’adresse à nous aussi, sans
distinction. Oui, cet épisode de l’évangile doit nous aider à réfléchir
personnellement
sur notre manière de vivre notre mission de baptisés :
« prêtre,
prophète et roi ». Du côté « prêtre », nous sommes
invités à
faire de notre vie une célébration, à prier, à rendre grâce, à nous
nourrir de
la Parole et de l’eucharistie : c’est notre figure de
« Marie ».
Du côté « roi », nous sommes envoyés au service de nos frères
et de
nos sœurs, avec une attention particulière envers les plus fragiles,
pour
construire un monde plus juste, plus fraternel, un monde de paix...
c’est notre
figure de « Marthe ». Entre les deux, dans la figure du
« prophète », nous sommes appelés à témoigner de ce que nous
vivons
et au nom de qui ou de quoi nous le vivons.
Et
voilà que
Jésus nous redit aujourd’hui : si vous mettez en priorité le souci de la
mission
du roi, toute l’action engagée et militante des chrétiens, tout cela
n’est pas
premier. Vous risquez de vivre dans l’agitation : « Tu t’inquiètes et tu t’agites »... si vous ne mettez pas avant cela
l’écoute de la Parole de Dieu. Cela peut nous surprendre, mais
attention :
Jésus ne nous dit pas que l’action missionnaire n’est pas nécessaire. Il
dit
même que c’est indispensable et depuis des décennies l’Eglise insiste
auprès
des chrétiens pour qu’ils prennent des responsabilités, non seulement
dans
l’Eglise, mais dans le monde. Oui, un effort considérable nous est
demandé,
c’est vrai et c’est normal ; François, notre Pape, ne cesse de nous
le
rappeler et nos expressions formulées dans le cadre du « Marcher
ensemble » (synodalité) montrent que nous en sommes bien
conscients.
Pour
autant, Jésus
insiste : il faut d’abord se mettre à l’écoute de la Parole de
Dieu. Et sur
ce point, on peut se réjouir de l’effort que font les mouvements, le
diocèse et
les paroisses pour faciliter l’accès à l’étude de la Bible, à des
formations, pour
des retraites, des récollections, des moments où l’on se retrouve à
plusieurs
et où l’on prend le temps d’écouter et de partager la Parole. Chez nous,
il
existe par exemple : Premiers Pas dans la Bible, l’étude de la
Genèse qui
va démarrer en septembre, des groupes de prière, les partages
d’évangiles dans
les préparations aux sacrements (baptêmes, mariage, catéchuménat,
liturgie…).
Venez nous en parler si vous êtes intéressés, consultez notre site
internet,
venez au forum des associations le 3 septembre dans chacune de nos 3
communes
pour vous renseigner.
François
nous
dit clairement que sans la Foi (c’est à dire l’écoute de la Parole et
l’intériorisation du message de Jésus) notre Eglise ne serait qu’une ONG
de
plus…
Alors
F&S,
laissons-nous convaincre que
la
Parole de Dieu
n’est pas une option mais bien la nécessité
première, à
la lumière de laquelle nous découvrirons bien vite comment nous devons
être
serviteurs des hommes, comment nous devons travailler à construire un
monde
meilleur et comment nous, les prophètes de notre temps, nous pouvons
en
témoigner (cf. St Paul dans sa lettre aux Colossiens).
Et
pourquoi
pas, en
cette période de vacances (le
reste de l’année, nous sommes tellement pris, même à la retraite…),
tenter de
renverser la vapeur et laisser Marthe rejoindre Marie ? Prenons le
temps
d’ouvrir la Bible ou l’Evangile : une phrase, un mot qu’on
laisserait
pénétrer en nous pourrait, qui sait, parachever notre conversion ?
Oui,
Frères et sœurs, la
vraie qualité de l’accueil, c’est sans doute celle-là : s’arrêter, en
apparence
ne plus rien faire, mais déguster cette Parole dont le Christ nous
nourrit de
multiples façons.
Amen.
Patrick JAVANAUD, diacre permanent
(avec la complicité de mes frères et de l’Esprit-Saint)
16 et 17 juillet 2022 –