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15° dimanche du Temps Ordinaire


Dt 30, 10-14 ; Ps 18 ; Col 1, 15-20 ; Lc 10, 25-37

Va et fais de même

         Dans les années 60-70, quand j’étais enfant au caté, cette parabole du « bon samaritain » était souvent présentée en guise de leçon de morale. Le concile Vatican II tout récent avait fait bouger les lignes et le christianisme se cherchait une légitimité.  Dans ce contexte, le prêtre et le Lévite de cette histoire, c’étaient « les gens bien, ceux qui vont à la messe ». Ils  ne sont pas meilleurs que les autres, ils sont au contraire peu généreux et plus égoïstes. Les étrangers, ceux qu’on ne croise pas dans les églises, comme ce samaritain, étaient eux, de braves gens, prêts à prendre des risques pour secourir un inconnu… On était dans une période où il était difficile de se dire chrétien, dans un environnement devenu de plus en plus hostile. On devait sans cesse et à tout propos se justifier, et certains préféraient alors la tactique dite « de l’enfouissement », pour échapper à la suspicion, à l’interrogatoire, à la moquerie. Jusqu’aux églises que l’on construisait dans un style discret et passe-partout, sur le modèle des salles de spectacle de l’époque. On ne sortait de cet enfouissement confortable que de temps en temps, pour faire « du social », en se gardant bien de proclamer trop fort que le moteur de notre engagement n’était pas la philanthropie, mais bien la foi au Christ.
        Mais nous ne sommes plus dans cette époque. Le contexte ayant changé, nous pouvons avoir à présent une autre lecture de cette parabole. Aujourd’hui, notre environnement n’est plus hostile, il est plutôt indifférent car souvent ignorant de l’évangile, de la foi chrétienne, de la manière dont vivent ceux qui s’en réclament. Observons donc, avec les yeux d’aujourd’hui, cette parabole, et voyons comment l’Eglise dans la liturgie la met en relation avec d’autres écrits de la Parole de Dieu. Car la Bible parle aux hommes de tous temps, et a quelque chose d’important à dire à toute époque de l’Histoire humaine.

        Quelle est l’intention de Jésus, lorsqu’il invente cette histoire ? Rappelons-nous, au début de ce passage : Jésus répond à la question du docteur de la loi « qui est mon prochain ? »  Mais si on remonte encore un peu, la question initiale, la question principale de ce docteur de la loi était : « que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ? ». ça ne vous rappelle rien ? Oui, c’est la même question que celle du jeune homme riche, dans cet épisode que nous avons entendu il y a quelques semaines. La même question. Il faut croire que c’est une question importante, pour que ceux qui ont l’occasion de rencontrer Jésus choisissent précisément de lui poser cette question-là. Sans doute qu’aujourd’hui, nous formulerions cette question autrement. Peut-être simplement demanderions-nous : que dois-je faire pour être heureux ? Question universelle, qui traverse les époques et les régions du monde.
      
        La réponse de Jésus nous ramène à la Parole de Dieu : pour trouver le bonheur, il faut et il suffit de pratiquer la loi donnée par Dieu à Moïse : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ton intelligence, et ton prochain comme toi-même. » « Fais ainsi et tu vivras » répond simplement Jésus. Ça paraît simple ! Encore faut-il bien comprendre ce que ça veut dire, ce que ça implique dans ma vie concrète. C’est alors que Jésus illustre sa réponse par la parabole du bon samaritain.
        Cette histoire montre en effet très bien les deux aspects de l’amour que Dieu nous propose : aimer Dieu de tout son cœur, et son prochain comme soi-même. Deux aspects qui sont indissociables l’un de l’autre, qui forment un tout, une unité dans l’amour, et aussi l’unité dans la personne qui le pratique.

        Comme dans toute parabole que Jésus invente, chaque personnage de l’histoire représente une catégorie de personnes réelles, mais plus encore une qualité, un défaut, un aspect de notre propre comportement. Une parabole se lit surtout au deuxième degré. Un peu comme les fables de La Fontaine, qui préfère se servir d’animaux pour garder une distance plus grande encore. En mettant en scène un prêtre et un lévite,  dont la vie était consacrée au service de Dieu au temple de Jérusalem, Jésus n’a pas pour intention de fustiger les prêtres et les lévites, dans une généralisation facile et toujours excessive. Il s’agit ici, en la personne de ce prêtre et de ce lévite, d’évoquer notre propre relation à Dieu, la dimension verticale de notre relation. Elle symbolise en fait la première partie du commandement de la Loi de Moïse : « tu aimeras le Seigneur ton Dieu… ».
        Quel est alors le rôle joué par le samaritain ? S’ils étaient détestés par les juifs, n’allons pas croire pour autant que les samaritains seraient des mécréants, des personnages sans foi ni loi, qui ne croient en rien. Les samaritains adorent eux aussi le Dieu des israélites, le même Dieu, celui d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Mais ils pratiquent leur foi, qui n’est pas plus grande ni plus petite, avec d’autres rites, ce qui les met en opposition avec les Juifs.
        Jésus veut simplement nous faire comprendre que, comme ce samaritain de la parabole, n’importe qui, n’importe quel croyant, même non-reconnu par une instance officielle, est capable de pratiquer la deuxième partie du Commandement, sa dimension horizontale : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Pas besoin d’être prêtre ou Lévite, traduisez : pas besoin d’être institué, ordonné, reconnu. Pas besoin d’être un spécialiste de la Loi, d’avoir de grandes connaissances sur Dieu pour vivre l’amour dans sa plénitude. Comme le disait déjà le Livre du Deutéronome, que nous avons entendu dans la première lecture : « cette loi que je te prescris aujourd’hui n’est pas au-dessus de tes forces ni hors de ton atteinte. » L’accès à la vie éternelle, c’est-à-dire au bonheur, à une vie heureuse, à une vie avec Dieu, ici et maintenant, n’est pas réservé à une élite. On n’atteint pas le bonheur à la force de ses bars, par ses mérites, mais simplement en écoutant et en pratiquant ce que nous dit la Parole que Dieu nous adresse. Et cette parole, le livre du Deutéronome insiste pour nous rappeler qu’elle n’est pas forcément où on le croit, hors de notre portée : « Elle n’est pas dans les cieux, pour que tu dises : « Qui montera aux cieux nous la chercher ? Qui nous la fera entendre, afin que nous la mettions en pratique ? Elle est tout près de toi, cette Parole, elle est dans ta bouche et dans ton cœur, afin que tu la mettes en pratique. »
        Finalement, cette proximité de la parole de Dieu, cette intimité même où elle réside, ne nous laisse pas d’excuse. Puisqu’elle est à notre portée, puisqu’elle est dans notre cœur, nous n’avons pas d’excuse pour ne pas la mettre en pratique. On ne pourra pas dire « je n’ai pas pu l’atteindre » puisque c’est elle-même qui vient à notre rencontre, qui vient habiter notre cœur.

        Alors, frères et sœurs, vivons simplement selon ce que nous dit cette parole. Prenons le temps cet été de nous mettre à son écoute, dans la simplicité de nos rencontres, et nous pourrons alors entrevoir le bonheur qui consiste à aimer le Seigneur notre Dieu de tout notre être, et notre prochain comme nous-mêmes.
      
        Amen !

Daniel BICHET, diacre permanent
10 juillet 2016
Clisson et Gétigné


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