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14° dimanche du Temps Ordinaire


Is 66, 10-14c ; Ps 65 (66), 1-3a, 4-5, 6-7a, 16.20 ; Ga 6, 14-18 ; Lc 10, 1-12.17-2

Cette semaine, en roulant sur les routes de Vendée, de Maine et Loire ou encore de Mayenne lors de mes déplacements professionnels, je regardais dans les champs les moissonneuses batteuses en plein travail. Je les regardais avec une pointe de nostalgie me souvenant de mes jeunes années, dont une partie passée en exploitation agricole, puis au lycée agricole près de Valence, dans la Drôme. Je dois avouer aussi qu’il m’est arrivé de pester lorsque l’une de ces moissonneuses, devant moi sur la route, me faisait rouler à 20 à l’heure ! Mais finalement, cela m’a rendu service car cela m’a donné le temps de méditer sur l’Evangile de ce dimanche. Il y est question de moisson, décrite par Jésus comme abondante mais malheureusement avec des ouvriers trop peu nombreux. Il y est aussi question de Paix, que Jésus invite ses disciples à aller porter de maison en maison, la proposant à ses habitants. Et j’ai, bien sûr, pensé à ce que nous vivons en ces temps tragiques de l’épouvantable agression russe sur le peuple ukrainien qui a perdu dans les bombardements, aveugles ou non, qui massacrent tant de civils innocents, la saveur de la Paix. Et nous savons bien aussi que cette guerre cruelle, sauvage, et inhumaine, impacte bien au-delà de l’Ukraine en mettant en tension la production de céréales, dans un pays qui nourrit tant de populations dans le monde grâce à ses exportations de blé et d’autre.

Alors oui, en voyant tourner les moissonneuses dans nos campagnes paisibles, en pensant à ces images d’immeubles d’habitations, d’hôpitaux, d’écoles, de centres commerciaux déchiquetés par les bombes russes en Ukraine, je me suis dit que nous ne connaissions pas notre chance de vivre dans un pays en paix.

Et cette réflexion m’a fait percevoir à quel point cette paix est au cœur de ce que Jésus nous demande de faire vivre, de porter, de transmettre, à nous, chrétiens qui voulons vivre en témoins acteurs de son message.

La Paix, est un état très paradoxal dans les aspirations humaines. A la fois chacune et chacun la recherche, pour soi-même - ne dit-on pas : « j’aimerais avoir la paix », ou bien « fiche moi la paix » - et pour notre communauté, on dira par exemple « j’habite dans un quartier paisible », « on a la chance de vivre dans un pays en paix ». Et à la fois, on le voit bien dans l’histoire et encore aujourd’hui, et parfois pour nous-mêmes, nous sommes trop souvent saisis de la tentation de l’affrontement, de la division, du conflit, qui nous fait nous éloigner de cette paix. Tout au long de la Bible, le peuple élu n’a guère vécu en paix ! Nombreux sont les récits de guerres, de pillages, d’annexions de territoires, de déportations, de destructions de villes. La 1ère lecture, du Livre d’Isaïe, nous le rappelle, qui rapporte les paroles de Dieu, par la bouche du prophète, adressées à la ville de Jérusalem qui subit régulièrement, et encore de nos jours, les outrages de la guerre : « Voici que je dirige vers elle la paix comme un fleuve et, comme un torrent qui déborde, la gloire des nations ». Croire en Dieu, se dire chrétien, catholique, protestant, orthodoxe ou autre, c’est, obligatoirement, choisir la paix plutôt que la guerre, le pardon et la miséricorde, plutôt que le conflit et l’affrontement. Et Saint Paul nous le rappelle dans sa lettre aux galates que nous avons entendu en 2nde lecture « Pour tous ceux qui marchent selon cette règle de vie et pour l’Israël de Dieu, paix et miséricorde ». La Paix n’est pas la soumission à l’autre, elle est recherche de communion avec chacun. Elle est une attitude centrale au cœur de notre Foi chrétienne. Elle se sème, elle s’entretient, elle se cultive.

Elle se cultive, et donc il faut la moissonner si on veut en recueillir les grains. Et pour cela, il n’y a jamais assez de bras ! Jésus, à son époque, semble déjà rencontrer les soucis de main d’œuvre dont souffrent aujourd’hui nombre de structures, à commencer par les établissements de santé. « La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux ». Et pourtant, le besoin est là ! L’Evangile nous dit qu’il « envoie encore 72 disciples, en avant de lui. ». 72 est un nombre symbolique. Il nous rappelle les 72 langues confondues à la Tour de Babel, et encore les 72 descendants issus de Noé, énumérées au chapitre 10 du livre de la Genèse. L’évangéliste fait ici allusion à la somme totale des peuples et nations, issus de Noé, répartis sur la terre. Manière de signifier que Jésus confie à ses disciples, nous confie, le soin de faire parvenir l’Évangile à toutes les nations du monde. Il symbolise l'universalité de l'envoi vers toutes les nations, pour porter le message de Paix qui est au cœur de l’Evangile. Mais la tâche est immense, et la ressource humaine toujours limitée. Alors Jésus nous invite à « prier le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson ». Et nous pouvons, encore aujourd’hui, prier avec ardeur, avec ferveur, pour que se lèvent, parmi le peuple des baptisés, au sein de nos communautés paroissiales, des artisans de paix, des bâtisseurs d’Amour.

Et nous pouvons aussi décider d’agir comme nous y appelle le Christ. Sa feuille de route est claire : Ne pas marcher seul (il est dit qu’il les envoya 2 par 2), aller au-devant de lui (et ne pas se réfugier derrière la facilité de penser que Jésus, seul, peut tout faire à notre place), oser nous lancer dans la mission, tels que nous sommes, avec nos manques, nos fragilités (« Ne portez ni bourse, ni sac, ni sandales »), accepter de nous confronter à la difficulté, voire à l’hostilité (« comme des agneaux au milieu des loups »), ne pas perdre de temps en chemin pour ne pas nous détourner de l’essentiel (« ne saluez personne en chemin »), et, toujours, porter la paix comme témoignage et l’offrir à celles et ceux que la mission nous fait rencontrer.

Alors, en ce début d’été, signe de repos pour les uns, de solitude pour les autres, période d’accalmie dans notre pays en paix, et de souffrances insupportables pour les peuples qui subissent la guerre, sachons répondre à l’appel du Christ de nous mettre en chemin pour porter la paix à celles et ceux que nous rencontrons, que nous côtoyons. Cela peut être sur nos lieux de vacances, dans nos quartiers, dans nos communautés paroissiales, dans nos familles, « en toute ville et localité où Jésus lui-même allait se rendre ». Et chaque fois que nous contribuons à ce que la Paix fasse reculer la violence de l’affrontement, du conflit, ou de la haine, chaque fois que nous tendons la main plutôt que montrer le poing, nous pouvons avoir la certitude de vivre la promesse que nous fait le Christ à la fin de ce texte d’Evangile : « Le règne de Dieu s’est approché de vous ». Puisse ce règne nous garder dans la paix, et nous faire moissonneurs de cette paix, la paix de Jésus-Christ, la paix de son Esprit.


Olivier RABILLOUD, diacre permanent

St Vincent de Paul,

3 juillet 2022




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