« Que
la
croix de notre Seigneur Jésus Christ
reste ma seule fierté » nous dit St Paul au tout début de la
deuxième lecture. La croix, une fierté ?
Commençons
par
apporter un petit éclairage sur ce passage, pour éviter toute confusion.
Quand St Paul parle de « la croix du Christ », ce n’est
pas pour qu’on le considère, lui, Paul, comme le promoteur d’une
religion doloriste, comme on l’entend parfois, ici ou là. Quand St Paul
parle de la
croix, ce n’est pas de cet assemblage de bois ayant servi à supplicier
un condamné. Ce n’est pas de l’objet en tant que tel, qui reste un objet
de vénération. Pour Paul, la croix du Christ, c’est un événement.
L’événement du salut. Saint Paul nous invite à élever notre regard, à
quitter notre vision matérielle pour accéder à une vision spirituelle de
la croix. Car il s’agit du salut du monde ! Rien de moins !
Cet
événement,
« la croix du Christ », est donc central. D’ailleurs, les
concepteurs des premiers calendriers, dès les premiers siècles, ont
parfaitement intégré l’importance centrale, unique et inégalable de cet
événement : On compte les années « avant Jésus-Christ »
et « après Jésus-Christ ». Avant le salut, et après le salut.
La croix, c’est le centre de l’histoire humaine. Il y a un avant, il y a
un après, et au milieu, la croix du Christ.
Ce
calendrier
a même fini par être adopté par la terre entière, et aujourd’hui nous
sommes en 2022 « après Jésus-Christ » pour toutes les nations,
même celles qui ne reconnaissent pas le Christ comme leur sauveur. Il y
a donc bien lieu d’être fier de la croix du Christ, comme Saint
Paul !
Pourtant,
nous
le constatons tous, des premiers signes de remise en cause de cette
conception universelle apparaissent aujourd’hui, chez nous en occident,
et singulièrement en France. Certains tendent à vouloir effacer cette
évidence. On appelle ça la « culture de l’effacement » :
dans plusieurs musées que nous avons visités récemment, nous avons
remarqué que les mentions « avant JC » et « après
JC » disparaissent pour devenir « avant notre ère » et
« de notre ère ».
« Notre
ère » ! Comme si le temps pouvait être nôtre, comme si l’homme
était maître du temps !
La
tentation
de l’homme, depuis toujours, c’est la toute-puissance, c’est l’illusion
de vouloir tout maîtriser, afin de pouvoir se passer de Dieu. La grande
tentation, c’est de se faire Dieu ! l’homme s’épuise à vouloir
maîtriser ce qui en réalité lui échappera toujours : le temps, mais
aussi la vie, la mort, le bien, le mal…
On
perçoit
une trace de cette tentation de maîtrise dans l’évangile de ce
jour : Les 72 disciples reviennent tout joyeux de leur mission
: « même les démons nous sont soumis » ! Les
disciples s’enthousiasment de constater le pouvoir qu’ils ont sur les
démons. Ils découvrent la jubilation d’exercer un pouvoir. Mais Jésus
les met en garde contre cette tentation : « Ne
vous
réjouissez pas parce que les esprits vous sont soumis ; mais
réjouissez-vous parce que vos noms se trouvent inscrits dans les
cieux. »
On
le voit, c’est bien du salut dont il s’agit : « vos noms se
trouvent inscrits dans les cieux », ça veut dire « le
ciel vous attend, vous avancez vers votre salut ». Pour Jésus,
c’est ça qui est important, c’est ça qui doit nous réjouir. La joie que
les disciples expriment doit être réorientée vers le vrai
objectif : leur propre salut, et le salut du monde. C’est justement
la raison d’être de la croix du Christ.
Ce
récit
de l’envoi en mission des 72 disciples nous rappelle que la mission
d’annoncer au monde le salut n’est pas limitée à quelques-uns, à une
élite cléricale, mais concerne chacun de nous, depuis notre baptême. 72,
ce n’est pas n’importe quel nombre. Soixante-douze, c’est trois fois
douze plus encore trois fois douze. A partir du noyau des douze qu’il a
choisis au départ, Jésus envoie en mission trois fois plus de disciples,
et à nouveau trois fois plus. Cette expansion considérable est le signe
de l’universalité de la mission. En fait, tous ceux qui suivent Jésus
sont envoyés. Pas seulement les plus proches, les intimes, les douze. La
mission de tous les disciples est d’annoncer l’Évangile à tous.
Et
en quoi consiste cette mission ? « Guérissez les malades et
dites-leurs : le règne de Dieu s’est approché de vous ».
De
même, nous aussi, disciples du Christ Jésus, nous devons entendre pour
nous-mêmes cette injonction. Guérir les malades, c’est faire le bien
autour de nous ; et dire à tous « le règne de Dieu s’est
approché de vous », c’est mettre des mots sur le bien que nous
faisons. C’est annoncer le salut à chacun, puisque le règne de Dieu,
c’est le salut présent au milieu de nous. Nous en revenons encore à la
croix du Christ, l’événement qui apporte le salut au monde.
Oui,
frères
et sœurs, les 72, c’est nous ! Ce ne sont pas seulement le pape et
les évêques, les prêtres, les diacres, les religieux et les religieuses,
les moines et les moniales, bref, les autres ! Les 72, c’est chacun
de nous, individuellement. Mais ce sont aussi toutes les structures
d’Église dont nous sommes les membres. Notre paroisse en est une. Elle
est donc, en tant que telle, chargée de cette mission d’évangélisation
demandée par Jésus lui-même. Le projet paroissial missionnaire que nous
bâtissons ensemble depuis plusieurs années est un des outils qui
contribuent à mettre en œuvre cette mission où Jésus nous envoie. Et
donc, chacun de nous doit s’interroger sur sa contribution personnelle à
ce projet paroissial missionnaire. Ce ne sont pas les possibilités qui
manquent pour s’y investir ! Chacun peut y trouver sa place.
Quelles que soient ses compétences, ses moyens, ses désirs, sa
sensibilité, chacun peut apporter sa pierre à l’édifice. Le projet
paroissial missionnaire, ce n’est pas l’affaire du curé, c’est notre
affaire à tous !
Et
justement,
comme un signe de la vitalité de notre paroisse, ce matin, nous
accueillons Etienne qui fait son entrée en catéchuménat. Il commence un
chemin pour mieux comprendre la foi des chrétiens et mieux connaître ce
Dieu dont il ressent l’appel intérieur. Ce cheminement l’amènera
peut-être à demander le baptême dans quelques mois. Alors,
réjouissons-nous d’abord de voir que Dieu continue d’appeler
aujourd’hui, chez nous ! ici et maintenant ! Et accueillons
comme il se doit ce nouveau catéchumène, signe que l’événement de la
croix du Christ est toujours d’actualité : le règne de Dieu s’est
approché de nous !
Amen !
Daniel BICHET, diacre permanent
Saint Hilaire de Clisson et Clisson
3
juillet 2022