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1 R 17, 17-24 ; Ps 29 ; Ps 29 ; Ga 1, 11-19 ; Lc 7, 11-17

        Vous avez certainement remarqué la similitude entre les deux récits, celui de la première lecture, et celui de l’évangile d’aujourd’hui.
Le premier est situé à Sarepta, dans l’actuel sud Liban, et le second à Naïm, en Galilée. Dans les deux cas, il est question d’une veuve dont le fils unique vient de mourir. Et dans les deux cas, ce fils est ramené à la vie, par le prophète Elie dans le premier texte, par Jésus dans l’évangile.
        Que nous enseignent ces deux histoires ?

        Puisque nous sommes dans les comparaisons, commençons par relever une différence significative entre ces deux récits.
En réalité ce n’est pas le prophète Elie qui redonne vie au fils de la veuve de Sarepta. Nous l’avons entendu : après avoir fait de vifs reproches à Dieu, Elie lui adresse par trois fois cette prière : « Seigneur, mon Dieu, je t’en supplie, rends la vie à cet enfant ! Le Seigneur entendit la prière d’Elie et le souffle de l’enfant revint en lui. »
        C’est donc bien Dieu qui donne la vie et qui peut la redonner. C’est Dieu et Dieu seul qui est maître de la vie.
Tandis que pour la veuve de Naïm, dans l’évangile de Luc, c’est Jésus lui-même qui redonne la vie à ce jeune fils : « jeune homme, je te l’ordonne, lève-toi ! ». Pas de prière à son Père, ni de supplication, ni de geste ou de rite particulier. Une manière pour Saint Luc de montrer que Jésus est plus qu’un prophète ; il est plus grand qu’Elie, qui est lui-même le plus grand de tous les prophètes pour les juifs. Jésus, c’est Dieu lui-même ; c’est Dieu en chair et en os ! D’ailleurs, c’est la première fois dans son évangile que Luc appelle Jésus « Seigneur » quand il écrit : « En la voyant, le Seigneur fut saisi de pitié pour elle ». « Seigneur », c’est ainsi que les juifs appellent Dieu. C’est donc bien Dieu lui-même qui est saisi de pitié, en la personne de Jésus.

        À l’époque de Jésus, comme à celle du prophète Elie neuf cents ans auparavant, être veuve est une situation très précaire. N’ayant plus de mari, la veuve n’a plus de ressources, et ne peut compter pour survivre que sur ses enfants, et particulièrement ses fils. C’est pourquoi avoir beaucoup d’enfant est une bénédiction, puisqu’ils constituent une sorte d’assurance vieillesse. Or, les deux veuves de nos deux récits n’ont qu’un fils unique, et il vient de mourir. Autrement dit, elles se retrouvent dans une situation très critique : sans ressources, elles sont inévitablement condamnées à la mendicité, en tout cas à une grande précarité.
        Mais ces deux veuves, dans leur malheur, ont cette chance de faire la rencontre de Dieu. Non pas à la suite d’une démarche volontaire : la première, la veuve de Sarepta, est même en colère contre Dieu. Elle dit à Elie : « Qu'est-ce que tu fais ici, homme de Dieu ? Tu es venu chez moi pour rappeler mes fautes et faire mourir mon fils ! » Il s’agit plus de reproches que d’un appel à l’aide !
Quant à la veuve de Naïm, il n’est rien dit de ses sentiments, si ce n’est sa tristesse. On nous dit seulement que Jésus fut saisi de pitié en la voyant. Elle non-plus ne semble pas avoir supplié Jésus de faire quoi que ce soit. Et pourtant elle aussi va recevoir cette grâce inattendue, inespérée, improbable.

        Car Dieu est l’inattendu. C’est « par hasard » que Jésus croise le cortège funèbre qui accompagne cette veuve jusqu’au cimetière, en-dehors de la ville. Personne ne l’attendait particulièrement. Dieu vient à nous, comme il veut, quand il veut, même si nous ne l’avons pas convoqué, ni même espéré. Il se rend présent et se révèle, parfois contre toute attente ; même lorsque nous sommes en révolte contre lui, comme la veuve de Sarepta.

        Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais j’aime bien écouter les témoignages de gens qui se sont convertis étant adultes. C’est souvent étonnant comment Dieu agit et se manifeste encore aujourd’hui, chez des personnes qui n’avaient parfois rien demandé, quand ils n’étaient pas franchement hostiles à toute religion ou à toute croyance.
        La chaine de télé KTO propose fréquemment de ces brefs témoignages de quatre ou cinq minutes. Et presque à chaque fois, la personne interrogée nous révèle justement cet inattendu, cette soudaineté, de l’irruption dynamisante de Dieu dans sa vie. La plupart de ces témoins ont alors radicalement changé de vie suite à cette rencontre. Ou plutôt que changer de vie, ils disent souvent eux-mêmes qu’ils ont trouvé la vie, qu’ils sont nés à une nouvelle vie, à cause de cette rencontre inattendue avec Dieu. Je me souviens par exemple du témoignage d’un certain Daniel, qui se définit lui-même comme anticlérical, rationaliste, cérébral. Il ne connaissait rien de Dieu et se moquait avec virulence de ceux qui lui en parlaient, jusqu’à un certain jour où il a ressenti ce qu’il a appelé une « vague bienveillante » qui peu à peu s’est révélée être la présence de Dieu.
Même devant l’hostilité, la dérision, la moquerie, même au cœur de la colère, ou de l’indifférence, Dieu est capable de se révéler, de venir proposer son amour, sa bonté, comme à cette veuve de Sarepta, comme à celle de Naïm.
        Il nous apparaît alors que Dieu a un cœur. Il ne reste pas indifférent aux souffrances de ses enfants que nous sommes. Il prend pitié de nos détresses, et elles sont de toutes natures. Chacun de nous est porteur de souffrances, plus ou moins visibles, plus ou moins douloureuses, plus ou moins traumatisantes, plus ou moins conscientes peut-être. Dieu les voit, et quand il les voit il est « saisi de pitié », comme il est dit de Jésus dans ce passage. Certes, il ne rend pas la vie à nos proches, mais il nous fait parfois des signes qui nous redonnent vie, qui nous remettent debout, qui nous redressent, comme le fils de cette veuve.

        Essayons, frères et sœurs, d’être attentifs à ces signes de vie dont Dieu nous gratifie parfois. Sans attendre, bien-sûr, des événements aussi spectaculaires que dans ces récits, mais en gardant un cœur ouvert à la grâce. Sommes-nous sûrs de ne jamais avoir reçu, ne serait-ce qu’une fois au cours de notre vie, un de ces cadeaux de la part de Dieu ? Sommes-nous prêts à les reconnaître lorsqu’ils nous seront à nouveau envoyés ? Nous pourrons alors chanter, avec l’auteur du psaume 29 de ce dimanche :

                Seigneur, tu m’as fait remonter de l’abîme
                et revivre quand je descendais à la fosse.
                Tu as changé mon deuil en une danse,
                mes habits funèbres en parure de joie !

Amen !


Daniel BICHET, diacre permanent
8 et 9 juin 2013, Boussay et Clisson.




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