Is 61, 1-2a.10-11 / Magnificat / 1Th5, 16-24 / Jn 1, 6-8.19-28
Mais de quelle joie parlons-nous ? On veut parfois nous faire croire que
la joie advient lorsque nous n’avons plus de problèmes, plus de soucis
ni de
contrariété ! Si c’est cela la joie, alors nous risquons de l’attendre
encore
longtemps… Fort heureusement, nous savons tous que la joie peut très bien arriver au cœur des difficultés, des soucis
de la vie ou même de la maladie… La joie chrétienne est plus qu'une
émotion
passagère : joie profonde, paix
intérieure et épreuves peuvent cohabiter. Nous connaissons tous
des personnes
qui rayonnent de joie et qui, pourtant, traversent des épreuves
difficiles.
Mais alors d’où vient la joie ? En fait, la joie dont nous parle la
Bible ne provient pas de l’extérieur, elle
est
intérieure ! Elle ne vient
pas
de ce que l’on reçoit (santé, pouvoir, argent, célébrité, etc…) mais
de ce que l’on donne ! Regardez
Isaïe : il est tout à son bonheur d’être envoyé pour guérir, libérer,
délivrer
et apporter la bonne nouvelle aux pauvres ! Oui F&S, cette joie est contenue, comme en germe, en chacun de nous ; elle
n’attend qu’une chose : de pouvoir surgir quand nous œuvrons pour plus
de
justice, quand nous consolons les cœurs brisés et libérons ceux qui sont
emprisonnés dans leur culpabilité : « Comme
la
terre fait éclore son germe, et le jardin, germer ses semences, le
Seigneur
Dieu fera germer la justice et la louange devant toutes les nations
». Oui
la joie jaillit lorsque l’on a la certitude de collaborer avec Dieu à un monde plus juste, plus fraternel et plus
humain. Quelle fierté en effet de se savoir co-créateur avec Dieu d’un monde qui ne peut s’améliorer sans nous
et sans Lui.
C’est le cri de Paul aux chrétiens de Thessalonique qui se débattaient
au milieu de tas de difficultés (persécutions, rejets, tensions
internes,
pauvreté matérielle, etc…) comme le vivent encore hélas aujourd’hui
nombre de
nos F&S africains avec les conséquences dramatiques que nous
connaissons...
Alors je me fais le porte-voix de Paul pour vous redire aujourd’hui avec
force
: « N’ETEIGNEZ PAS L’ESPRIT » ! Que peut le soleil si je ferme mes
volets ? Que peut la Vérité si je me bouche les oreilles ? Que peut
l'Amour si
mon cœur est fermé ? Nous avons en effet cette capacité à nous priver de
l’influence bienfaisante de l’Esprit si nous ne comptons que sur
nous-mêmes et
refusons toute ouverture aux autres et au Tout-Autre. Un peu comme si
l’on
délaissait un feu en ne l’alimentant plus des bûches nécessaires à sa
combustion ; ces bûches qui alimentent l’Esprit en nous, sont déjà
celles que
Paul nous indique : « soyez
toujours
dans la joie, priez sans relâche, rendez grâce en toute circonstance,
(…) discernez la valeur de toute chose : ce qui est bien, gardez-le ;
éloignez-vous de toute espèce de mal… » auxquelles nous
pouvons
adjoindre la bûche de la Parole de Dieu, d’une retraite
spirituelle, du
partage de sa foi avec d’autres (comme nous y sommes invités en ce
moment dans
des rencontres de quartier)… et celles que vous utilisez pour entretenir
le feu de l’Esprit-Saint.
Mais pour qu’un feu ne s’éteigne pas, il lui faut non seulement des
bûches, mais aussi de l’air ! En effet, sans oxygène le feu s’étouffe,
il faut
que l’air circule en lui, que le foyer ne soit pas totalement fermé et
hermétique. Il faut des failles par lesquelles passe le souffle qui
attise le
feu. Ce qui, tout à l’heure, pouvait nous sembler être un obstacle à la
joie et
au bonheur (nos problèmes, soucis et contrariétés) ne sont-ils pas
justement ces failles par
lesquelles le souffle divin
peut passer pour attiser notre feu intérieur ? N’avons-nous pas
expérimenté
nous-mêmes, que certaines difficultés nous ont fait grandir humainement
et
spirituellement ? L’Esprit
n’enlève pas
les problèmes mais les transforme pour les rendre féconds, quelle
que soit
notre situation, fort ou fragile, en famille ou isolé, malade ou en
bonne santé…
Oui frères et sœurs, la joie
chrétienne, don de l'Esprit, trouve sa source dans la révélation d'un
Dieu
Amour venu en notre humanité pour nous sauver. La source de la
joie et la joie
elle-même seraient donc à chercher dans cette unique direction : le
Christ. Il
est Celui qui libère, Celui qui apporte la justice et la fraternité,
Celui qui
génère dans les cœurs la vraie paix, Celui qui fait naître la joie…
Et, alors que nous sommes dans la joie et fortifiés par l’Esprit, Jean
Baptiste nous rappelle dans l’évangile d’aujourd’hui que nous sommes les témoins de Celui qui se tient au milieu de nous,
même si nous ne le (re)connaissons pas ; les témoins de la Lumière, même si la lumière n’est pas totale dans
notre esprit. Car avouons que nous-mêmes ne savons pas exactement le
genre de
messie que nous attendons ! Un grand prédicateur qui donnera la réponse
à tout,
qui réconciliera foi et science ? Un grand sage qui sera un peu le
conseiller
de paix pour tous les peuples ? Un grand législateur qui fera un peu le
gendarme pour qu’il n’y ait plus de méchant sur la terre ? Un messie
chef
d’armée qui fera régner la paix aux frontières ? Un gourou guérisseur
qui
supprimera la mort et nous soignera de toutes les maladies ? Une espèce
de fée
qui tirera tous les pauvres de la misère ? Un faiseur de miracles qu’il
suffira
de prier pour être exaucé ? « Dis-moi un peu : le Christ à quoi ça sert ? » C’est la réflexion que nous
entendons souvent chez les grands jeunes quand nous discutons avec eux.
A quoi
ça sert ? Pourquoi l’attendre, pourquoi mettre en lui notre espoir,
pourquoi
parler de lui alors que le monde n’a pas changé depuis qu’on parle de
lui… ?
Eh bien oui F&S, nous avons aussi à rendre témoignage de sa présence agissante et efficace, de son amour et
de son salut. Notre mission de précurseur est d’aplanir le chemin
de celui
qui dit dans la prophétie d’Isaïe : «L’esprit
du
Seigneur Dieu est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par
l’onction.
Il m’a envoyé annoncer la bonne nouvelle aux humbles, guérir ceux qui
ont le
cœur brisé, proclamer aux captifs leur délivrance, aux prisonniers
leur
libération, proclamer une année de bienfaits accordée par le Seigneur».
Ce
témoignage, nous avons aussi à le rendre par la joie, notre joie
de la promesse que le Seigneur, le
Dieu fidèle, accomplira tout cela, comme nous le dit St-Paul dans
la 2ème
lecture. Nous sommes ses prophètes, nous lui prêtons notre voix et nos
lèvres ; comme le Baptiste dans le désert, notre mission est d’être
la
voix de cette Parole qui ne nous appartient pas, mais qui demande à
s’incarner
dans nos cultures modernes, dans nos vies, dans nos espoirs, dans nos
détresses, dans nos préoccupations d’hommes, de femmes, d’enfants
d’aujourd’hui… pour que cette Parole opère notre libération, notre
délivrance,
notre joie parfaite, notre paix, notre sanctification. Notre témoignage à la lumière doit susciter les questions de ceux qui
nous voient vivre, comme dans le cas de Jean Baptiste :
est-ce qu’ils
viennent nous demander le « secret » qui nous habite, la force qui nous
fait
vivre, l’espérance qui nous donne la joie, même et surtout quand nous
sommes
dans les pires épreuves ? C’est à l’humanité sceptique et indifférente
d’aujourd’hui qu’il nous est demandé d’aller dire : au milieu de
vous se
tient celui que vous ne connaissez pas… Il
est
au-dedans des cœurs de nos contemporains qui ont besoin de le
reconnaître par nous. Le monde, malgré ses dénégations et ses
refoulements, a besoin du sauveur, comme la nature qui, en cette période
où les
journées sont courtes, a besoin de la lumière du soleil : dans la joie,
soyons ses
témoins, sa voix, sa lampe (comme nos F&S du continent africain
savent si
bien l’exprimer par leurs chants et leurs danses dans les célébrations).
Dans l'histoire chrétienne, nous trouvons des pacifiques et des comblés
de joie : ils ont le visage de François d’Assise, de Vincent de Paul, de
sœur
Emmanuelle, de Mère Teresa, de notre Pape François et de bien d'autres…
Et bien
à notre tour, devenons comme Jean-Baptiste des messagers de la Bonne
Nouvelle;
laissons-nous bouleverser, rayonnons
de
joie et convertissons-nous en artisans de paix… Et pour bien
commencer,
comme chaque semaine, je vous inviterai avant la communion à partager un
signe
de la Paix du Christ. Alors aujourd'hui, en nous disant les uns aux
autres « La
Paix du Christ », nous mesurerons le sens profond de cette démarche :
elle
signifie que l'amour de Dieu nous est offert dès maintenant en
Jésus-Christ et
que si nous l’accueillons au plus profond de notre cœur, alors nous
pourrons
être, à notre tour, dans la joie, ces artisans de fraternité, de justice
et de
paix, chacun à la mesure de nos talents et de nos responsabilités.
Nous sommes le 3ème dimanche de l’Avent : où en est le
chantier qui aplanit les routes de nos cœurs ? Où en sommes-nous dans la
préparation d’un Noël qui n’est pas que folklorique ? La ville est déjà
illuminée, mais les lampes, cela ne devrait pas être les ampoules
achetées dans
les grandes surfaces ; comme Jean Baptiste, sommes-nous, dans nos
déserts
modernes, la lampe qui donne au monde la Lumière qu’est le Christ ?
Car Noël, c’est la
continuité de la Vie
confiée, dans sa fragilité, à la liberté de l’homme pour la faire
croître ! Noël,
c’est la fête de la volonté du
Christ de
venir « crécher » en chacun de nous. Alors, à huit jours de Noël,
Jésus va-t-il
se trouver à l’aise pour naître en moi encore cette année, au chaud
auprès du
foyer de mon cœur ? Trouvera-t-il quelqu’un pour lui parler, lui
sourire,
l’aimer ? Mon visage rayonnera-t-il de la joie et de la paix intérieure
dont il
vient me combler ? Rejailliront-elles sur celles et ceux qui en ont le
plus
besoin ?
Comme
ces anneaux le manifestent, puisse
ce chemin d'espérance nous conduire toutes et tous à la fraternité, à la justice, à la paix et à la joie de Noël et
susciter des questions sur notre « secret » !
Amen
Patrick JAVANAUD, diacre permanent
17 décembre 2023