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1° dimanche de l'Avent



        Je ne sais pas si c’est le fait du hasard – le hasard existe-t-il ? – mais c’est aujourd’hui que nous sommes invités à changer la sixième demande du Notre Père : « Ne nous soumets pas à la tentation » pour « ne nous laisse pas entrer en tentation ». Or, les textes de ce premier dimanche de l’Avent de l’année B nous donnent justement quelques points de méditation qui me semblent justement très en lien avec cette sixième demande, celle qui met le doigt sur notre combat spirituel, notre confrontation au mal, nos choix face à ce mystère du mal.
Première lecture : « Pourquoi, Seigneur, nous laisses-tu errer hors de tes chemins ? » se lamente le prophète Isaïe, huit siècles avant que Jésus ne nous livre sa prière. On n’est pas loin de « ne nous laisse pas entrer en tentation ». Et cette lamentation d’Isaïe, qui, en fait, est un cri d’espérance, se termine par « tu nous as caché ton visage, tu nous as livrés au pouvoir de nos fautes » comme pour dire à la fois la responsabilité de l’homme : « nos fautes », et la responsabilité de Dieu : « tu nous as livrés ». Mais aussitôt après, il poursuit : « Mais maintenant, Seigneur, c’est toi notre père. ». En se souvenant que Dieu est notre Père, il nous situe comme les enfants bien aimés d’un père bienveillant, qui laisse à ses enfants la liberté, y compris la liberté de choisir le bien ou le mal.  « Pourquoi, Seigneur, nous laisses-tu errer hors de tes chemins ? »  L’image d’un dieu père employée par Isaïe est radicalement différente de l’image d’un dieu tyran, comme ces nombreux dieux vénérés et redoutés par les peuples voisins d’Israël.
        On est déjà dans ce livre d’Isaïe sur le questionnement : qui est responsable du mal ? Dieu ou l’homme ? Question philosophique, métaphysique, théologique, ontologique… question éternelle de l’homme face à sa condition d’homme, et qui nous préoccupe encore aujourd’hui, comme le montre ce soucis de clarification dans la prière du Notre Père : Dieu est-il celui qui nous soumet à la tentation, ou celui qui laisse l’homme libre de ses choix ?
        Nous avons ensuite chanté le psaume 79 en disant à la fois : « Dieu, fais-nous revenir » et « Dieu de l’Univers, reviens ! » ce qui marque bien cette dualité : liberté de l’homme : « fais-nous revenir » et action nécessaire de Dieu : « reviens ! ». Car pour que nous puissions revenir à lui, nous avons besoin qu’il revienne à nous. Nous sommes tellement démunis face au mal, à la souffrance, qu’il nous est parfois impossible de revenir à Dieu sans son aide. Et ce psaume implore Dieu pour qu’il vienne à notre secours, afin que la tentation du désespoir ne l’emporte pas sur l’espérance.
        Le combat spirituel de l’homme, c’est-à-dire en fait son attitude face à la tentation, traverse toute la Bible. Et toujours, les croyants qui ont construit ce grand livre de notre histoire humaine, ont affirmé leur foi ainsi : ce combat sera victorieux s’il s’appuie sur la confiance en Dieu. C’est St Paul, dans la deuxième lecture d’aujourd’hui, qui nous le redit, en parlant du Christ Jésus : « c’est lui qui vous fera tenir fermement jusqu’au bout ». Affirmant ainsi que, loin d’être celui qui nous tente, il est celui qui nous aide à sortir victorieux de l’épreuve de la tentation.
        Terrible épreuve, en vérité. Car la tentation n’est pas le péché, comme la faiblesse n’est pas le péché. Le péché, c’est d’avoir succombé à la tentation, pas d’y être soumis. Le péché, c’est d’avoir laissé notre faiblesse livrée à elle-même, sans demander à Dieu son secours. La tentation est une constante, elle est toujours devant nous, en permanence. Elle est une question sans cesse posée à notre conscience : « choisiras-tu le bien ou le mal ? » Le péché, si péché il y a, ne vient qu’après. Il n’est que la conséquence inéluctable de notre mauvais choix face à cette question. Nous n’avons donc pas à demander pardon pour notre faiblesse. Car notre faiblesse est intimement liée à notre condition d’homme ; elle nous révèle que nous ne sommes pas Dieu, qui, lui seul, est fort. Dieu aime notre faiblesse : il nous a faits avec ! Ce n’est pas un péché d’être faible. Reconnaître notre faiblesse est au contraire un atout, une arme, qui nous pousse à nous tourner vers Dieu pour lui demander sa force.

        Être soumis à la tentation ne fait donc pas de nous des pécheurs, mais des êtres responsables. Elle nous oblige à un discernement, que nous soyons croyants ou pas. Ce discernement, on peut évidemment le faire seul, ou avec l’aide d’amis, de proches, ou en cherchant des pistes dans des livres, sur internet, ou même en calquant sa conduite sur celle que préconisent les médias. Mais le croyant est celui qui ne discerne pas sans demander l’aide de Dieu. Comme Isaïe qui implore Dieu de lui venir en aide ; comme le psalmiste qui fait confiance à son Dieu comme à un père ; comme St Paul qui affirme avec force et insistance sa foi en un Dieu bienveillant, son espérance en un Dieu qui donne avec générosité : « aucun don de grâce ne vous manque » nous dit-il, et donc « vous serez sans reproche au jour de notre Seigneur Jésus Christ » si vous faites appel à lui dans la tentation.

        Oui, la tentation est toujours devant nous. C’est pourquoi, et nous rejoignons l’Evangile d’aujourd’hui, il nous faut être vigilants : « Prenez garde, restez éveillés, car vous ne savez pas quand ce sera le moment » nous dit Jésus. « Veillez donc ! » insiste-t-il. Il sait de quoi il parle, lui qui a été tenté au désert. Lui qui dira à Dieu au moment de son agonie « pourquoi m’as-tu abandonné ? » ultime tentation au moment de vérité, au moment où tout semble perdu. Quelques heures plus tôt, il avait dit à ses disciples qui l’accompagnaient au jardin de Getsémani : « veillez et priez pour ne pas entrer en tentation ». C’est pratiquement ainsi que nous dirons désormais la sixième demande du Notre Père : « ne nous laisse pas entrer en tentation ». Nous le demanderons à Dieu, comme le Christ nous l’a lui-même demandé, avec les mêmes mots. Si nous lui demandons, c’est que nous croyons qu’il peut répondre à notre demande. C’est affirmer notre foi, notre confiance en ce Dieu-Père plein de bonté ; c’est reconnaître humblement notre faiblesse, notre incapacité et peut-être même notre désarroi face à certains choix que la vie met devant nos pas.

        Alors, en ce début de temps de l’Avent qui nous ouvre la route jusqu’à Noël, la venue de Dieu parmi nous ; veillons, restons en éveil, demandons à Dieu non-pas de nous éviter la tentation, mais demandons-lui de nous aider à ne pas y entrer, c’est-à-dire à ne pas céder, à ne rien lâcher de ce qui nous relie à son amour.
Joyeux temps de l’Avent, dans l’espérance !
    Amen.

    Daniel BICHET, diacre permanent.

    Gorges, St Hilaire de Clisson, Clisson
    3 décembre 2017


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