« Fête du Christ-Roi »
c’est un peu
baroque, non ?
On connait le Roi d’Angleterre « God save the King ! »,
le Roi du Maroc, le Roi des Belges, et aussi : le roi du rock
n’roll (the King !),
le roi des animaux, la reine des neiges, la Reine de Saba …on pourrait
continuer
longtemps la liste des rois et des reines de ce monde !
Ils inspirent l’admiration, le respect, ou la crainte, et ils induisent
une certaine distance avec nous. Une distance, une séparation, ils
paraissent inaccessibles
au commun des mortels, peut-être à cause du pouvoir qu’ils exercent. On
n’imagine pas de familiarité avec eux. Et eux, certainement pas non plus
avec
nous. Nous ne sommes pas du même monde.
Pour Jésus, il en est tout autrement. Lui qui est Dieu, il s’est fait
homme pour être proche de nous, et pour que nous soyons proches de lui.
Comme
un Roi de cœur !
Pourquoi la Liturgie de ce dimanche nous dit-elle qu’il est ‘Christ-Roi
de l’Univers’.
Qu’est-ce que ça veut dire ? Et qu’est-ce qu’il a dit
de lui-même à ce sujet ?
C’est ce que je vous propose de regarder ensemble :
Comment
Jésus est-il Roi dans l’évangile ? Et comment est-il Roi dans
notre
vie ?
1)
Est-ce
que Jésus se
présente lui-même comme un Roi dans tout l’évangile ?
La réponse est NON, ce sont plutôt les autres qui veulent le
faire Roi.
A Noël, nous allons rencontrer les Rois mages venus d’Orient en
apportant l’or pour reconnaitre que Jésus, cet enfant, est roi ;
mais
Jésus est bien trop petit pour revendiquer ce titre ; il est un roi
muet, pauvre,
et nu.
Juste après la multiplication des pains, l’évangile nous dit : « alors
Jésus,
se rendant compte qu’ils allaient venir s’emparer de lui pour le faire
roi,
s’enfuit à nouveau dans la montagne, lui seul. » Jésus
n’accepte pas
cette royauté-là.
Dans l’épisode des Rameaux, quand Jésus entre à Jérusalem, il va révéler
sa royauté d’une manière différente de ce que pouvait imaginer la
foule ;
un roi monté sur un petit âne. Il n’est pas le roi des puissants, des
chars et
des cavaliers. C’est un roi doux et humble.
À Pilate qui l’interroge (dans notre Evangile de ce dimanche) : «
Es-tu le roi des Juifs ? », il précise : « Ma royauté
n’est pas de
ce monde. » Je suis venu « rendre témoignage à la vérité ».
Mais alors en quoi consiste cette royauté, en quel sens
Jésus est-il le Christ-roi ?
L'évangéliste Jean nous fait percevoir l'aspect paradoxal de cette
royauté du Christ, en présentant les événements de la Passion comme un
cérémonial d'investiture.
C’est au cours de la Passion que va être révélé ce que signifie la
royauté de Jésus. Tous les adversaires de Jésus le proclament Roi :
ils
lui mettent la couronne d’épines, ils lui mettent un manteau de pourpre.
Pilate
écrit sur la Croix « Roi des juifs » Un roi nu à la naissance
et nu à
la mort.
En se laissant hisser sur la croix, il inaugure le royaume de
Dieu : le Royaume de Dieu se révèle pleinement au moment de la
mort de
Jésus.
La royauté de Jésus, c’est de faire régner la loi du Royaume de Dieu, la
loi de l’amour. Jésus, en livrant sa vie et en pardonnant à ses
bourreaux, en
répondant à la haine par l’amour jusqu’à l’extrême, rassemble tous ceux
qui
veulent bien écouter sa voix, dans le royaume de Dieu.
Vous allez me dire : « C’est
étrange,
un roi perdant, un roi souffrant, un roi crucifié. N’est-ce pas
contradictoire ? Cette faiblesse face au mal, c’est difficile à
accepter ! »
Oui clairement, il y a deux sortes de rois : la royauté humaine
(celle d’Hérode, celle de César, ou des hommes de pouvoir quels qu’ils
soient)
risque toujours de verser dans le pouvoir personnel, qui est source de
violence. Jésus seul est le roi véritable parce qu’il qui fait régner la
paix.
Il est le serviteur, le Roi berger qui donne sa vie pour ses brebis.
C’est la
vraie force, la vraie autorité.
Ça c’est une réponse théologique à la question de Jésus-Roi
de l’Univers.
2)
Pour
nous
aujourd’hui, la question à laquelle nous sommes renvoyés encore
aujourd’hui est : « qui est mon roi ? » Est-ce
que
je cherche un Roi pour me nourrir, pour me défendre des autres, pour
écraser mes ennemis, pour servir mes intérêts ?
Je suis face à un choix chaque jour de ma vie.
Je peux choisir de vivre dans la logique des rois de ce monde, et de mes
tyrans intérieurs, avec les fruits amers de cette logique : la
jalousie,
les conflits, la violence, et donc la mort au bout…
Ou je peux refuser cette logique du monde et choisir de vivre selon une
autre logique, dans le royaume de Dieu. Choisir de laisser Dieu régner
de plus
en plus dans ma vie, en optant pour la logique du royaume de Dieu qui
est
l’amour.
Vous allez me dire : « Tu rêves ! le refus
de dominer, d’écraser les autres, d’avoir toujours raison, C’est
un chemin
qui parait très difficile ! »
Non, ce n’est pas très difficile, c’est IMPOSSIBLE !
Totalement
impossible.
A partir de moi-même, ce n’est pas difficile, c’est impossible. Jésus
l’a dit : « hors de moi, vous ne pouvez rien faire ».
Mais,
si dans ma liberté, je remets au Christ le gouvernail de ma vie, ça fait
la vie
des saints. Pour cela, il faut essayer, au jour le jour, de lui laisser
le
pouvoir, le Christ Roi.
Jésus n’est pas un roi qui veut régner SUR nous, mais qui
veut régner EN NOUS, dans notre cœur. Il nous libère du mal et des ombres du
mal qui veulent nous asservir : la jalousie, l’orgueil, l’égoïsme,
le
« chacun pour moi » …
Le Royaume de Dieu n'est pas habité par des sujets ni des soldats, mais
par des fils. Nous sommes les petits princes et les princesses du
Royaume de
Dieu, héritiers du Royaume.
Donc, nous participons nous-même à cette royauté, et nous sommes appelés
à “régner” autour de nous avec le Christ. Ça veut dire que nous sommes
appelés
à faire régner en nous, et aussi autour de nous : la paix,
le
pardon, la fraternité, la solidarité, la bienveillance, et tout ce qui
conduit
à la vie.
Alors vraiment, nous comprendrons comment le Christ est Roi de
l’Univers,
Et en cette fête du Christ Roi qui clôt l'année liturgique, nous
pourrons prier ensemble tout à l’heure Notre Père pour : « Que
ton
règne vienne ! »
Emmanuel MÉRIAUX, diacre permanent,
Paroisse Saint Louis de Montfort
(Nantes)
24 novembre 2024