Année B
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retour vers l'accueilFête du CHRIST, ROI DE L'UNIVERS
Dn 7, 13-14 ; Ps 92, 1abc, 1d-2, 5 ; Ap 1, 5-8 ; Jn 18, 33-37
« Le seigneur est roi ! »
proclame le psaume. Jésus Christ est « le souverain des rois de la
terre » insiste ce passage de l’Apocalypse. « Alors, tu es roi ? »
demande Pilate.
Dans cette solennité du Christ-Roi, nous proclamons, nous autres
chrétiens, que Jésus est roi. C’est sans doute un peu risqué, dans une
société française où on n’aime pas beaucoup les rois, nous qui avons
guillotiné le dernier ! La royauté de Jésus doit donc être bien
comprise avant d’être proclamée.
Oui, Jésus est roi. Le Christ est
roi. Quand Pilate lui demande « alors, tu es roi ? » la réponse de
Jésus est presque ironique : « c’est toi qui le dis ! » on dirait
aujourd’hui : « comme tu dis ! » ce qui signifie que Jésus valide la
question de Pilate comme s’il s’agissait d’une affirmation : « alors,
tu es roi ! »
Étonnant, tout de même ! Tout au long de sa vie publique, Jésus n’a pas
cessé de dire à ceux qu’il guérissait de ne rien dire à personne ;
lorsqu’on voulait le faire roi, alors qu’il venait d’accomplir un geste
merveilleux, extraordinaire, il s’éclipsait, il disparaissait. Et voilà
qu’aujourd’hui, dans ce dialogue avec son accusateur, alors que la
partie semble définitivement perdue, il affirme sa royauté ! aurait-il
changé d’avis ?
Ce qui a changé, c’est sa
situation. S’il avait accepté le couronnement lorsqu’il était dans une
position favorable, sans doute que nous aurions de la royauté du Christ
une fausse image. L’image d’un roi doté de « super pouvoirs », d’un roi
dominateur et inaccessible, bref, d’un roi tout ce qu’il y a d’habituel
chez les humains. Mais non, ce n’est pas ainsi que le Christ est roi !
C’est justement lorsqu’il est au fond du trou, lorsqu’il est dépendant,
lorsqu’il est faible, impuissant, enchaîné, lorsqu’il subit nos
quolibets et nos accusations, qu’il révèle la vraie nature de son
règne. Son règne n’est pas de ce monde. C’est pour cela qu’il nous est
difficile, c’est vrai, de voir dans ce prisonnier condamné à mort, le
visage d’un roi. Difficile aussi de croire que cette situation n’est le
signe de sa déchéance, mais au contraire la manifestation de sa
victoire. Il faut les yeux de la foi pour cela ; il faut les yeux du
cœur. Ce ne sont pas des raisonnements savants, rationnels, construits,
qui peuvent nous en convaincre, mais un cœur ouvert à l’amour ; un cœur
plein de compassion pour celui qui souffre ou qui est dans la peine.
Car ce prisonnier humilié devant Pilate, nous le connaissons ; nous en
connaissons tous, parfois des personnes très proches de nous. Prenons
un instant pour penser à lui, à elle, qui traverse un moment si
difficile et pour qui nous nous sentons impuissant. C’est dans la
vérité de sa souffrance que se révèle la vérité de notre amour. Devant
la douleur, la souffrance, l’injustice, pas de faux-semblants, pas de
masque : la vérité de l’être apparaît, sans artifice. Et c’est ainsi
que Jésus peut répondre à Pilate, mais cela s’adresse bien sûr à nous
aussi : « je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité
». Quel plus fort témoignage à la vérité que celui de l’humilié, à
quelques heures de sa mise à mort ?
La vérité... mais qu’est-ce que
la vérité ? demandera Pilate juste après le passage que je viens de
lire. Et nous avec lui : qu’est-ce que la vérité ? Souvent,
aujourd’hui, la vérité est confondue avec la sincérité. Il suffit
qu’une personne soit sincère pour qu’on la dise dans la vérité. On
relativise ainsi la vérité : c’est « sa » vérité, comme pour dire que
personne ne détient la vérité, et que toute vérité est valable du
moment qu’elle est sincère. Or, nous savons bien, et le quotidien nous
en donne, hélas, bien des exemples, toute sincérité n’est pas vérité.
La vérité, on ne la détient pas, on ne la possède pas : on lui
appartient, ou pas ; on n’en est pas propriétaire, on en est le
serviteur, le témoin, ou pas. Car la vérité que Jésus nous révèle, ce
n’est pas une idée, ce n’est pas une opinion, c’est une personne, c’est
lui-même !
Il est d’ailleurs beaucoup
question de vérité dans les autres textes de ce jour. Vérité, en
hébreu, a la même racine que « amen », et ces deux mots très voisins
évoquent la stabilité, la fermeté, la fidélité, ce qui est immuable.
Dans la deuxième lecture, St Jean nous parle de Jésus, « souverain des
rois de la terre », « l’alpha et l’oméga », le début et la fin, « celui
qui est, qui était et qui vient » ; et il appuie ses propos par « amen,
oui, vraiment, amen ! ». Vérité, stabilité, solidité. Le livre de
Daniel, dans la première lecture, lui, nous parle de sa « domination
éternelle, qui ne passera pas » et de sa royauté « qui ne sera pas
détruite ». Et le psaume 92 : « dès l’origine, ton trône tient
bon, depuis toujours tu es. Tes volontés sont vraiment immuables... »
Lorsque nous répondons « amen »,
parfois machinalement, par réflexe, en fait nous signifions que ce qui
vient d’être dit est une parole sûre, qui s’appuie sur la solidité, la
fidélité, la durabilité. Amen, c’est beaucoup plus fort que « je suis
d’accord » ou même que « ainsi soit-il » comme le traduisait la
liturgie d’avant le Concile. C’est sans doute la raison qui a fait que
l’on ne traduit plus ce mot en français, tant il est chargé de sens,
pour ne pas l’appauvrir, le vider de sa substance si riche que lui
donne la langue originelle. Dire amen, c’est reconnaître que Dieu est
Dieu, que Jésus est le Christ venu pour témoigner de lui auprès de tous
les hommes, et sauver l’humanité en partageant sa condition humaine,
jusqu’à la souffrance, l’humiliation et la mort. C’est reconnaître la
royauté du Christ, royauté qui n’est pas de ce monde, royauté des
humbles, des petits, des pauvres.
C’est ainsi que le Christ est
roi. Oui, proclamons-le, le Christ est roi ! amen, oui vraiment, amen !
Daniel BICHET, diacre permanent
Monnières, St Hilaire de Clisson, Clisson
25 novembre 2012
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