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6° dimanche de Pâques

« Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande ». « Voici ce que je vous commande, c’est de vous aimer les uns les autres ». Le mot « commandement » ou le verbe commander apparaît 5 fois dans ce passage de St Jean.  Ces mots sonnent bizarrement dans la bouche de Jésus, vous ne trouvez pas ? Je ne vois pas Jésus comme un général qui donne des ordres, comme quelqu’un qui commande à ses subordonnés, un maître à ses esclaves. Je suis donc allé voir dans le texte original, écrit comme nous le savons, en grec. En fait, ne connaissant pas le grec, j’ai demandé à un spécialiste, une personne qui connaît bien le grec des évangiles. J’ai ainsi appris que lorsque St Jean parle de la loi juive, de ses obligations, il emploie le mot « nemô » qui signifie un ordre donné auquel il faut absolument obéir.  C’est la loi. Mais ici, dans ce passage que nous venons d’entendre, St Jean emploie le mot « entolè » qui a un sens plus atténué. Ce serait plus une instruction, une recommandation, un conseil appuyé. On comprend donc mieux l’intention de Jésus, je pense, en entendant : « vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous recommande ».
En effet, l’amour ne se commande pas. Et on ne devient pas l’ami de quelqu’un en obéissant à ses ordres, mais si on est son ami, si on a confiance en lui, on est plus spontanément prêt à suivre ses recommandations, ces instructions.

Quoiqu’il en soit, on comprend bien que le centre du propos de Jésus, c’est l’amour. « Aimez-vous les uns les autres ». A la limite, ce n’est pas nécessaire d’être chrétien pour penser qu’aimer les autres, c’est une bonne chose ; que ça rend la vie plus belle. De nombreuses personnes qui n’ont pas la foi sont capables d’aimer, de faire preuve de beaucoup d’amour, tout au long de leur vie. Aimer n’est pas réservé à l’usage exclusif du chrétien.
« Aimez-vous les uns les autres » nous dit Jésus. Mais il ajoute « comme je vous ai aimés ». Aimer à la manière de Jésus. Ce n’est peut-être plus tout à fait la même chose. Et de quelle manière nous a-t-il aimés ? Il nous a aimés jusqu’à donner sa vie pour nous ! Ce n’est pas rien ! Sommes-nous capables d’aimer ainsi ? « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. » Il sait de quoi il parle, Jésus, lui qui a donné sa vie pour nous. Pour nous tous ! Même ceux qui ne le connaissent pas ! Même ceux qui ne l’aiment pas ! C’est déjà difficile de donner sa vie pour des proches, alors pour des inconnus, pour des gens qui vous haïssent !

« Aimez-vous les uns les autres ». Mais qui sont les autres ? Nous avons une tendance presque naturelle, dans nos différents lieux de vie (famille, travail, paroisse, association, …) à nous aimer entre nous. C’est humain ! A nous aimer « les uns les uns » comme aimait à dire un prédicateur lors d’une retraite. Il disait : « Jésus ne nous a pas demandé de nous aimer les uns les uns, mais les uns les autres ! » Il n’est pas trop difficile d’aimer ceux qui nous sont proches, ceux qui nous ressemblent, qui ont de nombreux points communs avec nous. Mais les autres ? Les autres, ce sont ceux qui ne sont pas dans notre cercle amical ou relationnel habituel. Ceux qui ne vivent pas la même existence que nous.  Ceux qui ont des modes de vie différents, des opinions différentes, des préoccupations qui ne sont pas les nôtres. Ceux qui ne partagent pas la même foi. Ceux que nous avons du mal à comprendre,  à accepter ; ceux qui ont des comportements qui nous agacent, nous heurtent ou même nous scandalisent. Dans un autre passage de l’évangile, Jésus nous demande même d’aimer nos ennemis ! (Mt 5, 44). Beaucoup de personnes ont du mal à s’aimer soi-même, comment pourraient-ils aimer jusqu’à leurs ennemis ?
Souvenons-nous que dans notre mode de pensée habituel, aimer correspond souvent à un sentiment, à une émotion. Mais dans toute la Bible, et particulièrement dans les évangiles,  aimer est un acte sacrificiel, un don. « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son fils » ; « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie ». Jésus ne nous demande pas d’éprouver des sentiments pour ceux que nous appelons « les autres ». Il s’agit de les aimer en actes, d’avoir pour eux de la sollicitude, de la générosité, gratuitement. Par amour. Aimer les autres, c’est prendre en compte l’altérité, c’est faire honneur aux différences qui nous fondent, chacun d’entre-nous, en tant que personne.

Ce commandement nouveau d’aimer d’un amour universel, ce bouleversement dans les mentalités, l’Eglise naissante en a compris la nécessité et l’urgence dès son début. C’est ce que nous raconte l’épisode des actes des apôtres que nous avons entendu en première lecture. « Les croyants qui accompagnaient Pierre, et qui étaient juifs d’origine, furent stupéfaits de voir que, même sur les nations, le don de l’Esprit Saint avait été répandu. » Ils auraient pu s’en offusquer, ou ne pas l’admettre, le nier. Ne sont-ils pas, eux, les juifs, le peuple élu ? Le peuple que Dieu a mis à part de tous les autres peuples de la terre ? Mais non. Qu’ont-ils fait ? Ils les ont aussitôt baptisés ! C’est-à-dire qu’ils les ont immédiatement accueillis dans leur communauté. Ils les ont reconnus comme leurs semblables, eux qui sont si différents, si divers. Comme leurs frères, eux qui proviennent de toutes les nations païennes.
Cet épisode atteste de l’ouverture dont l’Eglise  chrétienne a fait preuve, dès son origine. Ouverture qui est la simple application de la demande de Jésus « aimez-vous les uns les autres », en insistant sur « les autres ». En effet, à partir de ce moment, s’accomplit la révélation qui traverse toute la Bible, et dont on a entendu un rappel dans le psaume 97 d’aujourd’hui : « le Seigneur a fait connaître sa victoire et révélé sa justice aux nations ». Sa victoire, sa justice, c’est à dire son salut, est pour tous ! Dieu n’est pas le Dieu des juifs seulement, mais de toute la terre ! C’est pourquoi l’Eglise est qualifiée de catholique, c’est à dire universelle, puisqu’elle n’exclut personne qui croit en Jésus, fils de Dieu qui est mort pour nous et qui a vaincu la mort par sa résurrection.

« Aimez-vous les uns les autres », on le voit, ce n’est pas seulement un vœu pieux, un peu naïf, un peu mièvre. C’est une exigence ! Et ça demande des efforts, des changements de regard et des renoncements. Accepter l’altérité, considérer la différence comme une richesse et non un obstacle à la fraternité universelle. Aimer comme Jésus nous le demande, ça ne va pas de soi. Alors oui, finalement, après réflexion, peut-être que le commandement de Jésus est plus qu’une simple recommandation. Essayons de l’entendre comme un rappel permanent dans le concret de nos vies, dans nos choix, dans nos actes quotidiens.
Amen !

 
Daniel BICHET, diacre permanent
Gorges et Clisson
6 mai 2012

                                                              



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