Année B
Sommaire année B
retour vers l'accueil6° dimanche du Temps Ordianire
Poser un geste fraternel…
La semaine dernière, Jésus posait un geste de guérison dans l'intimité
d'une famille. Ce dimanche, Marc nous le présente agissant au grand
jour conduit par la pitié et la compassion fruits de son amour. Ces
attitudes de Jésus ne pourraient elles pas nous guider pour, nous
aussi, poser un geste?
Le Lévitique nous décrit en détail la vie - mais peut-on encore appeler
cela une vie?- nous décrit l'exclusion, l'humiliation de la personne
porteuse de la lèpre. Éviction de la ville et de la société, perte de
toute relation, errance… en plus de la dégradation et des souffrances
physiques, la personne lépreuse vit la négation de son existence sans
issue, sans espoir.
Et que voit-on dans l'évangile ? Jésus, lui-même sujet de la loi de
Moïse, face à un homme souffrant, physiquement et socialement, de cette
maladie, exclu par ce qu'impur. S'en approcher est déjà être impur. Le
toucher c'est s'exclure soi même du monde. Et pourtant, à la demande du
malade, Jésus, pris de compassion, remué au plus profond de lui par le
désarroi de l'homme, par l'injustice et les comportements excessifs, se
laisse approcher et…il le touche! Si loin qu'il soit, Jésus va le
rejoindre dans son exclusion, il descend jusqu'au fond de sa misère
pour le retrouver, le tirer par la main, le rendre à la vie, à Sa vie
et le replacer dans la communauté en le guérissant et en l'envoyant
vers les prêtres.
Mais le geste le plus important n'est pas la guérison qui n'est qu'un
signe, le geste le plus important est ce toucher qui purifie. Répondant
à la volonté du lépreux par ce toucher, il recrée le lien humain et
social, il ouvre à l'espoir et à l'avenir. Un geste qui redonne vie.
D'ailleurs Jésus refuse que, seule, la guérison soit reconnue, il ne
veut pas être un guérisseur, un magicien de plus. Ce geste demande,
comme le fait Marc, qu'il soit relu, plus tard, après une
reconnaissance, une pâque, que Jésus sait qu'il devra vivre comme fils,
d'une façon ou d'une autre. Un geste relu comme une parabole de ce qui
peut être posé en réponse au malheur, un geste qui purifie, qui sauve
et qui offre la vie après la vie. Un geste qui dit la tendresse d'un
frère née dans l'amour du Père.
Aujourd’hui la lèpre a reculé grâce à la médecine et à l’action de
Raoul Follereau, du Père Damien et de ceux qui poursuivent leurs
actions. Mais d’autres formes de lèpres modernes sont apparues. Quelles
sont ces lèpres du XXIème siècle qui voient des enfants, des femmes,
des hommes exclus, mis au ban d'une société sécuritaire, hygiéniste et
peureuse? Qui sont-ils?
• L'étranger, le migrant, l'immigré
• La personne sans abri, celle sans revenu ou la mal logée,
• La victime de dépendances et d'addiction, le malade âgé,
• Le handicapé physique ou mental,
• Le chômeur de longue durée,
• L'ex prisonnier sorti de prison …
Quelles sont pour moi les personnes avec qui j'ai tant de mal à
communiquer parce qu'elles sont trop différentes et brisent mes repères
rassurants en survivant en marge de la société? …………………… Aujourd'hui la
lèpre se soigne alors qu'est-ce qui excluent? La langue, la religion,
la pauvreté, le manque d'hygiène, le manque d'éducation, une façon de
vivre étrange, une autre façon de se vêtir, un niveau de revenu
?......................
Comme chrétien, nous avons à vivre notre baptême, à la suite du Christ,
comme lui dans la prière, la célébration et la charité. Allons-nous, à
notre tour, oser le geste? Oser aller au-delà du regard ou du sourire
qui initient un lien pour poser un geste ? Un geste qui dit la dignité
de la personne face à moi, un geste qui redonne espoir en l'homme, un
geste qui sauve parce qu'il repousse l'exclusion en signifiant la
valeur du vivant, un geste qui relie, dit une fraternité et non plus
une dépendance ni une condescendance.
Certes il est différent de moi, certes son accoutrement me choque et me
dérange, certes elle m'impressionne et la crainte commence à m'envahir
mais n'est-elle pas femme, n'est-il pas homme, enfant ou âgé, handicapé
ou perdu dans son monde. Est-il juste qu'ils soient isolé, exclu,
rejeté conséquence d'une vie qu'ils ont rarement choisie? Ne sont-ils
pas d'abord frères en humanité, frères en Christ, dépositaire de
l'Esprit Saint?
Mais, avec discernement bien sûr, je suis capable de poser ma main sur
une épaule, de serrer la main tendue, de m'asseoir près d’un frère en
difficulté, d’engager une vraie discussion avec une sœur coupée du
monde, de ne pas changer de trottoir ni de place dans le tram ou le
bus, d'offrir du temps et de sa présence. Jésus crée la condition de la
réintégration du lépreux dans sa communauté. Nous aussi, nous sommes
capables de faire beaucoup pour briser l’exclusion. Ici même, des
personnes s’engagent dans des associations d'accueil des migrants, des
sans papier ou près des Rom. Certains aident des enfants en difficultés
scolaires, d'autres visitent, rencontrent, maraudent…pour rompre les
isolements.
Dieu notre Père dépose en chaque personne son Esprit, il nous fait
ainsi ses enfants et en chacun, vit un frère. Chacun est appelé à vivre
son baptême, à sa façon avec ses charismes et se fragilités affermi par
l'Esprit. J'ai l'audace de croire que Jésus aussi, agit à sa manière,
dans le secret, en chacun de nous, en vous, en moi, pour nous donner sa
force, son courage et nous inviter à rejoindre nos frères. Osons croire
qu’il agit tout autant en chaque homme.
Par un geste posé en vérité, d'égal à égal, entre frères, nous pouvons
révéler à ceux qui ne croient parfois même plus en eux-mêmes leur
valeur, leur dignité et réveiller leur espérance. Que nous soyons exclu
ou bien intégré, réside en nous l'Esprit donné par ce Père aimant et
c'est là que nous trouvons la source de ce geste à poser avec un infini
respect qui ouvre à une rencontre vraie, précieuse, essentielle, qui
redonne la joie d'exister au milieu des hommes.
Patrick DOUEZ, diacre permanent
15 février 2015
Sommaire année B
retour vers l'accueil