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6° dimanche du Temps Ordinaire


"Impur! Impur!", voilà le cri imposé au lépreux du temps de Moïse. Un cri qui le rejetait, l'excluait de toute vie familiale, sociale, religieuse. Les remèdes étaient inconnus et la maladie faisait des ravages dans la population car elle est très contagieuse mais aussi des ravages sur les corps et les visages. Une maladie qui ronge les extrémités…mains, pieds, nez, menton… qui défigure et mène à la mort. 1200 avant Jésus Christ, ce cri retentissait excluant les personnes touchées, 1200 après Jésus, au moyen âge, des clochettes sonnaient pour écarter ces personnes du monde, au début du XXème siècle, l'exclusion dans des léproseries isolées était encore obligatoire ! Pas seulement parce qu'on ne sait pas soigner cette maladie, mais surtout parce que les malades sont défigurés, trop différents, ils effraient et on redoute un châtiment divin en réponse à un péché, l'impureté du cœur, alors on met au ban de la société tous ces hommes et ces femmes souffrants et malades.
Un homme porteur de la lèpre, un lépreux, un marginalisé, en souffrance physique et morale, exclu, s'approche de Jésus et lui demande "Si tu le veux, tu peux me purifier." Paroles de foi et d'Espérance, il met toute sa confiance dans la compassion et la volonté de Jésus à le guérir. Jésus, ému par cette souffrance et cette confiance, pose le geste interdit! Il touche cet homme! Par la parole dite "Je le veux, sois purifié" et par le geste, Jésus sauve cet homme. Guéri, purifié aux yeux de la loi juive, il peut rejoindre la communauté, retrouver une vie familiale, sociale, travailler…vivre! Jésus lui donne d'être autre chose qu'une apparence, qu'une image déformée, dégradée, de redevenir un être de relation. Une parole, un geste… simplicité, sobriété…pas de grands discours, pas de publicité, la puissance de l'amour du Christ agit dans la discrétion et la simplicité. Mais cette résurrection du lépreux, cette vie nouvelle qui lui est donnée, offerte, ne peut pas s'accomplir sans lui…"Pas sans l'autre" nous rappelle l'affiche devant l'autel…pas sans lui car c'est lui qui vient, qui implore, qui dit sa volonté et sa confiance et c'est de cette rencontre voulue, attendue et choisie que va naître la guérison.
Comment ne pas faire l'analogie avec ce que vivent encore bien des personnes aujourd'hui dans des exclusions, des solitudes vécus avec souffrance dans un sentiment d'injustice. La lèpre d'hier a été trop vite remplacée par nos lèpres actuelles qui, comme elle, créent les mêmes effets: isolements, abandons, souffrance d'être mis à l'écart. Des lèpres qui blessent les hommes dans leur intégrité physique et leur dignité : malades hospitalisés pour une longue période, handicap mental qui fait peur, handicap physique qui limite les déplacements, la vie sociale, qui ne permet pas une scolarité normale, le grand âge avec ses ravages physiques et intellectuels… mais vous savez et vous pourriez en citer bien d'autres… Quels sont ces renoncements, ces aveuglements qui nous frappent pour que nos relations cessent d'exister ?
Que fait Jésus face à ce lépreux ? Il se laisse approcher, se laisse émouvoir. Les yeux et le cœur ouverts, conscient des souffrances et de l'injustice Jésus accepte la rencontre, parle, touche et sauve en restaurant la relation avec la société dans la liberté et la confiance de cet homme perdu. À son image, prenant conscience des malheurs de nos frères, nous pourrions sans doute nous lancer, tout de suite, dans une charité zélée, dans une activité énergique et organisée qui aide et soulage la personne, certes, donne bonne conscience aussi, mais qui risque, si elle ne trouve pas une source vitale pour l'abreuver, de nourriture pour l'entretenir, de s'essouffler ou de transformer cet élan du cœur en obligation morale, en contrainte ouvrant à la lassitude, étouffant l'énergie et la joie de servir.
Pas sans l'autre mais pas sans le tout Autre
Tout au long des évangiles, Jésus se retire pour prier, pour se poser en vérité dans ce que lui donne de vivre son Père, pour faire transparaître l'Esprit qui l'anime. Alors, nous même, ne devrions-nous pas dans un premier temps, nous mettre aussi en vérité sous le regard du Christ ? Ne suis-je pas un peu ce lépreux, isolé dans mon monde ? Il me faut m'approcher de Jésus, venir le rencontrer pour qu'il me guérisse, qu'il me donne sa force et sa compassion pour vivre en cohérence une seconde étape, celle qui me fait ressembler au Christ qui s'avance et rétablit la relation par une rencontre vraie et capitale pour chacun. Auprès de ce frère aîné, je vais puiser la volonté et l'énergie pour m'aider à transgresser les barrières des conventions, les préjugés, rejeter les exclusions quel qu'elles soient. De Lui, je reçois la vitalité et le souffle qui m'aident à faire connaître pour chasser les peurs, réinventer des chemins de dialogue, de considération et de respect. C'est lui qui me donne la force et l'audace de témoigner à la personne malade, seule de ma sollicitude, de mon attachement fraternel, de mon envie de partager ce moment car c'est important pour moi de la savoir heureuse.
Être avec l'autre…être vraiment présent, sans oublier de se reconnaître humble, se laisser habiter par l'Esprit pour s'approcher avec humilité de celui ou de celle qui attend qu'on le reconnaisse frère ou sœur, agir avec la personne rencontrée, pas pour elle, mais avec elle, dans l'amour fraternel, la joie et la charité du Christ, par l'Esprit qui habite chaque homme et qui fait avancer, pas après pas, sur notre chemin de fraternité.
Servir humblement dans le respect et la liberté de chacun, dans la charité et l'amour qui nous est donné de partager en brisant l'isolement par un acte d'amour, par un acte de foi et de confiance en l'homme qui est face à moi et en l'homme qui vit en moi, dans la vérité de l'Esprit que le Christ nous a laissé.

Patrick DOUEZ, Diacre permanent.
Pour le 12 Févier 2012

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