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6° dimanche du temps ordinaire


 Pour bien comprendre la scène que Marc nous présente dans l’Evangile aujourd’hui, il est essentiel d’avoir en mémoire le contexte social, juridique et religieux du peuple hébreu à l’époque de Jésus. C’est le précieux rappel que nous a fourni notre première lecture. Le Lévitique, fixe toutes les règles concernant la vie cultuelle des Israélites, mais aussi des règles en matière de santé publique ou de morale conjugale. Pour les cinq livres du Pentateuque que les Juifs appellent la Loi, ou la Tora, cette Loi est donnée par Dieu, pour fixer le cadre de l’Alliance. Dans un même recueil sont mêlées des règles de droit civil ou pénal, des règles de santé publique et des préceptes religieux. Malgré la dureté de la Loi concernant les lépreux, qui sont exclus, rejetés à l’extérieur du camp, on peut comprendre le souci collectif de se protéger de la contagion, d’une part, et la visée religieuse de préserver la pureté du peuple de Dieu qui était chargé de témoigner de la sainteté de Dieu au milieu des nations. Mais, ce qui est terrifiant, c’est qu’au temps de Jésus, on pouvait être exclu au nom même  de Dieu. Le lépreux est condamné à une mort sociale et économique ; il doit rester cloîtré dans le ghetto des lépreux en attendant la mort. Il est considéré comme déjà mort spirituellement puisque la lèpre est le signe de son péché. Souvenez-vous de l’histoire de Job que nous avons entendue dimanche dernier.
Dans ce contexte, on mesure mieux l’audace dont  fait preuve notre lépreux dont on ne connaît pas le nom (sa maladie lui sert d’identité). Mais lorsque l’on n’a plus rien à perdre, pourquoi ne pas jouer le tout pour le tout. C’est le raisonnement que tiennent aujourd’hui les migrants, ces lépreux des temps modernes, qui n’hésitent pas à transgresser les lois et à risquer leur vie sur des rafiots de fortune pour fuir une mort certaine dans leur pays d’origine. Face à eux, en toute bonne foi, nos sociétés modernes se protègent, des fois que nous soyons contaminés par leur pauvreté… et comme les lépreux, ils n’ont pas d’identité, pas de reconnaissance, puisqu’ils sont « Sans papiers ».
Le lépreux de l’Evangile manifeste sa foi en la sainteté de Jésus lorsqu’il tombe à ses genoux. On ne fléchit le genou que devant Dieu. « Si tu le veux, tu peux me purifier. » Il ne demande pas la guérison, mais la purification qui est au-delà de la guérison. .. Comme s’il pressentait que ce n’était pas seulement sa peau superficielle qui était atteinte, mais son cœur profond. Toutes les guérisons, dans l’Evangile, sont le signe d’une guérison intérieure, du pardon des péchés. Lorsque nous prions pour les grandes intentions du monde, pour la Paix, pour l’Unité des Chrétiens, ou pour la guérison de telle ou telle personne qui nous est chère, je ne suis pas certain que nous ayons la foi et l’humilité de ce lépreux qui reconnaît le péché comme l’origine du Mal.
Devant cette attitude de foi et d’humilité, Jésus est touché au fond de lui-même : « Pris de pitié » nous dit Marc, comme pour nous rappeler la miséricorde de Dieu. Devant la misère de l’homme, le cœur de Dieu se laisse attendrir comme celui d’une mère devant son enfant. C’est la signification profonde du mot miséricordieux que beaucoup de nos contemporains ne comprennent plus aujourd’hui. Mais alors qu’une simple parole aurait pu suffire pour purifier le lépreux, Jésus manifeste la miséricorde divine en touchant le lépreux. Avec une liberté et une audace qui n’appartiennent qu’à Dieu, il transgresse la lettre de la loi, pour rompre l’isolement et l’exclusion dans lequel était enfermé le malheureux. Dans nos communautés, par exemple, lorsque nous voulons souligner les liens fraternels qui nous unissent, nous joignons le geste à la parole, en nous donnant la main au moment du Notre Père. Devant une photo qui représentait une assemblée qui priait de cette façon, il y a quelques jours une infirmière nous disait combien dans son métier le toucher était un langage. Devant la souffrance, là où les mots sont impuissants, voire indécents, seul un geste peut exprimer la compassion, l’encouragement, la solidarité amicale.  Joindre le geste à la parole, à l’exemple du Christ, c’est l’attitude de l’Eglise lorsqu’elle célèbre les sacrements.
En touchant le lépreux, Jésus s’est rendu lui-même impur… « de sorte qu’il n‘était plus possible à Jésus d’entrer ouvertement dans une ville. » On comprend pourquoi il lui avait recommandé de n’en parler à personne. Mais c’était surtout pour qu’on ne se fasse pas une fausse idée sur sa personne. Au-delà du miracle qui nous est raconté aujourd’hui, nous assistons au début du combat incessant que Jésus a dû mener pour révéler le vrai visage de Dieu. En touchant le lépreux, Jésus scandalise les témoins de la scène, mais il nous révèle que dans sa Sainteté, loin d’exclure et d’être inaccessible, Dieu au contraire se fait proche. Non seulement, les malades sont guéris, mais ils sont « purifiés », au sens où ils deviennent amis de Dieu. « Va, tes péchés sont pardonnés. »
Si nous voulons ressembler à Dieu, être comme le Dieu qui « entend la plainte des captifs et libère les condamnés à mort », (Ps 101), il ne faut exclure personne, mais bien au contraire se faire proche de tous. Ressembler au Dieu Saint, ce n’est pas éviter le contact avec les autres, quels qu’ils soient, mais c’est développer nos capacités d’amour. C’est très exactement l’attitude de Jésus ici, vis-à-vis du lépreux. Et Paul nous invite tout simplement à imiter le Christ : « Prenez-moi pour modèle ; mon modèle à moi, c’est le Christ. »
Dix jours avant d’entrer en Carême, nous pouvons commencer à nous interroger sur les guérisons dont nous avons besoin pour lui ressembler. Et avec la même attitude de foi et d’humilité que le lépreux, venir nous prosterner devant lui dans le sacrement de réconciliation en lui demandant qu’il nous purifie, qu’il nous touche pour que nous redevenions amis de Dieu. Pour révéler le vrai visage de Dieu, Dieu de tendresse et d’amour, qu’il nous donne part à sa souveraine liberté, même si nous devons prendre avec lui le chemin de la Croix. Et que le pain Eucharistique que nous allons partager nous transforme à son image et nous donne le courage d’accueillir tous ceux qui souffrent, tous ceux qui crient vers lui, même si souvent nous sommes confrontés à notre impuissance.


Jean-Jacques BOURGOIS, diacre permanent.

La Bernerie & Les Moutiers
le 15 février 2009                                                                                                     



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