Quel
contraste entre l’éloignement
des lépreux et la proximité de Jésus ! Les lépreux sont
contraints par
la loi juive d’habiter à l’écart, hors du camp. Jésus, lui, se
laisse
approcher par un malade contagieux qui tombe à ses genoux en le
suppliant
!
Quel
contraste entre l’application
scrupuleuse de la loi par les prêtres juifs et l’accueil de
Jésus, à la
rencontre d’une personne qui souffre !
Quel
contraste entre la corruption
des corps rongés par la lèpre et la purification du lépreux
guéri par
Jésus !
Oui,
la Parole de Dieu nous parle
aujourd’hui de la santé du corps et de la reconnaissance sociale. Elle
nous
parle de notre aspiration à vivre dignement et de notre besoin
fondamental
d’être aimé.
Regardons
d’abord les lépreux touchés
par la maladie ou les
handicaps de toutes sortes.
Pendant
les quelque mille ans qui
séparent le livre des Lévites des rencontres de Jésus avec des lépreux,
la
situation de ces malades n’a pas changé. Contagieux et abîmés dans leurs
corps,
ils étaient exclus de la vie sociale. Ils vivaient entre eux avec des
vêtements
déchirés et des cheveux en désordre, sans domicile fixe et sans
ressources. Ils
devaient crier "Impur ! Impur !" pour annoncer leur présence. Certes,
aujourd’hui, la lèpre a pratiquement disparu, du moins sur notre
continent.
Mais la maladie a pris d’autres formes : cancer, sida, Covid,
dépression, bronchiolite... Et l’exclusion,
elle, est toujours bien présente. Elle frappe d’abord les pays pauvres,
les
migrants, les personnes seules, les gens de la rue… Beaucoup se sentent
exclus
de la société qui les ignore, les cache ou, carrément, les rejette. Je
pense
aussi aux enfants autistes que leur maladie tient souvent à distance,
parfois
même au sein de leur propre famille. Tout à l’heure nous entendrons le
témoignage d’Aurélie qui en dira un mot. (Hier soir, nous avons
entendu le
témoignage d’Aurélie qui nous en a dit un mot).
Pourtant,
par certains aspects, nous
pouvons nous reconnaître dans le lépreux de l’évangile. Conscient de son
état,
il vient vers Jésus avec sa demande : "Si tu le veux, tu peux me
purifier
! " Cette prière, je peux
la faire
mienne. Ou la formuler avec les mots du psalmiste : "Seigneur, que mon
cri
parvienne jusqu’à toi ! Viens vite, réponds-moi ! Mes jours s’en vont...
mon
cœur se dessèche... j’oublie de manger...
". Suis-je capable de reprendre cette prière lorsque
je suis moi-même en détresse
respiratoire spirituelle ?
Pour
Paul, toutes les activités
corporelles, même les plus basiques comme manger ou boire contribuent à
rendre
gloire de Dieu. L’essentiel est de ne pas être un contre-témoignage, ni
pour le
monde, ni pour l’Église. L’objectif de Paul , c’est d’imiter le Christ
venu
pour sauver la multitude des hommes. Il nous invite à en faire autant, à
suivre
son exemple dans l’imitation de Jésus...
Alors,
regardons de plus près
comment Jésus réagit face au lépreux qui vient à lui. Il ne marque
aucune
surprise ! Aucun geste de recul ! Au contraire, il nous dévoile un
nouvel
aspect de son visage, celui d’un homme qui, comme tout être humain,
éprouve des
sentiments. Il est saisi de de compassion. Avant de parler, il entame un
dialogue gestuel : il tend la main, il touche le corps malade. Puis il
dit :
"Je le veux, sois purifié". A l’instant même, dit Marc, la
lèpre quitta le malade qui fut ainsi purifié. En fait, par son geste,
Jésus a
pris sur lui l’impureté du lépreux. Il lui redonne un visage humain. Il
lui
rend sa dignité. Pourtant, la fermeté avec laquelle Jésus le renvoie
trahit
peut-être un léger agacement. A-t-il peur de n’être perçu que comme un
faiseur
de miracle et non comme le porteur d’un message de salut ? En tous cas,
il rend
à cet homme la liberté et la responsabilité de deux décisions à prendre
:
garder le silence et respecter le rituel prévu par la loi. On sait que
l’homme
n’a pas respecté la première. Il a largement répandu la nouvelle. La
situation
s’est renversée. Avant, c’était le lépreux qui était obligé de rester à
distance des gens. Maintenant c’est Jésus, qui est obligé de partir à
l’écart
des foules. En effet, de
partout, on
venait à lui...
Que
retenir de ce témoignage de Jésus
? Peut-être sa compassion pour les malades et les exclus. Que cette
compassion
inspire nos gestes d’assistance corporelle : donner à manger aux
affamés,
donner à boire à ceux qui ont soif, vêtir ceux qui sont nus, accueillir
les
étrangers, assister les malades, visiter les prisonniers, et ensevelir
les
morts. Que cette même compassion nous inspire des gestes d’assistance
spirituelle : accompagner ceux qui doutent, éclairer ceux qui cherchent,
consoler ceux qui pleurent, supporter patiemment ceux qui nous ennuient,
prier
Dieu pour les vivants et pour les morts.
Tous
ensemble, nous pouvons maintenant
nous tourner vers notre Père pour lui rendre grâce. Nous pouvons avancer
vers Jésus qui nous restaure à la table de
son corps. Nous pouvons écouter l’Esprit qui nous envoie
annoncer le
salut autour de nous, forts de la vitalité que nous allons
recevoir au
cours de cette eucharistie.
Hubert
PLOQUIN, diacre permanent
St Philippe et St Jacques de Sautron - St Léger d’Orvault – Ste Bernadette d’Orvault
11
février 2024