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Ac 9,26-31 - I Jn 3,18-24 - Jn 15,1-8
Lorsque Saint Jean écrit cet
épisode de l’enseignement de Jésus à ses disciples, la communauté
chrétienne, en cette fin du premier siècle, est à l’épreuve. C’est
d’abord l’épreuve de la grande persécution de l’empereur Domitien qui
rétablit le culte divin à l’empereur, période où Jean sera exilé sur
l’île de Patmos. C’est l’époque où juifs et chrétiens se séparent
définitivement. Vous serez exclus des synagogues, avait prévenu Jésus.
Ce sont ensuite des doutes profonds, chez certains chrétiens, sur la
nature même du Christ, sur son retour qui tarde. De nombreuses
dissensions se font jour. Jean, le dernier témoin oculaire de la
résurrection du Seigneur, puise dans sa mémoire pour partager avec sa
communauté cette parole du Christ sur la vigne, le vigneron et les
sarments, une parole d’un sens et d’une densité telles qu’elle traverse
le temps et nous rejoint aujourd’hui, dans cette église où nous
célébrons la résurrection du Seigneur en ce temps pascal.
Les disciples de Jésus
connaissaient bien cette image biblique de la vigne, puisqu’elle est
mentionnée plus de 100 fois dans l’Ancien Testament, notamment par le
prophète Isaïe. La vigne, c’était Israël, le peuple de Dieu. Ainsi,
entre la vigne et Dieu, il y a une forme d’extériorité. Dieu est le
maître ; et la vigne, objet de ses soins, reste un bien. Et voici que
Jésus affirme d’une manière étonnante : « Moi, je suis la vraie vigne
». Le Christ, vrai homme et vrai Dieu, est la vigne. Et chacune, chacun
d’entre nous est un sarment de cette vigne. Autrement dit, la nouveauté
extraordinaire que Jésus apporte, c’est que le Christ et nous-mêmes,
nous vivons de la même vie, de la même sève. Saint Paul révèle la même
réalité, dans un langage complémentaire, quand il dit que l’Église est
le Corps du Christ et que les chrétiens sont membres de son Corps. Il
n’y a plus d’extériorité. Le même sang, la même sève, la même vie,
irrigue un tout, et fait notre unité.
C’est pourquoi le verbe qui
habite cette page d’évangile est le verbe demeurer : « Celui qui
demeure en moi et en qui je demeure, celui-là porte beaucoup de fruit
». Nous retrouvons ici la clé de l’évangile de Jean : croire au Christ,
et en ses paroles, c’est avoir la Vie en son nom, et c’est porter du
fruit. Car les sarments vivent de la vie même de la vigne.
Peut-être cette parole peut-elle
nous travailler encore davantage… Nous avons tous un lien avec le
Christ, qui dépend de notre sensibilité, de notre vécu, de notre
éducation, de ce que nous avons reçu de nos aînés dans la foi. Nous
nous adressons à lui comme une personne extérieure à nous-mêmes, en
vis-à-vis et que nous confessons vivante dans notre foi. Mais il y a
davantage : nous constituons son Corps, nous sommes ses sarments, et
notre vie porte du fruit en vertu de ce rattachement. Voilà pourquoi le
Christ ajoute : « En dehors de moi, vous ne pouvez rien faire » et « Ce
qui fait la gloire de mon Père, c’est que vous portiez du fruit en
abondance ».
Alors cela pose une exigence
forte entre nous, une exigence diaconale : nous sommes de la même vigne
; nous ne sommes pas, ici dans cette église, juxtaposés les uns à côté
des autres. Nous sommes unis les uns aux autres par un lien organique,
vital, à la fois dans notre humanité, mais aussi dans notre condition
divine d’enfants de Dieu, et ceci pour toujours. Voilà pourquoi la
diaconie, le service du frère, que notre paroisse met en lumière ce
jour, n’est pas une assistance sociale supplémentaire, aussi noble
soit-elle : elle constitue notre être chrétien, elle fonde notre agir
chrétien.
Et cette unité des sarments dans
la même vigne se renouvelle à chaque eucharistie. L’unique Christ vient
nous visiter. L’unique Christ vient nous habiter. Bien sûr, après la
communion, nous prions pour nous-mêmes et pour nos proches. Mais prions
aussi pour tous ceux qui sont ici, présents autour de nous, dans notre
paroisse, car chacun est un sarment qui demeure dans la même vigne.
Oui, on peut accompagner du regard le ciboire qui retourne dans le
tabernacle, mais sans doute le Christ attend-il davantage, une fois
qu’il est en nous : que nous portions notre regard intérieur et aimant
vers chacun ici présent, puisque tous ceux qui l’ont reçu constituent
un « tabernacle vivant » dans lequel il demeure. Saint Hilaire de
Poitiers, au 4ème siècle, écrit « Tous, nous formons un seul être avec
le Christ, par ce que le Père est dans le Christ, et que le Christ est
en nous ».
Il y a encore davantage, et
peut-être plus difficile à entendre. À deux reprises, Jésus nous
enseigne que tout sarment qui est en lui et qui ne porte pas de fruit,
le Père l’enlève. Parole difficile ! Cette parole du Christ n’est bien
sûr pas orientée vers ceux qui n’ont plus la force de porter du fruit.
Souffrants, malades, exclus, handicapés, exilés … qui peut affirmer
d’ailleurs qu’ils ne portent pas du fruit, un fruit qu’on ne voit pas,
qu’on ne reconnaît pas, avec les critères du monde ?
Ne pas porter du fruit, c’est
oublier notre condition humaine et filiale, c’est nous enfermer dans le
dérisoire, c’est se dessécher volontairement. De nos jours, qui ne
mesure pas le vide infini que procure, au bout du compte, beaucoup de
situations ou d’objets de ce monde pour lesquels nous déployons tant
d’efforts et d’énergie ? N’est-ce pas déjà ici, à ce stade, que l’on
peut émonder le superflu, afin de garder le meilleur pour la vigne ?
Émonder signifier tailler en nous ce qui nous tout encombre, afin que
notre fruit donne davantage. Car si nous donnons le meilleur de notre
fruit, aussi petit soit-il en fonction de nos capacités, alors tous les
sarments en bénéficieront, et la vigne grandira encore.
L’essentiel, c’est de laisser
plus d’espace au Christ en nous, de laisser plus d’espace aux autres en
nous. Et pour cela, donnons déjà plus de disponibilité à nous-mêmes
pour le bien de tous et pour le bien de la vigne toute entière.
Christophe DONNET, diacre pemanent
Paroisse Saint Benoît, Diocèse de Saint-Etienne
29 Avril 2018
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