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5° dimanche de carême


    Traditionnellement, ce 5ème dimanche de carême est celui où l’Eglise propose au CCFD-Terre Solidaire de sensibiliser les chrétiens sur ses actions à destination des oubliés de nos sociétés, ici ou là-bas. Cette année, aux niveaux national, diocésain et paroissial, l’Eglise a choisi ce dimanche comme temps fort pour marquer la conclusion d’une première étape dans la démarche « Diaconia 2013 ; servons la fraternité ». Si le lien est assez facile à faire entre cette démarche « Diaconia » et le CCFD, il paraît moins évident d’y trouver la place des textes d’aujourd’hui. Regardons-les tout de même ensemble de plus près.

     Ces textes nous parlent d’alliance, d’obéissance, de gloire : « Voici quelle sera l’Alliance que je conclurai avec la maison d’Israël, déclare le Seigneur. Je mettrai ma loi au plus profond d’eux-mêmes ; je l’inscrirai dans leur cœur » nous dit la première lecture, extraite du livre de Jérémie. De quelle loi s’agit-il ? Jésus nous le montrera tout au long des quatre évangiles, il s’agit bien évidemment d’une loi où l’amour est premier. Quand le prophète Jérémie annonce une nouvelle Alliance, il annonce ce que Jésus va réaliser par sa venue, par ses actes, par ses paroles, par sa vie. Il s’agit de mettre en pratique la Loi donnée par Dieu, non pas en suivant des préceptes rituels, comme extérieurs à nous-mêmes, mais en vivant la charité – c’est à dire l’amour de Dieu et l’amour fraternel – à cause de l’amour qui est au plus profond de nous-mêmes. « Je l’inscrirai dans leur cœur » nous dit le Seigneur par la bouche de Jérémie. Pas « dans leur tête, pour qu’ils connaissent bien comme il faut toutes les lois, les pratiques, les rites obligatoires », mais « je l’inscrirai dans leur cœur » ! Dès lors, il ne s’agit plus d’obéir à de multiples commandements, plus ou moins contraignants et essentiellement matériels. Il s’agit d’obéir au mouvement d’amour qui est donné à chacun de nous depuis notre baptême.

     « Le Christ [...], bien qu’il soit le Fils, a pourtant appris l’obéissance » nous dit la lettre aux Hébreux. Cette obéissance, l’obéissance du Christ, et qui doit être aussi la nôtre, ce n’est pas autre chose que la libération en actes de l’amour qui anime notre être et que Dieu a « inscrit dans notre cœur ». L’Alliance entre Dieu et l’homme, que Jésus vient renouveler, consiste à reconnaître en nous ce don de Dieu, non-pas don pour nous-même, pour notre propre satisfaction ou notre propre gloire, mais don pour le bien commun, pour le service de la communauté des hommes, c’est-à-dire, en définitive, pour la gloire de Dieu ! Car, comme l’a dit St Irénée, « la gloire de Dieu, c’est l’homme vivant ; la gloire de Dieu, c’est l’homme debout ». Quand Jésus s’écrie « Père, glorifie ton nom ! » et que son Père lui répond « Je l’ai glorifié, et je le glorifierai encore » de quoi parlent-ils ? il s’agit de montrer aux hommes jusqu’où est capable d’aller la grandeur de l’amour de Dieu : jusqu’au don de sa propre vie, pour sauver l’humanité tout entière. « Servir la fraternité », c’est participer à ce mouvement.
Alors, nous qui avons écrit un témoignage dans le « livre des fragilités » ou dans le « livre des merveilles » ; même si nous n’en sommes pas pleinement conscients, nous participons à faire connaître la gloire de Dieu. Nous répondons à la demande de Jésus « Père, glorifie ton nom ! ».

     Lors des rencontres d’échange et de réflexion qui ont eu lieu il y a quelques semaines sur la paroisse, dans le cadre de Diaconia 2013, nous avons pu échanger en petits groupes. Une personne, très engagée dans une association, aux côtés d’autres bénévoles non-chrétiens, disait : « que nous soyons chrétiens ou non, ça ne fait pas de différence, puisque nous agissons ensemble dans le même but ». Je crois que cette vision, pour humaniste et généreuse qu’elle soit, n’est pas complètement exacte. Il demeure une différence qui est de taille : Si un chrétien agit au nom de sa foi, il participe à la manifestation de la gloire de Dieu. En intervenant en faveur d’un plus pauvre, en se portant au secours d’une personne vulnérable, c’est Dieu lui-même que ce chrétien apporte à son frère. Servir un frère, au-delà du mieux-être que l’on peut lui procurer, c’est permettre à Dieu d’atteindre ce frère. C’est faire la volonté de Dieu, puisque Dieu veut se révéler à tous, veut le bonheur de tous. Servir la fraternité, servir ses frères, c’est contribuer à accomplir la prière de Jésus « Père, glorifie ton nom ! » ; c’est mettre en acte notre propre prière « que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne, que ta volonté soit faite ! ».
Cette vision différente, elle peut se donner à voir à travers la vie même de chrétiens célèbres qui sont pour nous des modèles de charité fraternelle. Mère Teresa, l’Abbé Pierre, Sœur Emmanuelle, St Vincent de Paul et tant d’autres étaient aussi, on le sait sans doute moins, de grands priants. La vie de prière, l’adoration eucharistique même, tenaient une place très importante dans leur vie. Cette vie spirituelle très profonde leur était nécessaire, indispensable. C’était leur carburant. Pour accomplir des œuvres surhumaines, il faut un carburant surhumain. Comme eux, pour apporter Dieu à nos frères, ce qui est la première mission de tout chrétien, il nous faut d’abord le recevoir. On ne peut pas donner ce qu’on n’a pas reçu ; et comment le recevoir si on se coupe de la source ? Si on pense se suffire à soi-même sans faire appel à Celui qui donne tout ?

     Mais alors, tous ces non-chrétiens qui s’engagent eux aussi auprès des plus pauvres, d’où leur vient donc cette bonté qui les met en marche ? Ils n’en ont bien-sûr pas conscience, mais c’est bel et bien aussi de Dieu, car son Esprit Saint peut agir même dans les cœurs qui ignorent Dieu. Et ce pauvre qui bénéficie de la bonté d’un bénévole incroyant peut tout de même y voir l’action de Dieu, peut y trouver Dieu et la joie de son salut. Toute bonté vient de Dieu, et de Dieu seul. Le chrétien le sait, l’incroyant ne le sait pas.

     Inversement, comment considérer une vie spirituelle intense, faite de temps d’adoration, d’oraison, de prière fréquente, qui resterait tournée seulement vers soi ? Si l’adoration, la prière, reste un dialogue privé entre Dieu et moi et n’a pas de conséquences sur ma relation aux autres, sur mon engagement concret auprès de mes frères, alors ma relation à Dieu est faussée, détournée de son sens, pervertie, comme le serait l’amour d’un couple qui refuserait sciemment de donner la vie pour mieux rester entre soi (attitude si grave qu’elle rendrait nul aux yeux de l’Eglise un éventuel mariage).

     « Crée en moi un cœur pur, ô mon Dieu » ; « rends-moi la joie d’être sauvé » avons-nous chanté dans le psaume. Comme le psalmiste, demandons à Dieu qu’il purifie nos cœurs ; Ainsi nous saurons « Servir la fraternité » et nous connaîtrons la joie d’être sauvés, la joie de permettre à ceux que nous servons de connaître, eux aussi, la joie que Dieu donne par son salut, la joie qu’il désire donner à tous.

     Amen !

Daniel BICHET, diacre permanent
Gétigné et Clisson, le 25 mars 2012


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