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Le bon Berger.
Le berger, le pasteur, image récurrente dans la bible, maintes fois
rapportée. D'Abel à Moïse devant le buisson ardent, de Joseph à David
enfant, tous ont été à un moment de leur vie berger et combien de fois,
dans les psaumes, entendons-nous un Seigneur berger du troupeau. Et
puis, quelles sont les premières personnes interpellées pour venir
rencontrer Jésus nouveau né ? Des bergers! Nous avons aujourd'hui une
vision douce, idéalisée, idyllique même, du berger : homme paisible et
sûr, posant sur ses épaules l'agneau faible et fragile, portant une
attention sensible à toutes ses bêtes…sans aucun doute une résurgence
du berger dont Jésus nous parle et que les évangiles s'empressent de
rapporter.
Et pourtant, du temps de Jésus, les bergers étaient assez mal vus, leur
parole comptait si peu qu'en retour ils ne la respectaient que
rarement, des marginaux vivant trop souvent avec des bêtes, loin des
hommes et de leurs villes, souvent des mercenaires, rétribués pour un
travail dénigré, sans implication ni investissement de leur part.
Jésus montre qu'il n'est pas ce mercenaire, il est le berger, le
pasteur bon et connu de ses brebis qui le reconnaissent par sa parole
parce qu'il dit vrai, celui qui va jusqu'au bout de son engagement,
jusqu'à offrir sa vie pour ses brebis en dévoilant, au passage, la
vraie dimension de l'amour qu'il a pour les hommes. Amour reçu de son
Père qu'il redonne à tous les hommes, ses frères, pour le partager.
Propension de Jésus d'être ce qu'il vit et de vivre ce qu'il est :
l'amour offert au monde. Comme un bon berger se met entre le loup et
ses brebis, Jésus donne sa vie pour que chacun vive sa vie de fils de
Dieu. Il nous fait donc fils. Même si ce n'est pas encore très clair
nous dit St Jean, c'est une réalité qui s'approche dans la foi et dans
le Mystère de l'amour insondable d'un Père.
Nous n'avons sans doute jamais fini de redécouvrir le sacrement qui
nous fait fils, qui nous fait frères dans cette fraternité en Christ :
notre baptême. Dans la prière de consécration du Saint Chrême,
l'évêque, adressant la prière au Père dit : "tes enfants, renés dans
l'eau, sont fortifiés par l'onction du saint Chrême et rendus
semblables au Christ, Ils participent à sa fonction sacerdotale,
prophétique et royale…", prêtre, prophète et roi…mais où est le berger
direz-vous ? Ce qu'il faut d'abord entendre c'est que nous sommes
rendus semblables au Christ et c'est dans toutes ses dimensions que
nous sommes appelés à lui être semblables, lui qui se dit Bon Berger!
Alors, comment ne pas se poser cette question : ne sommes-nous pas
appelés à vivre, comme Jésus, la mission du berger, comme lui, celle du
pasteur qui guide et rassemble ?
Même si le motu proprio de notre pape nous rappelle que le diacre n'est
pas ordonné Christ Tête mais Christ Serviteur, que nous soyons homme ou
femme ou épouse ou époux ou père ou mère, nous sommes tous acteurs au
milieu du monde : engagés dans notre famille, notre travail, notre
paroisse ou notre vie associative. Au titre de notre baptême, qui nous
rend semblables au Christ, nous sommes appelés à vivre notre fraternité
dans la conformité au Christ que nous imageons par notre être et ce,
dans toute sa charge ! Dans l'amour pour notre Père qu'il glorifie,
dans la charité et la compassion qui le caractérisent, dans la paix et
la joie que le ressuscité nous partage, dans la prière et le service du
frère rappelés avec tant de force et d'intensité chaque semaine sainte
et dans les missions du berger qu'il a magnifié.
Loin d'être le seul pasteur du seul troupeau, je peux néanmoins, être
un petit pâtre, celui qui travaille pour et avec le bon pasteur, celui
qui, par mes humbles et simples actions, contribue au Royaume, assiste,
avec mes frêles limites et l'aide de la prière, le seul pasteur pour
regrouper toutes ses brebis en un seul troupeau. Être un petit pâtre
fidèle à la Parole, honnête et sincère, pas un mercenaire qui n'agit
que dans son intérêt, ni un sectaire qui agit pour une utopie qui
l'aveugle et ne lui permet plus de voir ni de vivre la Bonne Nouvelle,
mais un petit pâtre qui vit dans la vérité du message du bon berger qui
m'envoie vers mes frères pour que j'agisse avec l'Esprit qui anime
l'évangile, dans la joie de l'Espérance et dans la foi en ce Dieu
attentionné qui va jusqu'à offrir sa vie pour que l'homme en vive!
Berger comme Jésus? Et pourquoi pas en accompagnant mon frère en
humanité pour l'aider à se frayer un chemin dans les vicissitudes de la
vie, faire ce chemin ensemble et découvrir que l'accompagnement dans la
simplicité et l'humilité apporte la joie à chacun, à lui, à moi et à
notre Père.
En faisant découvrir à nos enfants, à mes amis, mes voisins, à tous
ceux qui me sont confiés par la chair, par le cœur, par la vie en
société, ou même par la loi, qu'il existe une joie de croire en un Dieu
et Père, qui offre à chaque instant son amour comme il a offert son
fils en preuve de cet amour. Un père aimant qui offre sa vie à qui le
lui demande en vérité par grâce, miséricorde et dans les sacrements.
En contribuant au partage de la Parole, en l'éclairant et en la vivant en pleine lumière.
Mais ne nous trompons pas, il n'y aura jamais qu'un seul vrai berger,
qu'un seul bon pasteur! Celui qui nous connaît, chacun personnellement,
qui sait notre nom, qui nous aime tel que nous sommes et qui aime
chacun de nous d'une façon unique et entière. Un seul berger que nous
reconnaissons quand il nous parle : dans les évangiles, dans la prière,
dans la rencontre avec l'autre par les liens d'amour fraternel qui se
tissent quand on est en vérité et qui rendent joyeux, soulagent et
sauvent. Le seul qui passe par la porte mais qui est aussi cette porte
par la quelle nous avons à passer car c'est lui qui nous invite, sans
cesse, à passer par lui pour vivre de sa vie.
C'est dans l'ordinaire de nos actes et de nos paroles en cohérence avec
notre vie et notre foi, sous le regard de Dieu, dans la modestie et
l'obéissance du serviteur que nous répondrons à la mission que nous
avons à vivre dans la joie, nous, enfants de ce Père aimant, qui
espérons rejoindre les autres brebis en s'aidant mutuellement pour que
les troupeaux se rejoignent et qu'advienne le Royaume.
Patrick DOUEZ
29 avril 2012
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