«
En ces jours-là, après une grande détresse, le soleil s’obscurcira et
la lune ne donnera plus sa clarté ; les étoiles tomberont du ciel, et
les
puissances célestes seront ébranlées.» : voilà bien une
parole qui
glace ! La grande finale de l'humanité, telle que Marc nous la rapporte
dans un
style apocalyptique, est présentée comme un passage difficile et aussi
très
surprenant car inattendu : « Quant
à
ce jour et à cette heure-là, nul ne les connaît, pas même les anges
dans le
ciel, pas même le Fils, mais seulement le Père. » ; nous
sommes donc invités à veiller et à prier
car personne ne pourra dire « C'est le moment ! »
Tel
est le jour du
Seigneur annoncé par les Écritures ! Mais alors frères & sœurs, en
quoi cet
évangile peut-il être Bonne Nouvelle pour nous aujourd’hui ? Assurément,
parce
que nous, chrétiens, affirmons que ce jour est déjà là : il a débuté le soir du Vendredi Saint
quand le jour s'est obscurci et il s'est réalisé, plus visiblement, à
la résurrection, quand le
mal et la mort ont été vaincus ;
c’est ce que nous célébrons à chaque eucharistie.
Il
n’empêche que notre
marche vers Dieu s’incarne aussi à travers les
épreuves
de notre vie et celles du monde.
Derrière les épreuves dont on nous parle souvent : la maladie, le
chômage, les violences, les guerres,
se
cachent des détresses insoupçonnées dont on parle moins, comme par
exemple : la
précarité de la vie ou les drames du déracinement, de l'abandon et de la
solitude... Nous ne pouvons
rejoindre le
Christ, accueillir sa venue parmi nous, sans prendre en compte ces détresses, pour les combattre ou pour les
soulager.
Devant
ces détresses,
nous pourrions être tentés de désespérer ; mais pour Jésus, ces temps d'épreuves de la vie ne sont jamais une fin,
c'est plutôt le commencement
d'une ère
nouvelle. Pour nous aider à comprendre sa pensée, il nous propose
une image
suggestive qui pourrait être une consigne de vie pour des temps
difficiles : « Regardez le
figuier, dès que ses branches
deviennent tendres et que sortent les feuilles, vous savez que l’été
est
proche. De même, vous aussi, lorsque vous verrez arriver cela, sachez
que le
Fils de l’homme est proche, à votre porte.» La voilà la Bonne Nouvelle : c'est cette grande espérance que la souffrance
et la mort n'auront jamais le dernier mot, et c’est ce
qu’annonçait déjà le
psalmiste : « Seigneur,
de toi
dépend mon sort... Je garde le Seigneur devant moi sans relâche ; il
est à ma
droite : je suis inébranlable. Mon cœur exulte, mon âme est en fête,
ma chair
elle-même repose en confiance : tu ne peux m’abandonner à la mort ni
laisser
ton ami voir la corruption. Tu m’apprends le chemin de la vie : devant
ta face,
débordement de joie ! À ta droite, éternité de délices ! »
Puissions-nous
en être
convaincus F&S : toute notre histoire, avec ses horreurs et ses
péchés, ses calamités et ses persécutions, ne conduit pas à la
catastrophe,
elle s'achemine, en dépit des apparences, vers le triomphe de l'Amour !
Et
si vous en doutez
encore, je vous invite à vous
tourner
vers nos frères et sœurs qui vivent la détresse et la pauvreté, à
les
accueillir, les écouter, les considérer, car en dépit de ce qu’ils
vivent, ils nous témoignent leur
foi et leur
espérance comme personne d’autre. C’est ce à quoi nous invite
spécialement
notre Pape François en cette 8ème Journée Mondiale du Pauvre
qu’il a
placée sous le signe de la sagesse de Ben Sira
(Si 21, 5) : « La prière du
pauvre
va droit de ses lèvres aux oreilles de Dieu ». Cette journée
s’inscrit au
cœur de cette année 2024 consacrée à la prière pour que notre oraison «
devienne (je le cite)
un chemin de communion avec les pauvres et
de partage de leurs souffrances ». En France, cet événement
coïncide à
nouveau en 2024 avec la Journée
du
Secours Catholique.
Dans
son message pour
l’occasion, notre Pape François nous lance une invitation et un
défi
dont nous n’avons pas l’habitude. Une invitation : nous laisser inspirer par la prière de celles et ceux qui connaissent
la précarité. Nous pourrions penser que les plus pauvres ont
besoin
seulement d’alimentation, de logement ou de droits : alors, la prière
paraîtrait
bien loin de tout cela. Pourtant, comme l’écrit François, la prière des
pauvres, qui « rament à
contre-courant
», renvoie à « ce qui est
essentiel à la
vie ». Leur prière
constitue un
ressort puissant pour ne pas se laisser anéantir par les galères,
les
violences, l’exclusion.
En
cheminant avec des
personnes qui connaissent la précarité, voire la misère, je découvre que
la prière est, pour beaucoup
d’entre elles,
une nécessité. Parfois même, certaines disent qu’elles ont du mal
à croire
en Dieu au milieu des malheurs qui s’abattent sur elles. Et, pourtant,
elles
témoignent qu’elles continuent à prier, à appeler Dieu, à lui confier
leur
destin.
À
leur école, nous retrouvons
la conviction que la prière n’est pas un luxe, mais plutôt ce fil
invisible qui relie à Dieu dans les
jours d’épreuve et d’incertitude et qui devient un chant, une louange,
les
jours de joie et d’espérance. Je vous propose quelques paroles
recueillies au
sein de groupes d’expression animés par des bénévoles du Secours
Catholique : « Vivre, c’est
plus
difficile que de mourir. Tu es obligée de te battre, d’être
courageuse, c’est
un combat de chaque jour pour être bien. C’est facile de dire :
“Allez, hop, je
meurs, débrouillez-vous.” Parfois, j’ai l’impression que Dieu ne
soutient pas
ma vie. » « Je crie, je
gueule après
Dieu. Des fois, il n’entend pas. C’est souvent que je me sens oubliée,
je ne
sais plus comment l’appeler. » « Ceux
qui
n’ont pas la foi, comment font-ils pour vivre ? Je l’ai laissée tomber
un
an, c’était dur. J’en voulais à tout le monde, j’en voulais à Dieu. »
« Dieu veut qu’on vive, il donne
une parole de
vie. » « Dieu donne la
patience pour
que ma fille continue à avancer et moi à pardonner : je prends des
coups, mais
je ne réponds pas par des coups ; elle me dit qu’elle veut que je
crève, je
réponds en disant que je veux qu’elle vive. » « Nous sommes fiers d’être debout pour nous battre dans notre vie
difficile. Les épreuves nous rendent plus forts. Notre foi devient de
plus en
plus profonde. Si nous ne résistons pas dans les épreuves, nous ne
pouvons pas
espérer. La fierté est produite par une espérance qui est le fruit des
détresses traversées. L’espérance éloigne la honte, l’espérance fait
place à la
lumière, à la paix. La détresse, la persévérance et la résistance
retracent
toutes nos vies, comme la vie du Christ. Ce qui nous conduit jusqu’à
l’espérance, c’est de regarder toute notre vie à la lumière de la mort
et de la
résurrection de Jésus. »
Ces
paroles nous rendent
humbles et petits : « Il renverse
les
puissants de leurs trônes, il élève les humbles » s’exclamait
Marie dans
son Magnificat (Lc 1, 52) ; en effet, l’humilité
engendre
la confiance que Dieu ne nous abandonnera jamais.
Tout
cela ne nous
éloigne pas de la lutte contre la misère et de l’engagement le plus
concret. Au
contraire, nous laisser inspirer par la prière de personnes qui
traversent tant
de galères, c’est apprendre à respirer à leur rythme, à regarder vers le
même horizon
qu’elles et, finalement, à marcher plus près d’elles. C’est pourquoi le
pape
François nous lance également un
immense
défi : « Donner une
voix
à la réponse de Dieu. » Autrement dit, il
nous
revient d’incarner la réponse de Dieu à la prière des pauvres. Car
Dieu répond à travers nous : en nous asseyant à leur table pour les
écouter,
les accompagner et en faire nos amis grâce à notre attention, notre
regard, nos
voix, nos efforts, nos trésors de créativité…
Pour notre communauté de St Matthieu sur Loire,
cette journée est un
véritable rendez-vous ecclésial pour nous redire combien les personnes pauvres et démunies y ont toute leur place, au même
titre que nous, et pas seulement une journée, mais au quotidien. Il
s’agit donc
bien d’un appel à cheminer avec
elles,
et aussi à reconnaître et soutenir les nombreux bénévoles qui se
consacrent
avec passion et dévouement pour venir en aide aux plus démunis, et spécialement
aujourd’hui, celles et ceux du
Secours Catholique.
Pour
cette occasion, des
enveloppes-dons sont à votre disposition aux portes de l’église ; en
complément, la quête de ce dimanche sera reversée au Secours Catholique.
Vos
dons serviront à financer les
actions
auprès des personnes que nous secourons et accompagnons
quotidiennement : plus
de 1 000 bénévoles engagés auprès de 10 000 personnes sur
notre
diocèse, en partenariat étroit
avec les
services sociaux, les institutions et d’autres associations.
Si
vous souhaitez en
découvrir plus ou vous engager dans un
bénévolat
qui a du sens, je suis à votre disposition ; les pauvres nous attendent, nous sommes la réponse de Dieu, le Secours
Catholique est un moyen : rejoignez-nous ! D’avance je vous
remercie de
votre générosité, de votre intérêt et de votre prière, pour les pauvres
et pour
les bénévoles.
Oui
F&S, nous sommes
appelés à développer chaque jour, nos réflexes de foi pour reconnaître le Christ partout où il se trouve : rencontrons-le par
la prière quotidienne, reconnaissons-le dans les personnes que nous
croisons...
Ce qui est définitif, c'est le verre d'eau donné, le morceau de pain
partagé,
le réconfort apporté au malade, le temps consacré à l'enfant qui pleure,
l'aumône
faite dans le secret, la présence aux autres, l'accueil de l'étranger,
le
pardon et aussi la prière… « Chaque
fois
que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à
moi
que vous l’avez fait. » (Mt 25,40). En un mot : et
si on essayait ! Tout
ce que nous accomplissons par amour
nous achemine directement vers l'entrée dans la joie éternelle.
Amen.
Patrick JAVANAUD, diacre permanent
17 novembre 2024