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33° dimanche ordinaire

Dn 12, 1-3 ; Ps15, 5.8, 9-10, 1b.11 ; He 10, 11-14 ; Mc 13, 24-32

 

« En ces jours-là, après une grande détresse, le soleil s’obscurcira et la lune ne donnera plus sa clarté ; les étoiles tomberont du ciel, et les puissances célestes seront ébranlées.» : voilà bien une parole qui glace ! La grande finale de l'humanité, telle que Marc nous la rapporte dans un style apocalyptique, est présentée comme un passage difficile et aussi très surprenant car inattendu : « Quant à ce jour et à cette heure-là, nul ne les connaît, pas même les anges dans le ciel, pas même le Fils, mais seulement le Père. » ; nous sommes donc invités à veiller et à prier car personne ne pourra dire « C'est le moment ! »

Tel est le jour du Seigneur annoncé par les Écritures ! Mais alors frères & sœurs, en quoi cet évangile peut-il être Bonne Nouvelle pour nous aujourd’hui ?  Assurément, parce que nous, chrétiens, affirmons que ce jour est déjà là : il a débuté le soir du Vendredi Saint quand le jour s'est obscurci et il s'est réalisé, plus visiblement, à la résurrection, quand le mal et la mort ont été vaincus ; c’est ce que nous célébrons à chaque eucharistie.

Il n’empêche que notre marche vers Dieu s’incarne aussi à travers les épreuves de notre vie et celles du monde.  Derrière les épreuves dont on nous parle souvent : la maladie, le chômage, les violences, les  guerres, se cachent des détresses insoupçonnées dont on parle moins, comme par exemple : la précarité de la vie ou les drames du déracinement, de l'abandon et de la solitude... Nous  ne pouvons rejoindre le Christ, accueillir sa venue parmi nous, sans prendre en compte ces détresses, pour les combattre ou pour les soulager.

Devant ces détresses, nous pourrions être tentés de désespérer ; mais pour Jésus, ces temps d'épreuves de la vie ne sont jamais une fin, c'est plutôt le commencement d'une ère nouvelle. Pour nous aider à comprendre sa pensée, il nous propose une image suggestive qui pourrait être une consigne de vie pour des temps difficiles : « Regardez le figuier, dès que ses branches deviennent tendres et que sortent les feuilles, vous savez que l’été est proche. De même, vous aussi, lorsque vous verrez arriver cela, sachez que le Fils de l’homme est proche, à votre porte.» La voilà la Bonne Nouvelle : c'est cette grande espérance que la souffrance et la mort n'auront jamais le dernier mot, et c’est ce qu’annonçait déjà le psalmiste : « Seigneur, de toi dépend mon sort... Je garde le Seigneur devant moi sans relâche ; il est à ma droite : je suis inébranlable. Mon cœur exulte, mon âme est en fête, ma chair elle-même repose en confiance : tu ne peux m’abandonner à la mort ni laisser ton ami voir la corruption. Tu m’apprends le chemin de la vie : devant ta face, débordement de joie ! À ta droite, éternité de délices ! »

Puissions-nous en être convaincus F&S : toute notre histoire, avec ses horreurs et ses péchés, ses calamités et ses persécutions, ne conduit pas à la catastrophe, elle s'achemine, en dépit des apparences, vers le triomphe de l'Amour !

Et si vous en doutez encore, je vous invite à vous tourner vers nos frères et sœurs qui vivent la détresse et la pauvreté, à les accueillir, les écouter, les considérer, car en dépit de ce qu’ils vivent, ils nous témoignent leur foi et leur espérance comme personne d’autre. C’est ce à quoi nous invite spécialement notre Pape François en cette 8ème Journée Mondiale du Pauvre qu’il a placée sous le signe de la sagesse de Ben Sira
(Si 21, 5) : « La prière du pauvre va droit de ses lèvres aux oreilles de Dieu ». Cette journée s’inscrit au cœur de cette année 2024 consacrée à la prière pour que notre oraison « devienne (je le cite) un chemin de communion avec les pauvres et de partage de leurs souffrances ». En France, cet événement coïncide à nouveau en 2024 avec la Journée du Secours Catholique.

Dans son message pour l’occasion, notre Pape François nous lance une invitation et un défi dont nous n’avons pas l’habitude. Une invitation : nous laisser inspirer par la prière de celles et ceux qui connaissent la précarité. Nous pourrions penser que les plus pauvres ont besoin seulement d’alimentation, de logement ou de droits : alors, la prière paraîtrait bien loin de tout cela. Pourtant, comme l’écrit François, la prière des pauvres, qui « rament à contre-courant », renvoie à « ce qui est essentiel à la vie ». Leur prière constitue un ressort puissant pour ne pas se laisser anéantir par les galères, les violences, l’exclusion.

En cheminant avec des personnes qui connaissent la précarité, voire la misère, je découvre que la prière est, pour beaucoup d’entre elles, une nécessité. Parfois même, certaines disent qu’elles ont du mal à croire en Dieu au milieu des malheurs qui s’abattent sur elles. Et, pourtant, elles témoignent qu’elles continuent à prier, à appeler Dieu, à lui confier leur destin.

À leur école, nous retrouvons la conviction que la prière n’est pas un luxe, mais plutôt ce fil invisible qui relie à Dieu dans les jours d’épreuve et d’incertitude et qui devient un chant, une louange, les jours de joie et d’espérance. Je vous propose quelques paroles recueillies au sein de groupes d’expression animés par des bénévoles du Secours Catholique : « Vivre, c’est plus difficile que de mourir. Tu es obligée de te battre, d’être courageuse, c’est un combat de chaque jour pour être bien. C’est facile de dire : “Allez, hop, je meurs, débrouillez-vous.” Parfois, j’ai l’impression que Dieu ne soutient pas ma vie. » « Je crie, je gueule après Dieu. Des fois, il n’entend pas. C’est souvent que je me sens oubliée, je ne sais plus comment l’appeler. » « Ceux qui n’ont pas la foi, comment font-ils pour vivre ? Je l’ai laissée tomber un an, c’était dur. J’en voulais à tout le monde, j’en voulais à Dieu. » « Dieu veut qu’on vive, il donne une parole de vie. » « Dieu donne la patience pour que ma fille continue à avancer et moi à pardonner : je prends des coups, mais je ne réponds pas par des coups ; elle me dit qu’elle veut que je crève, je réponds en disant que je veux qu’elle vive. » « Nous sommes fiers d’être debout pour nous battre dans notre vie difficile. Les épreuves nous rendent plus forts. Notre foi devient de plus en plus profonde. Si nous ne résistons pas dans les épreuves, nous ne pouvons pas espérer. La fierté est produite par une espérance qui est le fruit des détresses traversées. L’espérance éloigne la honte, l’espérance fait place à la lumière, à la paix. La détresse, la persévérance et la résistance retracent toutes nos vies, comme la vie du Christ. Ce qui nous conduit jusqu’à l’espérance, c’est de regarder toute notre vie à la lumière de la mort et de la résurrection de Jésus. »

Ces paroles nous rendent humbles et petits : « Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles » s’exclamait Marie dans son Magnificat (Lc 1, 52) ; en effet, l’humilité engendre la confiance que Dieu ne nous abandonnera jamais.

Tout cela ne nous éloigne pas de la lutte contre la misère et de l’engagement le plus concret. Au contraire, nous laisser inspirer par la prière de personnes qui traversent tant de galères, c’est apprendre à respirer à leur rythme, à regarder vers le même horizon qu’elles et, finalement, à marcher plus près d’elles. C’est pourquoi le pape François nous lance également un immense défi : « Donner une voix à la réponse de Dieu. » Autrement dit, il nous revient d’incarner la réponse de Dieu à la prière des pauvres. Car Dieu répond à travers nous : en nous asseyant à leur table pour les écouter, les accompagner et en faire nos amis grâce à notre attention, notre regard, nos voix, nos efforts, nos trésors de créativité…

Pour notre communauté de St Matthieu sur Loire, cette journée est un véritable rendez-vous ecclésial pour nous redire combien les personnes pauvres et démunies y ont toute leur place, au même titre que nous, et pas seulement une journée, mais au quotidien. Il s’agit donc bien d’un appel à cheminer avec elles, et aussi à reconnaître et soutenir les nombreux bénévoles qui se consacrent avec passion et dévouement pour venir en aide aux plus démunis, et spécialement aujourd’hui, celles et ceux du Secours Catholique.

Pour cette occasion, des enveloppes-dons sont à votre disposition aux portes de l’église ; en complément, la quête de ce dimanche sera reversée au Secours Catholique. Vos dons serviront à financer les actions auprès des personnes que nous secourons et accompagnons quotidiennement : plus de 1 000 bénévoles engagés auprès de 10 000 personnes sur notre diocèse, en partenariat étroit avec les services sociaux, les institutions et d’autres associations.

Si vous souhaitez en découvrir plus ou vous engager dans un bénévolat qui a du sens, je suis à votre disposition ; les pauvres nous attendent, nous sommes la réponse de Dieu, le Secours Catholique est un moyen : rejoignez-nous ! D’avance je vous remercie de votre générosité, de votre intérêt et de votre prière, pour les pauvres et pour les bénévoles.

Oui F&S, nous sommes appelés à développer chaque jour, nos réflexes de foi pour reconnaître le Christ partout où il se trouve : rencontrons-le par la prière quotidienne, reconnaissons-le dans les personnes que nous croisons... Ce qui est définitif, c'est le verre d'eau donné, le morceau de pain partagé, le réconfort apporté au malade, le temps consacré à l'enfant qui pleure, l'aumône faite dans le secret, la présence aux autres, l'accueil de l'étranger, le pardon et aussi la prière… « Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. » (Mt 25,40). En un mot : et si on essayait ! Tout ce que nous accomplissons par amour nous achemine directement vers l'entrée dans la joie éternelle.                  

Amen.

 

Patrick JAVANAUD, diacre permanent

17 novembre 2024




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