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Dt 6, 2-6 ; Ps 118 ; He 7, 23-28 ; Mc 12, 28b-34
« Quel est le premier de tous les
commandements ? » demande à Jésus ce scribe, ce grand connaisseur de
l’Ecriture. Je ne sais pas si, comme moi, vous avez appris les dix
commandements au catéchisme, mais en tout cas si vous aviez répondu
comme Jésus, vous auriez eu tout faux ! Et moi aussi ! Ce que l’on a
traduit par « les dix commandements » constitue le « décalogue »,
littéralement « les dix paroles ». On trouve ce décalogue écrit presque
identiquement dans deux livres de la Bible : le livre de l’Exode, au
chapitre 20, et le livre du Deutéronome, au chapitre 5. Que dit ce
décalogue ? Quels sont ces dix commandements ? Celui qui vient en
premier dit : « tu n’auras pas d’autres dieux que moi ». Voilà le
premier commandement. Les trois suivants sont aussi relatifs à Dieu :
tu ne te feras pas d’idole, tu n’utilisera pas le nom de Dieu de
manière abusive, tu observeras le repos du sabbat. Les six
autres, plus connus, sont relatif à notre vie en société : tu ne tueras
pas, tu ne voleras pas, honore ton père et ta mère, ne commets pas
d’adultère ni de faux témoignage, ne convoite pas les biens de ton
voisin. Or, que répond Jésus ? Le « commandement » qu’il cite n’est
aucun de ceux-là mais une autre parole du Deutéronome, au chapitre 6,
que nous avons entendue dans la première lecture. Le scribe, qui est
pourtant un expert de l’Écriture, ne corrige pas Jésus : « non, c’est
faux, le premier commandement, c’est « tu n’auras pas d’autres dieux
que moi ! ». (C’est sans doute ce qu’aurait fait notre catéchiste
bien-aimé !) Ce scribe, au contraire, approuve la réponse de Jésus. Il
l’approuve, et même il la prolonge en l’illustrant par un exemple sur
les sacrifices.
Que nous dit donc cette réponse
de Jésus ? On peut déjà noter que ce commandement cité par Jésus, c’est
le commandement de l’amour : « Tu aimeras... ». Mais peut-on commander
l’amour ? Ou, dit autrement, l’amour peut-il se décider, se décréter ?
Ce mot, amour, à force d’être servi à toutes les sauces, a fini par
perdre sa saveur d’origine. On aime ses parents, on aime sa femme, on
aime son chien, on aime les fleurs ou on aime le chocolat. On sent bien
dans ces différentes expressions qu’il ne s’agit pas du tout du même
amour, bien que le même mot soit utilisé. Quand des fiancés parlent de
leur amour, pour eux, c’est souvent un sentiment qui leur est venu sans
qu’ils aient eu à se forcer. De même, personne ne nous force à aimer le
chocolat ou les fleurs. L’amour est alors perçu comme quelque chose qui
nous arrive, qui est agréable, mais que l’on subit, en quelque sorte.
Dans ce cas, l’amour n’est qu’un sentiment, composante d’une émotion.
Une émotion, on ne la commande pas. La colère, la joie, la
tristesse, la peur... nous arrive sans qu’on l’ait voulu,
nous en sommes plus les victimes que les auteurs. On peut arriver
parfois à les maîtriser, en tout cas à masquer leurs effets visibles,
mais on est incapable de les supprimer ou de les provoquer par la seule
volonté. L’amour dont parle Jésus est donc d’un autre ordre. Ce n’est
pas un simple sentiment que l’on reçoit, c’est un amour que l’on donne.
Notre volonté est en jeu.
À un couple qui fêtait ses noces
d’or, un journaliste local demande : « quel est votre secret pour durer
ensemble ? » réponse du couple : l’amour ! Mais cette réponse ne
satisfait pas le journaliste, qui reprend : « Mais peut-on
s’aimer encore à votre âge comme à l’époque de votre mariage ? » et le
mari répond : « jeune homme, si l’amour que j’éprouvais pour ma femme
était resté comme à l’époque de notre mariage, il y a bien longtemps
que nous serions séparés ! » En effet, on ne se marie pas parce
qu’on s’aime, mais on se marie pour aimer ! L’amour n’existe que quand
il grandit. Il part de « je t’aime pour ce que je reçois de toi, et qui
me rend heureux », pour tendre vers : « je t’aime pour ce que je te
donne, pour que tu sois heureuse ».
« Tu aimeras », c’est un commandement. Ça nécessite donc un effort. Ça ne va pas de soi.
Vous l’avez sans doute remarqué,
à la question du scribe : « quel est le premier commandement », Jésus
ne cite pas un commandement, mais deux ! Et il ajoute : « Il n’y a pas
de commandement plus grand que ceux-là. » ces deux commandements, pris
ensemble, résument et récapitulent tous les autres, qui n’en sont que
des conséquences. L’amour est premier, les actes qui en découlent n’ont
de sens que par l’amour qui les dirige. Comme le dira trois siècles
plus tard Saint Augustin, « aime et fais ce que tu voudras ».
Tu aimeras le Seigneur ton Dieu,
tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il ne s’agit pas d’opposer
l’amour pour Dieu et l’amour pour nos frères humains, ni de privilégier
l’un en négligeant l’autre, mais au contraire de tenir les deux, parce
que les deux ne font qu’un. On ne peut pas prétendre aimer Dieu si on
n’aime pas ses frères. L’amour de Dieu, c’est celui que l’on reçoit ;
l’amour du prochain, c’est celui que l’on donne. Cette circulation de
l’amour, c’est la vie même du chrétien ; c’est son équilibre. L’amour
que l’on donne aux autres est donc signe de l’amour que l’on a pour
Dieu. Voilà pourquoi la démarche Diaconia 2013 qui nous est proposée
n’est pas réservée à des spécialistes de l’humanitaire ou de la
charité. Nous sommes tous concernés ! Tout chrétien qui aime Dieu
concrétise cet amour de Dieu par l’amour qu’il a pour ses frères. Pas
dans des grandes œuvres, mais dans le quotidien. Concrètement, le Livre
des Merveilles, qui se trouve au fond de l’église et que chacun peut
encore compléter, n’est pas un recueil de grandes œuvres : Il s’agit de
témoignages tout simples, de la charité ordinaire que l’on peut être
amené à vivre ou à remarquer autour de soi.
La charité, au sens de l’amour du
prochain, n’est pas une conséquence de la foi : elle lui est
indissociable. C’est pourquoi Jésus lui-même ne veut pas citer le
premier commandement sans le deuxième : « Tu aimeras le Seigneur ton
Dieu, tu aimeras ton prochain comme toi-même : il n’y a pas de
commandement plus grand que ces deux-là. »
Seigneur, donne-nous de
comprendre ta Parole et de la mettre en pratique ; aide-nous par ton
Esprit Saint à aimer ceux que tu as placés sur nos chemins, et ainsi
répondre à l’amour dont tu nous aimes, et dont tu les aimes.
Amen !
Daniel BICHET, diacre permanent
Clisson et Gétigné, 4 novembre 2012
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