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Dt 6,2-6   /  Ps 17  /  He 7,23-28  /  Mc 12,28b-34

         Le scribe qui questionne Jésus semble sincère, contrairement à ces pharisiens scribes ou grand-prêtres qui essayent de tendre un piège à Jésus. Ce scribe connait parfaitement l’Ecriture et les commandements de la loi juive de l’ancienne alliance, d’abord transmises oralement puis que l’on retrouve notamment dans le livre du Deutéronome ou dans le livre du Lévitique. La question du scribe est légitime : à savoir qu’est-ce qui est prioritaire parmi ces plus de 600 commandements et prescriptions.

         Jésus répond au scribe en citant d’abord ce passage du livre du Deutéronome (Dt 6,4-5) dans lequel Moïse s’adresse aux Israélites : « Écoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est lUnique. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force. ». Il leur demande de conserver ces paroles dans leur cœur et même de les « redire à leurs fils, de les répéter sans cesse, à la maison ou en voyage…de les inscrire à l’entrée de leur maison… ». Ce sont les mots importants de l’acte de foi de tout croyant juif !

         Pour Moïse et le peuple d’Israël « craindre Dieu » c’est observer ses commandements, écouter sa Parole et la mettre en pratique. Pour nous chrétiens ce n’est pas avoir peur d’un Dieu gendarme et punisseur. C’est mettre sa confiance en ce Père bienveillant et miséricordieux dont « l’amour s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent » comme il est dit dans le magnificat. Ecouter et accueillir sa parole à travers les paroles et gestes de son fils Jésus, « grand prêtre parfait » de la nouvelle alliance. Croire en Celui qui est « notre roc, notre force », qui nous libère de ce qui empoisonne nos vies. Accueillir l’amour qu’il nous offre pour le partager avec nos sœurs et frères en humanité.  

         Avec le scribe, ayons conscience, qu’« aimer Dieu…, et aimer son prochain comme soi-même, vaut mieux que toute offrande d’holocaustes et de sacrifices ». Dans notre Eglise le mot « pratiquants » a pris un sens réducteur, désignant uniquement les personnes qui vont régulièrement à la messe, reçoivent les sacrements, font leurs dévotions etc… pratiques tout à fait nécessaires et respectables pour tout croyant. Mais Jésus le Christ, à travers ses paroles et ses actes nous invite à devenir de vrais pratiquants, non seulement dans nos églises par le culte rendu à Dieu, mais d’être surtout les pratiquants de la charité au sortir de nos églises et aux périphéries. On ne peut aimer Dieu sans aimer ses prochains, quels qu’ils soient.

         Il y a quelques jours, je discutais avec un paroissien de ces familles que j’accompagne qui sont en situation de précarité matérielle et morale, plongées dans toutes sortes de problèmes, avec des fins de mois difficiles, avec un frigo désespérément vide avant la fin du mois. Il me disait : ils n’ont qu’à aller aux restos du cœur ! Comme ils sont jeunes ils n’ont qu’à aller travailler ! Evidemment ce brave chrétien à la situation aisée n’a jamais connu la précarité ni les difficultés liées au chômage. Peut-il comprendre l’angoisse d’une mère manquant du nécessaire pour nourrir ses enfants ? Peut-il comprendre ce que c’est que de passer devant une boulangerie avec la bonne odeur du pain frais sans avoir de quoi se payer une baguette ?

         Permettez que je relate un épisode de ma vie dont je ne suis pas particulièrement fier. A l’époque, après mont travail à Strasbourg, je me rendais régulièrement à la gare et prenais le temps avant de prendre le train de boire un café à l’Expresso. Dans la rue menant vers la gare, se tenaient souvent des SDF. En passant, j’ai vu une jeune femme assise près d’un bureau de tabac. Elle était en pleurs. J’avais hâte de boire mon café, ai détourné mon regard et poursuivi mon chemin. Quelques mètres plus loin, je me suis arrêté. Une voix intérieure me disait : tu te dis chrétien et tu passes à côté de cette femme qui est dans la détresse. Tu ne vaux pas mieux que le prêtre ou le lévite de la parabole du bon Samaritain. Du coup je suis revenu sur mes pas, m’accroupir à côté de cette femme dont j’ai appris par la suite qu’elle s’appelle Joëline, que son compagnon l’avait quittée et qu’elle passait ses journées entre la rue et parfois un asile de nuit, à mendier non seulement des pièces mais une oreille attentive, une présence chaleureuse.

         Sœurs et frères, l’amour dont Dieu nous comble nous emmène sur des chemins de fraternité, bien au-delà de nos sentiments naturels, de nos liens affectueux préférentiels, y-compris vers ceux que nous ne supportons pas.  A l’exemple de Jésus, regardons au-delà du cercle trop souvent fermé de nos communautés. Quel bonheur de suivre celui qui nous rassemble aujourd’hui. Quel bonheur d’accueillir l’amour de Dieu en aimant ses prochains ! Dieu nous arrache à notre indifférence, à notre égoïsme, vient déranger notre petite vie confortable. Malgré notre propre pauvreté, il nous aide à être concrètement présence aimante auprès de nos sœurs et frères en humanité, surtout auprès des plus pauvres, des plus fragiles, présents auprès de ceux qui n’existent dans le regard de personne. « Ubi caritas et amor, Deus ibi est » « Là où est la charité et l’amour, Dieu est présent ».

 

Arsène BUCHHOLZER, diacre permanent

Heiligenberg

3 novembre 2024






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