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Marc 10, 46-52

Dans notre société il y a des gens invisibles. Des gens qu'on ne regarde même plus, ou quand on les voit, on fait un crochet, on regarde dans une autre direction Ils sont sans domicile fixe, ils sont vautrés à même le sol ou sur des cartons d’emballage, assommés de drogue, ou abandonnés, perdus, malades mentaux mais pas assez malades pour être pris en charge, il y a les sans travail depuis longtemps, les handicapés. On passe à côté sans vouloir les voir.
On pourrait parler aussi des jeunes, des immigrés. Mais à la télévision, vous ferez bien attention, on ne les voit pas souvent tous ces gens-là. Ou seulement quand un magasin de motos a brulé, ou que dans un quartier il y a eu des coups de fusil, ou qu’on entreprend de murer des maisons en ruines aux Terres Sainville, parce que vous comprenez, si on ferme ces maisons, le crime va disparaitre, la drogue va s’évaporer et les prostituées vont aller à Pôle Emploi et chercher un travail. Et puis comme ça, on ne verra plus cette misère de sexe et de drogue et de délinquance et de violence, et si on ne la voit plus, elle sera comme inexistante et on pourra admirer, enfin tranquilles, les beaux immeubles du front de mer qui font ressembler Fort de France à Miami !
Entre nous, n'est-ce pas ce qui arrive à la foule qui suit Jésus et l'aveugle Bartimée ?. D’abord, la foule qui entoure Jésus va passer à côté de lui, sans le voir. Comme si ce mendiant était invisible.
Mais il crie : « Fils de David, aie pitié de moi ».  Et que fait la foule ? Elle veut le faire taire ! Ça, c’est à n’y rien comprendre : Jésus, tout le monde le connait maintenant, il guérit les malades, chasse les démons, il fait des miracles. Dans la foule, il aurait pu y avoir au moins quelqu’un pour dire « cet aveugle, ce mendiant, lui il a besoin de Jésus, faisons lui la place, écartez-vous »
Mais non, la foule veut le faire taire. Etrange n’est-ce pas ?
Alors on se dit, peut être que personne n’a entendu : "aie pitié de moi !", mais qu’on a entendu un mendiant dire « fais-moi l’aumône ! »
Et on ne va surement pas déranger Jésus pour quelqu'un qui veut une aumône
Jésus, lui, va réagir différemment de la foule
Jésus, lui, fait l'effort d'aller voir la personne, de s'intéresser à la personne, d’établir une relation.
Il lui demande : "que veux-tu que je fasse pour toi".
Nous, on connait Jésus : on sait qu’il sait que Bartimée est aveugle, et que, comme un paralytique veut marcher, un aveugle veut voir !
Mais non, il pose cette question parce qu’il veut que Bartimée s’exprime et soit entendu. Ce serait trop facile pour Jésus de se comporter comme un simple « faiseur de miracles » : mais alors, qu’en serait-il de la Parole de Dieu pour les hommes ?
Et Jésus, comment est-il appelé dans ce texte ? Jésus, Rabbouni, c'est à dire, un terme de respect et d'affection pour un rabbin. « Fils de David », comme lui s'appelle fils de Timée, Jésus est comme lui le fils de quelqu'un, fils de David. Il ne l'appelle jamais « maître, seigneur », mais il va le suivre et devenir disciple.
Alors voilà ce dialogue extraordinaire : l’un et l’autre se parlent de personne à personne. Vous rendez vous compte de ce que je dis là ? la créature s’adresse à son Seigneur d’égal à égal !
Et la foule, elle, comment appelle-elle Jésus ? Dans ce texte, elle ne lui donne pas de nom. Mais avant, on l'appelle « maître ». A plusieurs reprises, Jésus annonce qu'il va mourir et ressusciter, et personne ne l'entend. Pourquoi n'arrive-t-on pas à entendre qu'il va être arrêté, torturé, mis à mort avant de ressusciter ?
Parce que chacun a une autre image en tête de Jésus,  une autre identité en tête
Juste après ce passage, Jésus va entrer dans Jérusalem. Sur un ânon, avec la foule qui jettera sur son passage des feuillages, et qui criera : "Hosanna ! Béni soit celui qui vient ! Béni soit le règne qui vient !". Celui qu'on accueille comme cela, c'est le messie qu'attendaient les juifs, celui qui va faire rendre gorge aux romains.
Mais la véritable identité de Jésus sera celle d'un Seigneur arrêté, torturé, mis à mort avant de ressusciter.
Aujourd’hui, la foule qui ne s’écarte pas pour laisser place à Bartimée, accompagne un roi.
Alors évidemment, la personne que voit Jésus en Bartimée est aussi différente que la personne du Jésus que voit la foule.
Et nous-mêmes, qu'elle est notre image de Jésus ? qui est-il pour nous ?
Bien sûr, il y a les réponses toutes faites que l’on trouve dans la liturgie : « vrai homme, vrai Dieu », « Apôtre du bien, de la paix », « Agneau de Dieu, vainqueur du mal ». Certes, mais pour moi ? souvenez-vous de la question de Jésus à ses apôtres « et pour vous, qui suis-je ? ».
N'est-ce pas en se mettant à suivre Jésus qu'on découvre qui il est vraiment ? N'est-ce pas en accompagnant, en aidant, en étant au côté des gens qu'on découvre qui ils sont ?
N'est-ce pas en découvrant les personne qu’on découvre Jésus ? qu’on trouve sur le visage de l’autre, celui du Christ souffrant, du Christ aimant, du Christ priant son Père ?
Nous risquons de nous aveugler si nous croyons tout de suite savoir qui sont nos frères. Nous sommes aveugles si nous croyons savoir qui est Jésus.
Jésus, nous le découvrons en permanence, quand en permanence nous le suivons comme Bartimée ou comme le samaritain en aidant quelqu'un : en établissant une relation avec une personne malade, alitée, en s’engageant dans la vie de son entreprise, dans la vie syndicale ou politique en prenant les vérités de l’Evangile et les enseignements de l’Eglise sur la pauvreté, le partage, la charité, l’espérance qui habite le croyant dans un monde assombri par l’argent corrupteur, l’exploitation des plus faibles, la destruction programmée des lois naturelles et divines de la famille, la guerre, le crime. Et au travers de nos frères, au travers de nos engagements à la suite de Jésus, à la suite de nos interrogations sur la vie, nous le découvrirons, et nous dirons à notre tour : « Seigneur, que veux-tu que je fasse, je t’écoute »

Gérald PRIVÉ, diacre permanent
Paroisse SAINT THOMAS D’AQUIN
LE DIAMANT (Martinique)


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