Année B
Sommaire année B
retour vers l'accueil30° dimanche ordinaire
Encore
un récit de guérison, la guérison d’un aveugle. Dans le même évangile
de Marc, Jésus a déjà guéri un aveugle, au chapitre 8. Nous sommes ici
au chapitre 10, et Jésus guérit à nouveau un aveugle. Pourquoi St Marc
tient-il à répéter deux fois le même genre de miracle fait par
Jésus ? En fait, si on rapproche ces deux récits de guérison, on
se rend compte qu’ils sont complètement différents, et même que tout
les distingue. Le seul point commun est qu’il y est question d’un
aveugle au début qui sera guéri à la fin. Dans le premier récit, on
amène à Jésus un aveugle-né. Ici, c’est exactement le contraire :
la foule qui se presse autour de Jésus veut faire taire l’aveugle qui
crie vers lui. Jésus appelle alors l’aveugle, et c’est l’aveugle qui
vient vers Jésus. Au chapitre 8, il s’agissait d’ « un
aveugle », anonyme, dont on ne sait rien. Ici, on connaît son
nom : Bartimée, le fils de Timée. Dans le premier récit, Jésus
fait un geste visible, concret, pour guérir l’aveugle : il fait de
la boue avec un peu de terre et de salive, sur ses yeux. Il doit même
s’y prendre à deux fois avant que la guérison ne soit effective. Ici,
Jésus ne fait rien du tout et l’aveugle voit. Et enfin, dans le premier
récit, Jésus donne l’ordre à l’aveugle et aux différents témoins de
rentrer chez eux et de ne parler à personne de cette guérison. Ici, au
contraire, le fait est public, au milieu de la foule, et Bartimée guéri
n’est pas prié de rentrer chez lui et de se taire. Il se met au
contraire à suivre Jésus.
Alors, que nous disent ces deux
récits ? Pourquoi sont-ils si différents, en fin de compte ?
Qu’est-ce qui justifie leur présence dans l’évangile de Marc, à deux
endroits différents ?
En fait, ce qui marque la séparation
entre ces deux récit, c’est un événement très important : la
révélation de Jésus comme étant le Messie. Avant, à l’époque de la
première guérison de l’aveugle, Jésus ne souhaitait pas annoncer son
identité de messie, pour ne pas que le peuple juif se méprenne sur le
rôle de ce messie tant attendu. C’est ce que l’on appelle le
« secret messianique ». En effet, le messie ne sera pas un
roi tout puissant qui chassera militairement les occupants romains,
mais un messie serviteur. Et le peuple juif n’est pas prêt à
accueillir un tel messie. Juste après la première guérison d’un
aveugle, il y a la profession de foi de Pierre : « Tu
es le Christ ». Christ, c’est le nom grec qui signifie Messie. Les
disciples reconnaissent alors Jésus comme le Messie, comme le Christ,
l’envoyé de Dieu. Dès lors, Jésus va s’employer à purifier la
conception messianique de ses disciples. Puis vient la dernière montée
vers Jérusalem, chemin le long duquel Jésus va laisser au contraire la
vérité se manifester clairement autour de son identité de Messie,
sauveur et serviteur. Et le chemin vers Jérusalem passe par la ville de
Jéricho. C’est à la sortie de cette ville que mendie l’aveugle Bartimée.
J’aime
beaucoup cet épisode de Bartimée. On peut le lire de plusieurs
manières. On peut n’y voir qu’une guérison « ordinaire », si
j’ose dire, c’est-à-dire une guérison de plus à l’actif de Jésus. Mais
j’aime y voir aussi beaucoup plus qu’un simple acte
« médical ». Car ce récit est truffé de paradoxes. Je vous
propose une autre lecture dans laquelle Bartimée, l’aveugle, apparaît
au contraire comme un homme clairvoyant, un visionnaire, un voyant.
Tout
d’abord, ce cri de Bartimée : « Jésus, fils de David, aie
pitié de moi ! » Fils de David. Pourquoi cet homme
appelle-t-il Jésus « fils de David » ? Personne
auparavant ne l’a jamais appelé ainsi dans l’évangile de Marc. On
aurait pu admettre qu’il l’appelle fils de Joseph, ou à la rigueur,
fils d’Abraham, pour signifier son appartenance au peuple juif,
descendant d’Abraham. Mais appeler Jésus « fils de David »,
c’est justement le reconnaître comme Messie, puisque tout le peuple
attend un messie qui sera le descendant du roi David, comme
l’annonçaient les prophètes. Et c’est un aveugle qui « voit »
en Jésus le Messie : premier paradoxe. Au lieu de lui ordonner de
se taire, comme le fait la foule, Jésus au contraire l’appelle. Et
alors, « il se lève d’un bond et court vers Jésus ». Imaginez
la scène : un aveugle qui court, et pas au hasard, il se rend vers
Jésus ! Amusant, non ? Deuxième paradoxe. Même Jésus semble
en être étonné. Il lui demande « que veux-tu que je fasse pour
toi ? » Comme pour lui dire : « mais tu vois
déjà ! Que pourrais-je faire pour toi ?» et ensuite,
sans qu’il ne fasse aucun geste : « va, ta foi t’a
sauvé » que je traduis ainsi : « Tu proclames que je suis le
Messie, de la maison de David, comme les prophètes l’annonçaient. Tu as
donc tout compris. Ta foi est grande. Heureux es-tu, toi qui crois sans
voir. Ta foi t’a déjà sauvé, puisque tu as pu venir jusqu’à moi. Je
n’ai donc pas besoin de faire quoi que ce soit pour que tu vois !
». « Va, ta foi t’a sauvé ». Et aussitôt, Bartimée retrouve
la vue. « Il se mit à voir qu’il voyait » pourrait-on dire.
L’aveuglement de Bartimée, c’est qu’il ne voyait pas qu’il voyait.
Troisième paradoxe. La vraie guérison, il l’a obtenue dès qu’il a crié
sa foi en Jésus sauveur, c’est-à-dire en le nommant : « Fils
de David ». C’est alors qu’il a pu, d’un bond, se lever puis
courir vers lui et lui adresser sa prière : « prends pitié de
moi ». Jésus n’a alors plus qu’à confirmer sa guérison, à
l’attester : « va, ta foi t’a sauvé ».
Je l’avoue, ma
lecture de ce passage est sans doute très personnelle. Mais elle est
porteuse d’enseignements pour nous-mêmes. Quels sont nos
aveuglements ? Ne sommes-nous pas souvent, nous aussi, des
aveugles sur le chemin où passe le sauveur ? Savons-nous, comme
Bartimée l’aveugle, le reconnaître, proclamer qu’il est notre
sauveur : « Jésus, fils de David » puis
l’interpeller : « prends pitié de moi » ? Dans les
demandes que nous lui adressons, sommes-nous clairvoyants ou
aveugles ? Sommes-nous capables de voir, comme Bartimée le voyant,
que proclamer notre foi en Jésus, Christ et sauveur, suffirait à nous
guérir de nos aveuglements ?
Nous allons, dans une minute,
proclamer notre foi en récitant le « Je crois en Dieu ». Que
cette proclamation dans cette église nous aide à proclamer notre foi
aussi en-dehors de cette église, dans notre quotidien, pour la guérison
de nos multiples aveuglements et de ceux de nos proches.
Amen !
Daniel BICHET, diacre permanent
Gétigné et Clisson, 25 octobre 2009
Sommaire année B
retour vers l'accueil