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28° dimanche du Temps Ordinaire


Sg 7, 7-11 ;
Ps 89, 12-13, 14-15, 16-17cd
He 4, 12-13 ;
Mc 10, 17-30


Voilà un épisode parmi les plus célèbres de l’Évangile ! tellement célèbre qu’on croit le connaitre par cœur. Mais le connaissons-nous vraiment ? Peut-être pas si bien que ça, en fait. Déjà, on l’appelle « l’évangile du jeune homme riche » alors qu’il n’est dit nulle part qu’il est jeune. Mais alors, cet homme, que sait-on de lui ? C’est simplement un homme riche, peut-être jeune, peut-être pas, mais peu importe. Un homme qui vient voir Jésus, taraudé qu’il est par une question cruciale : « que dois-je faire pour avoir la vie éternelle en héritage ? » C’est en effet une grande question ! Chacun de nous peut se la poser pour soi-même.
Apparemment, d’après ce que nous apprend le texte de ce récit, ce personnage est un homme pieu, qui observe les commandements depuis toujours. Un croyant « culturel », dirait-on aujourd’hui ; un habitué de la pratique religieuse, qui vit dans son temps en respectant les coutumes et les traditions de son temps. Mais il semble que cet homme ait envie d’en savoir plus. Il a envie de comprendre ce qu’il pratique, de trouver du sens ; il ne voit pas distinctement le rapport entre les commandements qu’il pratique et la finalité à laquelle il aspire : avoir en héritage la vie éternelle. Il pressent bien que le respect de la tradition et de la loi doit mener vers la vie éternelle, mais il sent bien aussi que ça ne suffit pas. Il semble avoir envie d’être lui-même acteur de son propre salut, par des actes concrets. N’est-ce pas une préoccupation bien légitime ? N’est-elle pas aussi un peu la nôtre ? « Que dois-je faire pour avoir la vie éternelle en héritage ? »
La réponse de Jésus va le décevoir. Jésus ne lui propose pas de réaliser des exploits, d’accomplir des actes de bravoure, ni d’appliquer des préceptes supplémentaires. Ce qu’il lui propose, c’est simplement de purifier les trois dimensions de son existence : sa relation à lui-même, sa relation aux autres, et sa relation à Dieu.
Cette réponse de Jésus est universelle, elle traverse le temps et l’espace. Elle reste pertinente à toutes les époques, et en tout lieu. Elle s’adresse donc particulièrement aussi à nous, ici, aujourd’hui. Regardons comment, à travers les trois étapes vers lesquelles Jésus nous conduit.
Première étape : « vends tout ce que tu as ». Vendre tout ce qu’on a, ça n’est pas rien ! Qui d’entre-nous est capable d’une telle radicalité ?  Pourtant, pour Jésus, c’est un préalable incontournable, un passage obligé. Nous débarrasser de toutes nos richesses, même si elles nous semblent modestes ; nous alléger de toutes ces possessions matérielles qui nous encombrent et qui peuvent nous détourner de l’essentiel. C’est la dimension personnelle de la réponse de Jésus : il nous faut d’abord nous désencombrer, nous détacher de ce qui nous retient, nous alléger de ce qui nous alourdit. Un appel à la sobriété, qui vient heurter notre accoutumance à une société de consommation qui valorise au contraire l’accumulation de possessions. Certains y voient même un appel à la décroissance…
Dans le même élan, Jésus nous indique une deuxième étape sur le chemin vers la vie éternelle : prendre en compte les pauvres : « donne-le aux pauvres ». Après la dimension personnelle, préalable indispensable, Jésus propose une dimension sociale : donner aux pauvres nous ouvre à une prise en compte de l’existence de l’autre, du moins favorisé que nous, et de son importance. Il nous éveille à la bienveillance à l’égard de nos semblables, et particulièrement ceux qui en ont le plus besoin. Cette deuxième injonction est donc un appel à sortir de nous-même, de notre égoïsme ; un appel à la générosité, mais surtout, au-delà, à la fraternité.
« Vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres. » C’est souvent ainsi qu’on retient la réponse de Jésus à cet homme. Mais la phrase ne se termine pas là. On oublie souvent la suite. Jésus ajoute : « puis viens, suis-moi ! » Après la dimension personnelle du désencombrement, puis la dimension sociale du don aux pauvres, Jésus termine par l’essentiel : la dimension spirituelle, la plus importante, le sommet qu’il faut atteindre.
La réponse de Jésus n’est donc pas un message exclusivement social. C’est aussi un message spirituel : « puis viens, suis-moi ! »  se désencombrer, vivre le partage, c’est très bien, nous l’avons vu. Mais ça ne saurait suffire pour répondre à la question de cet homme : « Que dois-je faire pour avoir la vie éternelle en héritage ? ». Dans ce « viens, suis-moi ! », il y a bien plus qu’un sacrifice auquel il faudrait consentir ; il y a bien plus qu’une simple action généreuse à réaliser. Il y a un « lâcher prise » autrement difficile et ô combien coûteux. « Suis-moi ! » Suivre le Christ, c’est plus que restreindre sa consommation et tendre vers un dépouillement matériel (« vends tout ce que tu as »). Suivre le Christ, c’est plus que s’engager dans une association caritative (« donne-le aux pauvres »). Suivre le Christ, c’est faire en sorte de mettre en application les 5 essentiels de la vie chrétienne : vivre en fraternité avec tous ; se mettre au service de chacun ; s’efforcer à mieux connaître Dieu ; entretenir notre relation avec lui, et l’annoncer à tous.
Oui, frères et sœurs, à travers sa réponse à cet homme, Jésus nous demande de purifier notre existence, dans ses trois dimensions. Pour cela, il nous faut rééquilibrer notre vie en nous efforçant d’accorder un poids équivalent à chacun de ces 5 essentiels.
Alors, interrogeons-nous sur nous-même, sur l’intensité de notre désir, comme cet homme, d’obtenir la vie éternelle en héritage. Interrogeons-nous sur les moyens que nous mettons en œuvre pour y parvenir.
- Je peux me contenter de m’occuper de moi-même. (Une expression s’est imposée comme un refrain depuis le début de la pandémie : « Et surtout, prenez soin de vous ! »).
- Je peux aussi faire un pas de plus pour sortir de mon confort personnel, aller vers les autres, en donnant de mon temps, en me mettant au service d’un mouvement, d’une association, ou simplement d’une personne dans le besoin.
- Mais je peux aller encore plus loin, et interroger ma relation à Dieu : comment est-ce que je fais pour suivre Jésus ?

Ces trois attitudes sont nécessaires et complémentaires. On ne peut pas se satisfaire de l’une ou de l’autre, il est bon de pratiquer les trois.

Alors, que nous soyons jeune ou pas, riche ou pas, laissons donc, sans crainte, Jésus nous réapprendre le chemin de la vie éternelle : « vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres, puis viens, suis-moi ! »

Amen !


Daniel BICHET, diacre permanent.
Monnières et Gétigné, le 10 octobre 2021


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