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        Une fois n’est pas coutume, je voudrais m’arrêter avec vous ce matin sur le texte entendu dans la première lecture. Ce poème de la Création, du livre de la Genèse, que nous connaissons bien pour l’avoir entendu de nombreuses fois.
Tout d’abord, rappelons-nous que ce texte, qui date de près de 3000 ans, n’a pas été écrit par un journaliste qui aurait été témoin de la scène, et qui aurait entrepris d’en faire le reportage : « en exclusivité : Dieu crée le monde en direct ! ».
Les textes qui ont été rassemblés pour constituer la Bible sont des œuvres d’une très grande diversité, d’auteurs, d’époque, d’intention, de destination et de genres littéraires extrêmement variés : on peut dénombrer au moins une quinzaine de genres littéraires différents. Chacun de ces genres a sa vérité, et une façon de l’exprimer qui lui est propre : du récit narratif à l’énoncé de codes de lois, de l’épopée mythologique à la prière, de l’allégorie à la légende, en passant par la parabole, les poèmes lyriques et les écrits de sagesse, le récit historique, les lettres, la didactique, la généalogie, le discours prophétique… la Bible est un foisonnement d’une très grande richesse !
Le texte d’aujourd’hui, où l’on voit Dieu en plein travail de création, est un écrit qu’on appelle « de sagesse », dont l’intention n’est pas de décrire un événement de l’histoire, mais de susciter la réflexion. Il propose des pistes pour aider à comprendre la place de l’homme, de la femme, dans la création, et le rôle de Dieu.
L’auteur de ce texte n’est donc pas un journaliste, nous l’avons dit. Ce n’est pas non-plus un scientifique, qui tenterait d’expliquer comment le monde a été créé. Non, l’auteur est un croyant. Probablement un théologien de la cour du roi Salomon. Et à cette époque, tout comme aujourd’hui, on se posait beaucoup de question sur le sens de l’existence. Pourquoi la vie ? Pourquoi la mort ? Pourquoi la souffrance ? Les connaissances d’alors étant très limitées, on faisait beaucoup appel à l’imagination pour expliquer les choses. De même que Jésus utilisait abondamment les paraboles pour expliquer les réalités du Royaume – il inventait donc des histoires – les théologiens de l’antiquité avaient eux aussi recours à des histoires symboliques pour permettre à tous de comprendre le sens des choses. L’ensemble de ces histoires, avec ces personnages, souvent symboliques, constitue la mythologie fondatrice d’une civilisation. C’était le rôle des mythologies de toutes les civilisations de donner du sens à l’existence. Car c’est le récit  mythologie qui fonde la civilisation. Toute civilisation s’appuie sur son discours mythologique qui lui donne sens. Le peuple de la Bible n’échappe pas à cette règle. Lui aussi baigne dans cette culture où le récit mythologique, symbolique, joue un rôle fondamental pour accompagner les vies des personnes, en instituant des traditions, pour régler les rapports des gens entre eux, leurs comportements, leurs raisons de vivre.
Mais revenons à notre texte. Que nous dit-il ? « Dieu dit : il n’est pas bon que l’homme soit seul ». On peut déjà remarquer que Dieu s’intéresse à l’homme, et qu’il veut son bonheur. Il sait ce qui est bon pour lui. Et dans sa bienveillance, il crée pour lui une « associée », une « aide qui lui correspondra ». C’est le couple homme-femme qui parachève la création. Et un peu plus loin dans le récit, quand l’homme s’écrit en voyant la femme : « voici l’os de mes os, la chair de ma chair », c’est l’affirmation de l’égalité homme-femme dont il s’agit. Homme et femme différents, mais égaux, sur le même plan par rapport à Dieu, par rapport à la création. Pour l’époque, cette idée est révolutionnaire !
En effet, à la même époque, les peuples qui entourent Israël ont des dieux jaloux les uns des autres, qui inventent l’homme parce qu’ils ont besoin d’esclaves, et la femme viendra bien plus tard pour assurer la procréation de ces esclaves. Ici, dès les premières pages de la Bible, on voit un Dieu qui crée l’homme et la femme pratiquement en même temps, dès l’origine, et qui les veut libres, égaux, heureux pour eux-mêmes. Par amour et non par intérêt.
Ce passage se termine par « à cause de cela, l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme et tout deux ne feront plus qu’un ». C’est d’ailleurs cette phrase que Jésus retiendra dans l’évangile d’aujourd’hui, pour justifier l’union indissoluble de l’homme et de la femme : « ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas »
« Tous deux ne feront plus qu’un », c’est évidemment une allusion à la sexualité, qui est affirmée comme une chose bonne, pour la joie et le bonheur de l’homme et de la femme. De la différence naissent la complémentarité et l’harmonie : si, ensemble, ils font un, c’est par définition qu’ils sont complémentaires. Et ça, malgré leur peu de connaissances scientifiques, tous les peuples anciens l’avaient bien compris, comme une évidence. Notre société actuelle, malgré ses connaissances bien supérieures dans le domaine scientifique, semble parfois avoir oublié cette évidence.
Une fois tout ceci posé, le lien avec les autres textes que la liturgie nous propose aujourd’hui devient assez facile à faire : le psalmiste fait l’éloge du couple homme-femme créé par Dieu, et de la famille : « Heureux es-tu ! A toi, le bonheur ! Ta femme sera dans ta maison comme une vigne généreuse, et tes fils, autour de la table, comme des plants d’olivier ». Le bonheur, c’est tout simple, et ça part du couple puis ça passe par les enfants, et tout ce beau monde réuni autour de le table familiale.
Puis la lettre aux Hébreux, qui réaffirme la place de l’homme comme frère de Jésus, c’est-à-dire fils de Dieu, parce que sanctifiés, rendus saints, par Jésus lui-même. Comme aucune autre créature vivante, aucun animal, n’est à l’égal de l’homme de la Genèse, mais seule la femme, os de ses os, chair de sa chair ; de même cette sanctification met l’homme et la femme au même niveau que le Fils de Dieu lui-même, donc très distinct et très au-dessus de tous les êtres vivants de toute la Création.
On le voit, ce beau texte n’est pas simplement une fable, une belle légende, un beau poème. C’est véritablement un texte fondateur. Il nous apprend qui nous sommes, homme, femme, aimés de Dieu et sous son regard attentif, prévenant, bienveillant. Il nous redit combien nous sommes complémentaires et faits l’un pour l’autre, en vue d’une harmonie, d’une unité qui nous fait ressembler à Dieu, qui nous fait tendre vers lui. Ainsi, nous savons d’où nous venons, où nous nous situons, et où nous allons. Les questions existentielles que nous nous posons trouvent une partie de leurs réponses dans ces textes fondateurs. N’hésitons donc pas à lire et relire la Bible, seul ou à plusieurs, accompagnés et guidés par des personnes compétentes capables de nous révéler, à travers un chapitre, au détour d’un verset, le sens de notre vie et la joie d’être créés par ce Dieu qui nous aime et qui ne veut que notre bonheur.

Amen !

Daniel BICHET, diacre permanent
7 octobre 2018
Clisson, St Hilaire de Clisson

Sources : « l’intelligence des Ecritures », Marie-Noëlle Thabut, Socéval Editions.



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