Les
paroles et les gestes de Jésus dans les évangiles expriment souvent sa
bonté,
sa douceur, son attitude bienveillante envers les hommes et femmes de
son
temps. Mais aujourd’hui, c’est une parole forte, tranchante, sans
compromission
avec le mal. Une parole qui peut heurter, mais nous ne pouvons pas
édulcorer le
message du Christ et les paroles de saint Jacques. Il nous faut regarder
le
monde en face, avec nos péchés collectifs et personnels.
De
nos jours
le Christ dénoncerait les situations scandaleuses vécues par bien des
hommes et
femmes de notre temps, à titre d’exemples : les violences
sexuelles, un
poison dans l’Eglise et les institutions laïques où des figures
iconiques,
comme Jean Vannier et l’Abbé Pierre, sont tombées de leur piédestal.
Tout cela
est vécu douloureusement par les victimes d’abord et affecte
profondément le
corps ecclésial et social. Ensuite la pauvreté, sous toutes ses
formes :
La famine augmente à nouveau dans le monde ; et en France, 15% de
la
population vit en dessous du seuil de pauvreté : voyez les files
d’attente
aux restos du cœur, et les centaines de familles orvaltaises qui
viennent
chercher leur colis alimentaires à l’association Partage Solidarité
Orvault… enfin,
La situation de nombreux migrants qui meurent avant d’arriver à leur
destination ;
et pour ceux qui arrivent, le plus souvent c’est un long trajet plein
d’embuches et de galères qui les attend avant être régularisés !
Tout
au long de la Bible,
Dieu accompagne son peuple. Il prend la défense des plus fragiles :
du
pauvre, de la veuve, de l’orphelin et de l’étranger.
Oui,
Dieu
entend le cri des malheureux. Saint Jacques s’attaque à ceux dont les
richesses
sont mal acquises et mal utilisées : « Vos richesses sont
pourries…
votre or et votre argent sont rouillés. Cette rouille … dévorera votre
chair
comme un feu ». Il n’y va pas par quatre chemins. Ce n’est pas la
langue
de bois. Mais saint Jacques ne part pas en guerre contre les riches. Ce
qu’il
dénonce, c’est le mauvais usage des richesses. Il met les riches en face
de
leurs responsabilités :
Le
fondement, c’est que Dieu juste qui aime la justice. Comme il a entendu
les
fils d’Israël, esclaves en Egypte, et les a délivrés, de même il entend
le cri
des malheureux et des exploités de notre terre : « Le
salaire dont
vous avez frustré les ouvriers qui ont moissonné vos champs, le voici
qui crie,
et les clameurs des moissonneurs sont parvenues aux oreilles du
Seigneur de
l’univers », nous dit Saint Jacques. Et, dans la Bible, ce
thème
revient constamment : ainsi, Dans le Deutéronome : « Tu
n’exploiteras
pas un salarié malheureux et pauvre, que ce soit l’un de tes
frères ou l’un des immigrés que tu as dans ton pays, dans tes villes.
Le jour
même tu lui donneras son salaire… car c’est un malheureux et il
l’attend
impatiemment. »
Saint
Jacques nous dit que nous sommes responsables de la manière dont nous
acquérons
nos richesses, et aussi de la manière dont nous les utilisons. L’argent,
en bon
serviteur, peut contribuer au bonheur de tous et au bien commun. Par
contre, l’argent,
le pouvoir, l’emprise peuvent écraser les personnes, physiquement,
moralement,
spirituellement. L’autorité abusive porte de mauvais fruits ; il
faut
alors couper l’arbre à la racine. Dans l’Evangile les phrases du Christ
sont
sans concession : « Celui qui est un scandale, une occasion de
chute
pour un seul de ces petits… mieux vaudrait pour lui qu’on lui attache
une de
ces meules… et qu’on le jette à la mer. » L’image est forte et la suite
aussi.
Le Christ ne nous conseille pas évidemment de nous couper un membre, ni
de
jeter quelqu’un à la mer ; mais il veut montrer la gravité de
certains
actes qui mettent en jeu la vie des personnes et de la communauté toute
entière. Quelle actualité !
A
travers toutes les vicissitudes que traverse le monde, nous avons la
conviction
que « Dieu marche avec son peuple ». C’est le titre du message
du
Pape François pour, aujourd’hui, la 110ème journée mondiale
du
migrant et du réfugié, dont je reprends ici de larges extraits. « Comme
le
peuple d’Israël au temps de Moïse, les migrants fuient souvent des
situations d’oppression
et d’abus, d’insécurité et de discrimination, d’absence de perspectives
de
développement. Comme les Hébreux dans le désert, les migrants
rencontrent de
nombreux obstacles sur leur chemin : ils sont éprouvés par la soif
et la
faim ; ils sont épuisés par les peines et les maladies ; ils
sont
tentés par le désespoir. »
2ème
citation : « Mais la réalité fondamentale de l’exode, de tout exode,
est que Dieu précède et accompagne la marche de son peuple et de tous
ses
enfants, en tout temps et en tout lieu. La présence de Dieu au milieu du
peuple
est une certitude de l’histoire du salut : « le Seigneur votre
Dieu
marche lui-même avec vous, dit le livre du Deutéronome, ;
il ne
vous lâchera pas, il ne vous abandonnera pas » (Dt 31,
6). De
nombreux migrants se confient à Dieu avant de partir et lors des moments
périlleux de leur voyage. Arrivés, ils sont souvent accueillis par de
bons
samaritains qui les accompagnent dans le processus d’intégration qui
peut se
révéler très long…
Plus
loin, le Pape écrit : « Dieu, ne marche pas seulement avec son
peuple, mais aussi dans son peuple, en ce sens qu’il s’identifie aux
hommes et
aux femmes qui cheminent dans l’histoire – en particulier aux derniers,
aux
pauvres, aux marginalisés – comme s’il prolongeait le mystère de
l’Incarnation. »
« C’est
pourquoi
la rencontre avec le migrant, comme avec tout frère et sœur dans le
besoin, « est aussi une rencontre avec le Christ. Il nous l’a dit
lui-même. C’est Lui qui frappe à notre porte, affamé, assoiffé,
étranger, nu,
malade, emprisonné, demandant qu’on le rencontre et qu’on
l’assiste » (Homélie
de la Messe
avec les participants à la Rencontre “Libres de la peur”,
Sacrofano, 15
février 2019). Le jugement dernier raconté par Matthieu au chapitre 25
de son
Évangile ne laisse aucun doute : « J’étais un étranger et vous
m’avez
accueilli » (v. 35) ; et encore « Je vous le dis en
vérité, tout
ce que vous avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à
moi que
vous l’avez fait » (v. 40). Et le Pape François de conclure ;
« En
ce sens, les pauvres nous sauvent, parce qu’ils nous permettent de
rencontrer
le visage du Seigneur ». (cf. Message
pour la
Troisième Journée Mondiale des Pauvres, 17 novembre 2019).
Frères
et sœurs, nous sommes dans ce monde, mais pas de ce monde. Comme
chrétiens, nous
sommes appelés à lutter contre les racines du mal, à ne pas être
complices des
structures de péché, à faire œuvre de discernement dans nos
comportements
collectifs et individuels et à marcher ensemble vers le Royaume de Dieu,
sans
oublier ceux qui sont au bord de la route.
Yves
MICHONNEAU, diacre
permanent
Paroisse
Bienheureux Célestin et
Michel en Val de Cens
Le
29 septembre 2024
Sommaire année B