Je me
souviens d’un
chirurgien, bénévole dans un centre d’accueil santé pour personnes à la
rue,
qui disait de ce texte d’Evangile qu’il devrait être considéré comme un
texte
publicitaire pour son travail. En effet, que d’invitations à
l’amputation dans ce
texte ! Et on coupe la main, et on coupe le pied, et on arrache l’œil…
Jésus
nous donne l’impression d’être le chantre du scalpel ! Et pour couronner
le
tout, il propose de jeter à la mer, une meule autour du cou, celui qui
est
cause de scandale. Sur le coup, on peut se l’avouer, on a un peu du mal
à
reconnaître le Jésus non violent, miséricordieux, doux et humble de cœur
que
l’on connait ! Mais la Parole du Christ a pour but de nous faire
connaître le
projet de Dieu pour notre humanité, son invitation à nous mettre en
marche à sa
suite pour faire advenir le Royaume en notre Monde. Et, comme toujours,
pour
bien la comprendre, il nous faut aller un peu au-delà des lignes. Et
s’il est
bien question d’un Dieu chirurgien dans ce texte, il y est moins
question d’un
chirurgien qui coupe, que d’un médecin qui ne souhaite que réparer, nous
réparer.
Regardons
ensemble
dans ces 3 textes du jour, ce que Dieu veut vraiment pour l’Homme qu’il
a créé
et ce qu’il veut vraiment que nous soyons, pour être, autant que
possible, à
son image.
Le texte de
la 1ère
lecture nous parle du temps où le Peuple de Dieu, à peine sorti de
l’esclavage,
fuyant une terre et un régime qui l’a mis sous oppression, chemine à
travers le
désert. Un chemin d’espoir, de rêve d’une vie meilleure, mais aussi une
route
longue et dangereuse, semée de doutes, de pièges mortels, tant pour le
corps
(les serpents, les ennemis…) que pour l’âme. Rappelons-nous par exemple
l’épisode du veau d’or, la tentation de l’idolâtrie. Une longue
migration qui voit,
à de nombreuses reprises, ce peuple à la nuque raide, comme le dit
l’Ecriture,
récriminer contre son Dieu, et, à de multiples occasions, tenter de s’en
détourner. Et qu’y voyons-nous au final ? Un Dieu qui finit par se
lasser ?
Qui, de guerre lasse, laisse tomber ceux qu’il a choisi de sauver ? Non.
Au
contraire. Un Dieu de patience, un Dieu de miséricorde, un Dieu d’Amour,
qui
vient parler à son Peuple par l’entremise de Moïse et qui s’efforce de
mettre
son Esprit sur ceux qui pourraient diffuser sa Parole. Un Dieu de
confiance,
qui sait qu’il ne sauvera pas l’Homme tout seul, comme un magicien, mais
qui
espère mettre en l’Homme la force de son Esprit.
Cette force pour que celui-ci devienne
prophète, c’est-à-dire annonciateur de ce qui est bon et juste, aux yeux
du
Seigneur, pour accéder à la terre promise, au Salut de la vie éternelle.
Le texte de
la 2ème
lecture, assez dur lui aussi, nous invite à nous questionner sur ce qui,
dans
nos vies, est vraiment important pour ceux qui désirent cheminer à la
suite du
Christ. On pourrait croire, là aussi, en lisant un peu rapidement ce
qu’écrit
Saint Jacques, et qui reprend des paroles de Jésus à ce sujet, que Dieu
condamne ceux qui s’enrichissent. Mais le texte en réalité condamne
moins l’opulence
qu’il n’invite à la générosité. Ce que notre Père nous propose, c’est
d’aimer,
plus que d’amasser. De donner, plus que de nous détourner. Si nous ne
privons
pas ceux qui ont besoin de notre bienveillance, de notre fraternité, de
notre
charité, au sens Evangélique du terme qui signifie « partage de l’Amour
»,
alors nous pouvons dire que nous marchons à sa suite. Mais si nous
fermons nos
yeux, nos cœurs et nos mains face à la misère, à la détresse, alors, en
effet,
pleurs et lamentations nous guettent.
Et puis, ce
texte de
l’Evangile. Il commence par évoquer une scène un peu surprenante. Un des
douze,
et pas le moindre, car il s’agit de Jean, vient dénoncer auprès de Jésus
un
Homme qui fait le Bien, mais qui ne fait pas partie du club. La réponse
de
Jésus est très claire. Ce qui compte, ce n’est pas l’appartenance,
l’étiquette,
l’identité. Ce qui importe, c’est l’acte, la mise en œuvre, la pratique
de ce à
quoi Dieu nous invite, peu importe qui nous sommes, d’où nous venons.
Pour être
un prophète de Dieu, pour être pour lui, et non contre lui, comme le dit
Jésus,
il ne suffit pas de s’auto-déclarer « bon chrétien ». Mais, il s’agit,
par ce
que l’on est pour les autres, par ce que l’on s’efforce de faire pour,
et
surtout, avec les autres, de croire en la Parole de Dieu, en la mettant
en
pratique. C’est un long chemin, une marche périlleuse. La chute nous
guette et
nous menace à tout instant. Et nous pouvons, nous aussi, en agissant à
rebours
du message de l’Evangile, être une cause de scandale, de chute pour les
petits
qui croient et espèrent en l’Amour du Père, en attendant celui de leurs
frères.
Et alors, nous pouvons en effet, nous voir menacé de meule autour du
cou, de
l’amputation, de la géhenne. Notre Eglise, notre pauvre Eglise, en a
malheureusement
tant d’exemples, et encore tout à fait récemment, de chrétiens ayant
fait des
choses admirables d’une part, et ayant commis l’abominable d’autre part.
Cela
doit nous inviter à beaucoup, beaucoup d’humilité.
En ce
dimanche, où
notre Eglise célèbre la 110ème journée mondiale du migrant et du
réfugié, notre
Pape François a voulu lui donner pour thème cette affirmation que nous
voyons
au travers des textes de l’Ecriture : « Dieu marche avec son peuple ».
Dieu
marche avec son Peuple et il nous invite à le suivre. Mais, nous
rappelle le
Pape, « Dieu ne marche pas seulement avec son peuple, mais aussi dans
son
peuple, en ce sens qu’il s’identifie aux hommes et aux femmes qui
cheminent
dans l’histoire – en particulier aux derniers, aux pauvres, aux
marginalisés,
aux migrants et aux réfugiés – comme s’il prolongeait le mystère de
l’Incarnation ». Dieu, en nous offrant son Esprit Saint, en le posant
sur nous,
en nous, comme il l’a fait pour les 70 anciens du temps de Moïse, attend
de
nous que nous devenions prophète de son Amour, artisan de sa
miséricorde,
acteur de sa charité. Que nous osions accepter de partager nos
richesses,
plutôt que de vouloir les protéger pour en profiter égoïstement, et
risquer de
les voir pourrir, comme l’écrit St Jacques. Et que nous acceptions, en
lien
avec ceux qui croient différemment de nous, de donner le trésor d’un
verre
d’eau à celui qui appartient au Christ, c’est-à-dire à chacun de ces
petits qui
sont aimés du Père.
Alors
puisse notre
cœur de chrétien être touché par ce message du Pape à l’occasion de
cette
journée mondiale du migrant et du réfugié. Puisse notre Foi nous mettre
nous
aussi en marche à la suite de Jésus et avec le Père. En marche sur cette
longue
route de l’exode, pour fuir la tentation du repli sur soi, qui mène à
l’amputation de ce qui peut nous rendre Saint. Et prions, pour que nos
pas nous
fassent avancer sur ce chemin de l’Amour inconditionnel d’un Dieu qui,
en toute
chose, en chaque instant, marche avec son Peuple. Marche avec nous tous,
avec
chacun de nous.
Olivier RABILLOUD, diacre permanent.
Paroisse St Vincent de Paul, Rezé (44)
29 septembre 2024