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Is 35, 4-7a ; Ps 145 (146), 6c-7, 8-9a, 9bc-10 ; Jc 2, 1-5 ; Mc 7, 31-37
Dans l’esprit de beaucoup de nos
contemporains, parmi ceux qui ont encore un peu de culture chrétienne,
la Bible serait coupée en deux : d’une part, l’ancien testament,
c’est-à-dire la première alliance, qui nous présente l’image d’un Dieu
guerrier, vengeur, qui punit sans pitié les fautes de ceux qui se
dressent contre lui ; et d’autre part le nouveau testament, qu’on
appelle aujourd’hui la Nouvelle Alliance, où Dieu apparaît comme un
dieu d’amour, de miséricorde, de bonté, de douceur… Y aurait-il donc
deux dieux différents ? ou alors, c’est Dieu lui-même qui aurait
changé, au passage de l’ancien testament vers le nouveau ?
Il est vrai, la première lecture
de ce dimanche commence de manière assez brutale : « c’est la vengeance
de Dieu qui vient, la revanche de Dieu » ! Vengeance, revanche… Cette
phrase pourrait donner raison à ceux qui pensent que l’ancien testament
est dur, impitoyable. Mais si on prend la peine de lire la suite
immédiate de cette phrase, on comprend de quelle vengeance il s’agit :
« Alors se dessilleront les yeux des aveugles, et s’ouvriront les
oreilles des sourds. Alors le boiteux bondira comme un cerf, et la
bouche du muet criera de joie ». Voilà la revanche de Dieu ! Quand Dieu
se venge, ce n’est pas contre les hommes, mais contre le mal. La
revanche qu’il prend, c’est une revanche sur le mal. Contre la
souffrance, il propose l’apaisement ; contre la tristesse, la joie ;
contre l’aridité, l’abondance ; contre la brutalité, la douceur ; bref,
contre le mal, le bien…
Et puis nous avons entendu et
chanté le psaume 145 : le Seigneur « fait justice aux opprimés ». On
reste dans le même registre : la vengeance, la justice...Mais là
encore, l’auteur biblique nous décrit la justice de Dieu non-pas comme
une violence, mais comme un baume apaisant, une libération, une
guérison, un soulagement. Le psaume énonce tout le bien qu’apporte le
seigneur : aux affamés, il donne le pain ; il délie les enchaînés ; il
ouvre les yeux des aveugles, redresse les accablés ; il aime les
justes, protège l’étranger, soutient la veuve et l’orphelin. Oui, la
vengeance de Dieu, c’est la victoire du bien sur le mal.
A ceux qui croient encore que le
Dieu de l’ancien testament est un Dieu guerrier, vengeur, il faut
proposer de lire ces textes. Et bien sûr, ce ne sont pas les seuls,
loin de là ! On trouve dans l’Ancien Testament de très nombreux autres
textes qui nous décrivent Dieu comme celui qui aime, qui pardonne, qui
donne l’espérance, qui prend soin, qui réconforte. Et même parmi les
passages qui pourraient sembler violents, il est toujours possible de
voir que, derrière cette apparente violence de Dieu, se cache un désir
immense de rédemption, de miséricorde envers l’humanité tout entière.
En conséquence, celui qui, à la
lecture de la première alliance, accuse Dieu d’être violent et sans
pitié, ferait bien de se regarder lui-même : Qui est-il pour juger Dieu
ainsi ? c’est ce que nous rappelle habilement Saint Jacques dans
sa lettre : En réalité, l’homme est un juge impitoyable pour l’homme,
qui traite ses semblables avec iniquité, tandis que Dieu a « choisi les
pauvres aux yeux du monde pour en faire les riches dans la foi et les
héritiers du Royaume ».
A l’inverse, il serait un
raccourci un peu rapide de prétendre que le Dieu présenté dans le
Nouveau Testament est toujours un Dieu paisible, d’amour et de
tendresse. Certaines paroles de Jésus lui-même sont extrêmement dures
et difficiles à entendre. Il lui arrive de traiter ses semblables de «
sépulcres blanchis », d’« engeances de vipère », d’« hypocrites »,
allant même jusqu’à dire qu’il vaudrait mieux pour certains qu’ils ne
soient pas nés ! Paroles rudes également quand il dit que sa mission
sur la terre n’est pas d’apporter la paix, mais le feu ; quand il nous
annonce la division que va provoquer son message : la fille se dressera
contre sa mère, le fils contre son père, la belle-fille contre sa
belle-mère… Et lorsqu’il parle des signes de la venue du Jour de Dieu,
il annonce des catastrophes effroyables, des cataclysmes, des malheurs
et de grandes souffrances !
L’opposition systématique et,
disons-le, manichéenne que certains peuvent faire entre Ancien et
Nouveau Testament est en réalité un raccourci caricatural et un peu
facile. On voit donc que la Bible est une œuvre encore méconnue, malgré
le fait qu’elle soit, encore de nos jours, en tête des ventes mondiales
de livres. Une œuvre souvent incomprise. Sans doute parce que, c’est
vrai, sa compréhension est parfois difficile, et qu’il faut un minimum
de « clés » de compréhension, mais surtout par ce qu’on la considère
trop souvent avec notre regard du XXIème siècle. La Bible est un livre
« inspiré », c’est-à-dire qu’elle est écrite par des hommes, animés et
guidés par l’Esprit Saint, certes, mais seulement des hommes, avec leur
humanité, leur culture, leur actualité. La perception qu’ils ont de
Dieu – et aussi de l’homme ! – évolue avec les siècles. Dieu se révèle
progressivement, en accompagnant la croissance de l’homme, qui décrit
ce qu’il en comprend, avec ses mots, dans son temps et dans sa culture.
Alors oui, on trouve davantage de
violence dans l’Ancien Testament que dans le Nouveau. Mais n’est-elle
pas le reflet de ce qu’est l’humanité à chaque époque ? Ce Dieu qui se
révèle peu à peu, l’homme n’en perçoit que ce qu’il peut en percevoir.
Jésus vient justement achever cette révélation, pour montrer le vrai
visage de Dieu à tous. Dans l’évangile d’aujourd’hui, s’il guérit un
sourd-muet, c’est pour accomplir la parole du prophète Isaïe : « et
s’ouvriront les oreilles des sourds ; la bouche du muet criera de joie
». Pour que chacun voit et comprenne de quel amour Dieu est puissant,
vers quelle espérance l’humanité tout entière est conduite, accompagnée
par ce Dieu bienveillant, qui veille sur elle, qui lui offre son amour
et espère d’elle la confiance, comme le fait un père pour ses enfants.
Oui, frères et sœurs, regardons
les exploits de Dieu que Jésus, à la suite de tous les prophètes de
l’Ancien Testament, nous montre pour nous guider ; Entrons dans la
confiance en ce Dieu d’amour qui ouvre les yeux des aveugles et les
oreilles des sourds. Relisons notre Histoire, depuis la Genèse, avec un
regard neuf, le regard de la foi, c’est-à-dire de la confiance, en ce
Dieu qui nous aime, qui n’a cessé de nous aimer de toute éternité.
Amen !
Daniel BICHET, diacre permanent,
Gorges, le 5 septembre 2021
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