Année B
Sommaire année B
retour vers l'accueil23° dimanche ordinaire
Is 35, 4-7a ; Ps145, 7, 8, 9ab.10b ; Jc 2, 1-5 ; Mc 7, 31-37
« Voici votre Dieu : c'est la vengeance qui vient, la revanche de Dieu.
» Voilà une phrase qui aurait de quoi nous effrayer ! C’est ainsi que
commence la première lecture d’aujourd’hui. Vengeance ? Revanche ? Quel
est donc ce Dieu vengeur et revanchard dont il est question ? Ces deux
mots semblent bien peu évangéliques, et pourraient nous donner une
impression très négative de notre Dieu que l’on dit d’amour !
Heureusement, le texte ne s’arrête pas là. Aussitôt après, on peut lire
: « Il vient lui-même et va vous sauver. Alors s'ouvriront les yeux des
aveugles et les oreilles des sourds. Alors le boiteux bondira comme un
cerf, et la bouche du muet criera de joie. » La voilà, la vengeance de
Dieu ! N’ayons pas peur ! La revanche de Dieu, c’est la revanche du
bien sur le mal. Sa vengeance, c’est le rétablissement de la
dignité de tout homme, écrasé par l’injustice ou par le malheur. Et le
psaume continue sur le même ton : « Le Seigneur fait justice aux
opprimés ; aux affamés, il donne le pain ; le Seigneur délie les
enchaînés. » Dieu est incapable de vengeance telle que nous l’entendons
avec nos pauvres sentiments humains : Lorsqu’il se venge, c’est en
donnant la vue aux aveugles, la parole aux muets et la liberté aux
enchaînés ! Comment pourrions-nous avoir peur d’un tel Dieu ?
Cette image d’un Dieu vengeur, c’est pourtant celle que plusieurs
générations de chrétiens ont reçue, connue et transmise, à certaines
époques et tout particulièrement au 19ème et une partie du 20ème
siècle. Mais, sans doute grâce à l’ouverture de la lecture de la Bible
pour tous, puis à la généralisation des formations, bibliques ou
autres que l’on connaît aujourd’hui, et au développement de l’exégèse,
cette image trop caricaturale a, heureusement, pratiquement disparu. En
tout cas, elle a disparu de la pensée de la plupart des chrétiens, même
si elle a encore la vie dure chez certains, et si elle est encore
propagée en dehors de l’Eglise, pour des raisons idéologiques évidentes.
Il suffit simplement de lire tous les textes que la liturgie nous
propose aujourd’hui, pour rectifier notre image déformée de Dieu, s’il
en était besoin. N’est-elle pas édifiante, cette lettre de St Jacques,
qui remet à sa juste place le regard de Dieu vis-à-vis des pauvres : «
Dieu, lui, n'a-t-il pas choisi ceux qui sont pauvres aux yeux du monde
? » Comme une manière de nous dire : toi qui soupçonnes Dieu d’avoir un
regard mauvais sur les hommes, quel est ton propre regard ? Est-ce Dieu
qui est injuste, ou bien toi, qui traites différemment les personnes
selon leur apparence, leur culture, leur statut social, leur richesse
ou leur pauvreté ? Comme une manière de nous dire : Ouvre-toi ! Ouvre
les yeux et vois, sois clairvoyant sur toi-même, sur Dieu qui n’est
peut-être pas comme tu le crois, et sur tes frères.
Effata ! C’est par ce mot araméen qui signifie justement « ouvre-toi !»
que Jésus opère la guérison du sourd-muet. Guérison éminemment
symbolique : elle a lieu en Décapole, territoire païen, hors des
frontières du judaïsme. C’est donc un non-croyant parmi les
non-croyants à qui Jésus ouvre les oreilles et la bouche, pour qu’il
s’ouvre, qu’il entre en communication avec le monde, pour qu’il accède
à la foi. Ouvre-toi à la Parole de Dieu, et va témoigner de sa
puissance qui guérit les infirmes et rend à chacun sa dignité. Présenté
comme un miracle de guérison du corps, il s’agit en fait, comme la
plupart du temps lorsqu’on analyse les miracles au second degré, d’un
miracle de conversion du cœur et de l’intelligence. C’est d’ailleurs le
sens chrétien du miracle, qui n’est pas un événement surnaturel
accompli pour lui-même, mais qui est un signe matériel visible dont le
but est de signifier, de faire signe, de révéler autre chose de plus
grand, qui n’est pas d’abord de l’ordre du matériel mais du spirituel.
Et Saint Jacques dans sa lettre d’aujourd’hui nous replace justement au
niveau du spirituel, lorsqu’il écrit : « les pauvres aux yeux du monde
– entendons pauvres au niveau matériel – [Dieu] les a faits riches de
la foi, il les a faits héritiers du Royaume qu'il a promis à ceux qui
l'auront aimé. » Si Saint Jacques nous dit cela, ce n’est pas
simplement pour nous en informer. Sa lettre n’est pas un communiqué de
presse ou une dépêche, une information parmi d’autres. C’est, comme
tous les autres textes regroupés dans la Bible, un message écrit dans
l’intention de nous aider à croire, qui éclaire notre foi et notre
intelligence, dans le but de nous convertir nous aussi et nous indiquer
un comportement à suivre. Il s’agit d’un éclairage sur notre propre
mission. Ainsi nous pouvons comprendre à travers cette phrase, que
l’essentiel dans notre mission auprès des pauvres n’est pas d’abord de
les rendre riches, sinon nous restons au plan matériel, mais de leur
annoncer l’amour de Dieu, leur permettre d’accéder à la foi, la vrai
richesse spirituelle qui fait de nous des « héritiers du Royaume. »
Oui, « effata », ouvre-toi à la dimension spirituelle. Ouvre ton esprit
à l’amour que Dieu te propose. C’est là la vraie richesse. Ce qui
n’empêche pas, évidemment, de venir en aide aussi de manière très
concrète à ceux qui en ont besoin. Mais en n’oubliant pas le but, en ne
limitant pas notre aide au plan matériel ; en ne négligeant pas de
faire signe, en n’oubliant pas d’annoncer ce Dieu qui nous aime,
puisque toute la Bible nous enseigne que c’est là l’essentiel.
Ces gestes de Jésus qui accompagnent sa parole, sont parfois repris
dans la célébration du baptême. C’est le « rite d’effata ». Le
célébrant touche l’oreille du futur baptisé, et lui dit « effata ! »,
ouvre-toi à la parole de Dieu, ouvre-toi au monde qui t’entoure. Puis
il touche sa bouche : « effata ! » ouvre-toi pour proclamer à ton tour
la bonne nouvelle de Dieu pour tous, la bonne nouvelle de l’amour,
cette douce vengeance du bien sur le mal.
Cette parole nous est aussi adressée, à chacun de nous, aujourd’hui : «
Effata ! » Ouvre-toi ! N’aie pas peur de ce Dieu qui n’est pas le dieu
vengeur, rancunier, destructeur et capricieux que certains se
complaisent à nous montrer. N’aie pas peur, ouvre tes oreilles à sa
parole qui sauve, à sa volonté toujours bienveillante. N’aie pas peur,
ouvre ta bouche pour témoigner autour de toi de cette Parole d’amour.
Ne crains pas ce monde qui semble parfois hostile, qui peut paraître
comme ce territoire païen de la Décapole au temps de Jésus. Ne crains
pas de lui annoncer la parole de Dieu, vraie richesse qui fait de nous
les « héritiers du Royaume » !
Amen !
Daniel BICHET, diacre permanent
8-9 septembre 2012,
Maisdon sur Sèvre, Gorges, grotte de Monnières,
Sommaire année B
retour vers l'accueil