Jésus lève les yeux vers la foule. Cette phrase tirée de notre évangile m’a frappé. N’aurait-il pas vu la foule avant, baisait-il la tête pour l’ignorer ? A plusieurs reprises Jésus « lève les yeux vers les autres » dans sa vie. Zachée. Jésus lève les yeux vers lui pour se faire inviter, il lève les yeux aussi vers la femme adultère alors que tous ses accusateurs sont partis. Et d’autres encore. Les détails dans les évangiles ne sont jamais anodins.
Un autre détail qui m’a frappé, pourquoi est-il précisé qu’il y avait beaucoup d’herbe à cet endroit ? Qu’est ce que cela apporte au récit ? Juste pour faire joli, pour décrire une scène champêtre, comme dans un roman ? Pourquoi est-ce un petit garçon qui a 5 pains et deux poissons ? En général ce sont les parents qui prévoient le pique-nique pour la famille. Sur cinq mille hommes, sans compter les femmes et les enfants, n’y en a-t-il pas d’autres qui ont prévu de quoi se nourrir ? Apparemment non.
Lever les yeux vers quelqu’un, c’est le reconnaitre, lui donner toute sa place, l’accueillir. Jésus accueille cette foule qui vient à lui et l’installe sur l’herbe. La mer n’est pas loin, ils sont montés sur la montagne, la vue doit être belle, tout est là pour un repas en pleine nature, l’accueil est parfait. Ou presque. Oui, mais il manque l’essentiel ; le repas. Cinq pains d’orge et deux poissons, dérisoire pour nourrir tant de monde. Et c’est là que Jésus « accomplit » l’ancien testament. Dans notre première lecture, nous avons déjà la multiplication des pains d’orge et la lecture se termine par « ils mangèrent et il en resta ».
C’est un petit garçon qui a nourri la foule. Bien sur, pas tout seul. Sans l’intervention de Dieu, rien n’était possible. Jésus a besoin de nous pour agir, il utilise de que possède ce garçon pour rassasier la foule. Nous avons tous quelque chose à offrir, et ce garçon a offert ce qu’il avait. Et c’est là qu’il nous faut revenir à l’Évangile et regarder ce que fait Jésus. En ce jour, il nous propose de revoir d’une autre manière notre table de multiplication, Dieu est un mathématicien à sa manière. Tout d’abord, il accepte le modeste goûter d’un enfant. Rien n’aurait été possible si cet enfant n’avait accepté de tout donner. Dieu a besoin de nos gestes de partage pour réaliser de grandes choses. C’est ainsi que cinq pains et deux poissons ont servi à nourrir cinq mille hommes. Une précision : le pain d’orge c’est celui des pauvres. C’est avec ce pain des pauvres que Jésus nourrit toute cette foule. Un jour, une pauvre femme a dit à Saint Vincent de Paul : “Si les pauvres ne partagent pas, qui le fera ?” Je repense ici au livre « La cité de la joie »
Et la suite de notre évangile, c’est ce que nous allons vivre pendant cette messe. Jésus, après avoir rendu grâce — c’est-à-dire s’être adressé à Dieu le père, c’est l’offertoire — distribua le pain aux convives, la communion que nous allons vivre. Notez qu’il est précisé que c’est Jésus qui distribue. C’est lui qui donne, même si dans les autres évangiles de Marc, Matthieu et Luc, ce sont les disciples qui distribuent ; c’est lui qui se donne par la communion à chacun de nous. Et il reste douze corbeilles. Ils sont douze apôtres. Tout les chiffres dans la bible sont symboliques. Dieu donne largement pour que nous sachions à notre tour donner ce que nous recevons.
La suite de l’évangile, dans le texte de Jean, c’est le discours sur le pain de vie après qu’il ait marché sur l’eau. Texte compliqué mais tellement riche. Jésus fait le parallèle entre la manne tombé du ciel dans le désert pour nourrir le peuple affamé et lui, descendu du ciel pour sauver les hommes. Il est dit « Les paroles que je vous ai dites sont esprit et elles sont vie ». L’enseignement du Christ est confirmé par les « signes » que fait Jésus. Oui, il est fils de Dieu, par lui tout est possible.
Qu’attendons-nous de lui ? Seulement un morceau de pain et un peu de poisson, ou bien avons-nous soif de ses paroles, de son enseignement pour vivre selon les paroles de St Paul dans la deuxième lecture : vivre d’une manière digne de notre vocation, avec humilité, douceur et patience, se supporter avec amour.
Je
vous invite cette semaine à relire cet évangile, et à repérer une
phrase, un mot qui résonne en vous. Imaginez-vous, assis dans l’herbe,
sur cette montagne et assistant à cette scène, nourri par le Christ.
Stanislas
de CARVILLE, diacre permanent
28
juillet 2024